Si l’abdomen présente, en arrière et sur les flancs, des
parois solides et résistantes, il est beaucoup moins bien protégé à sa partie
antérieure. En faisant une coupe de cette paroi, on trouve la peau, plus ou
moins tendue, une couche de graisse, d’épaisseur variable selon les personnes,
des fibres musculaires, dont la tonicité et la solidité dépendent de l’exercice
qu’a pris le sujet, remarquablement minces chez les sédentaires qui ne se
livrent à aucun travail physique ; au-dessous de ces fibres musculaires se
trouve une aponévrose, c’est-à-dire une lame de tissu fibreux, dont la
résistance peut également varier dans de grandes limites ; celle-ci
incisée, on tombe sur le péritoine, qui enveloppe l’intestin et la plupart des
organes abdominaux.
Cette paroi n’est pas absolument continue, quelques organes
la traversent au niveau de ses orifices ; les principaux de ceux-ci
sont : le canal inguinal, beaucoup plus développé chez l’homme, mais
existant aussi chez la femme ; l’anneau crural, par où passent, de
l’abdomen dans la cuisse, les artères et les veines iliaques, et l’ombilic,
ouvert chez le nouveau-né, normalement cicatrisé chez l’adulte, mais qui peut,
parfois, retrouver sa perméabilité ; tout en laissant de côté quelques
autres points par lesquels l’intestin peut quitter sa cavité habituelle, il
faut encore signaler que, sur la partie médiane, sur ce qu’on appelle la ligne
blanche, où s’entre-croisent les fibres des aponévroses droite et gauche, il
existe assez souvent des orifices qui peuvent donner issue à des hernies dites
épigastriques, dont le diagnostic est souvent assez difficile ... parce
qu’on n’y pense pas. Au niveau de ces divers orifices, le péritoine forme à lui
seul la paroi, renforcé, tant soit peu, par quelques éléments fibreux.
Au moment où l’on fait un effort, on commence par faire une
inspiration profonde, puis on ferme instinctivement la glotte ; le
diaphragme, profondément, refoulé, reste immobile, et l’abdomen sert en quelque
sorte de point d’appui ; la pression intérieure augmente dans une
proportion considérable, et il est facile de comprendre que l’intestin, si
mobile, aura une tendance à s’échapper de sa cage, s’il trouve un point faible
à celle-ci.
Si l’effort est considérable, la pression peut devenir telle
que l’intestin fera effraction, avec une paroi des plus solide, surtout dans
certaines positions du corps. C’est ce qu’on appelle des hernies « de
force ».
La plupart du temps, c’est à travers un canal anormalement
élargi, ou une paroi affaiblie, que l’intestin s’échappe de l’abdomen ;
ces hernies « de faiblesse » peuvent se manifester subitement, mais,
le plus souvent, leur développement est insidieux, ne se révèle, au début, qu’à
un examen attentif, tant que la hernie ne fait pas une tumeur visible au
dehors.
L’évolution peut être longtemps silencieuse, mais il n’est
pas rare d’observer dès le début quelques accidents trop facilement mis sur le
compte d’une indigestion, d’un refroidissement, et dont on néglige de chercher
la véritable cause.
Les sujets accusent souvent des pincements douloureux, à
siège très précis, des coliques, parfois des crises de vomissements
inexpliqués ; le plus souvent, tout rentre dans l’ordre avec quelques
jours de repos, et ces crises se renouvellent à des intervalles fort variables,
mais, parfois aussi, elles persistent, s’aggravent jusqu’à donner le tableau de
l’étranglement herniaire.
Prenant le cas, le plus fréquent, de la hernie inguinale, il
arrive que, lors d’un effort, pour peu que l’orifice interne de ce canal soit
un peu plus large qu’à l’état normal, que les fibres qui délimitent cet orifice
soient un peu plus lâches, le péritoine pénétrera dans ce canal, comme un doigt
dans un gant ; après l’effort, à la moindre secousse de toux, il
continuera à s’invaginer dans ce canal, dépassera le stade de hernie
« interstitielle » pour apparaître à l’extérieur, sous forme d’une
petite grosseur, indolore en temps habituel, de consistance pâteuse et qu’on
peut réduire, c’est-à-dire faire rentrer dans le canal très facilement. Tant
que la hernie n’est pas visible, le médecin, lorsqu’il en a l’intuition, doit
enfoncer un doigt dans ce canal en refoulant la peau ; en faisant tousser
le sujet, il perçoit l’impulsion que reçoit le paquet intestinal.
Infirmité souvent gênante, menace dangereuse pour le porteur,
la hernie réclame un traitement attentif et sérieux.
La première pensée du malade, une fois qu’il est au courant
de son état, est de s’adresser à un bandagiste. Le port d’un bandage est
parfois recommandable, il peut même s’imposer, mais la décision à prendre au
sujet de ce traitement dépend beaucoup plus de l’état général du sujet que de
l’état local de sa hernie, hormis le cas d’étranglement.
Si on se trouve en présence d’un homme jeune ou adulte,
vigoureux, ayant des tissus relativement solides, porteur d’une hernie par
suite d’un canal simplement élargi, le meilleur conseil à lui donner est de
faire procéder à la cure radicale, c’est-à-dire, après réduction de l’intestin,
de pratiquer une suture assez forte pour résister dorénavant aux poussées intestinales.
A-t-on, au contraire, affaire à un sujet âgé, à peau
flasque, à muscles atrophiés, l’opération sera inutile, car la suture cédera,
ou bien il se formera une hernie du côté opposé ; en pareil cas, on devra
se contenter d’un bandage, bien adapté, fait sur mesure si possible, exerçant
une pression suffisante sur l’orifice pour empêcher la sortie de l’intestin,
sans cependant être gênante ; ces conditions sont assez difficiles à
réunir, mais un bandagiste habile peut arriver à surmonter ces difficultés.
C’est tout ce qu’on peut demander au bandage herniaire ; rien n’est plus
vain que de s’imaginer qu’il peut guérir une hernie, exception faite pour celle
de l’ombilic chez le nouveau-né, parce que le canal ombilical tend toujours à
se fermer de lui-même.
Pour mémoire, il faut citer la proposition qu’ont faite
certains chirurgiens d’obturer l’orifice herniaire par des injections
sclérosantes ; c’est, de toute évidence, une méthode aveugle, plus
dangereuse que l’opération à ciel ouvert où l’on voit ce que l’on fait.
Est-il besoin d’ajouter que cette opération est une des
moins dangereuses de la chirurgie contemporaine ; qu’elle ne nécessite
guère qu’une quinzaine de jours de repos et peut fort bien se faire sous
anesthésie purement locale ?
Dr A. GOTTSCHALK.
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