En 1897, cinq amateurs de chiens, groupés autour d’une table
de restaurant de l’Exposition Canine de Paris, décidaient de fonder, en France,
un Spaniel-Club. Ces cinq pionniers étaient : MM. Lamaignère, Ch. Hazard,
Servan, le baron Jaubert et Thiollier.
L’article premier des statuts de ce jeune club est
libellé ainsi : il est fondé une société d’amateurs de Spaniels,
c’est-à-dire d’Épagneuls de chasse anglais et irlandais (autres que ceux dits
Setters). Cette société prend le titre de : « Spaniel-Club Français ».
À cette époque, les Spaniels étaient si peu connus chez nous
qu’il avait été nécessaire, pour les désigner, de déclarer qu’ « il ne
s’agissait pas de Setters ». Rapidement les petits Épagneuls anglais (Spaniels)
firent la conquête des amateurs français, grâce à leurs qualités personnelles,
et surtout à cause du Spaniel-Club, si admirablement dirigé par son
président-fondateur, mon vieil ami Lamaignère, qui assura ses fonctions jusqu’à
sa mort, en 1934, avec la même foi, la même ardeur et le même dévouement qu’aux
jours de sa jeunesse.
J’ai eu l’honneur de lui succéder, et, avec l’aide d’anciens
du Club, nous avons continué l’œuvre de notre regretté ami. Il me semble que
nous n’avons pas démérité devant ce lourd héritage ... Pour le prouver, je
citerai simplement deux chiffres : en 1898, notre association comptait 36 membres,
en juin 1947 : 1.200 membres ...
Et j’ajouterai que, si, en 1898, on notait 15 chenils
de Spaniels sur 36 membres (1 de Clumbers, 6 de Pield-Spaniels, 8 de
Cockers), il serait difficile de donner un chiffre exact des grands ou petits
élevages de Cockers et d’English Springers dispersés par toute la France, parmi
nos 1.200 membres, tant ils sont nombreux.
Depuis quelques années, le Cocker-Spaniel a supplanté tous
ses cousins germains : Sussex, Fields, Welshs, Clumbers, etc. Sa vogue
grandissante est si compréhensible : de petite taille, il garde un aspect
sportif par sa construction robuste, son importante ossature, et, en outre, sa
belle harmonie de proportions lui confère élégance et distinction ; sa
tête, au crâne vaste, au chanfrein puissant, aux yeux si expressifs, encadrée
de belles oreilles larges et longues (sans exagération), recouvertes de longs
poils soyeux, donne un caractère spécial à sa race.
Pour le chasseur qui apprécie les vrais plaisirs de ce noble
sport, la chasse, c’est-à-dire la recherche du gibier à travers bois et
broussailles, derrière un beau et bon chien dont il admire le travail ;
pour ce vrai sportif (si éloigné du « fusillot », préoccupé uniquement
de ravitailler un étal ou son garde-manger) qui désire garder constamment son
petit compagnon de sport, le Cocker est le chien idéal. Sa petite taille lui
permet de voyager en train, en auto, et de vivre près de son maître sans jamais
être une gêne. Au contraire, cette intimité avec les humains lui développe
intelligence et facultés ... Isolé dans un chenil, privé de contact
affectif, le Cocker n’est pas lui-même, et ses qualités de gaîté, de bon
caractère, ne se révèlent pas complètement. Très sensible, il peut être dressé
facilement par un maître patient qui sait allier la fermeté avec la douceur et
la persuasion. La brutalité, la cravache ne donnent que des résultats
désastreux : les seuls Cockers hargneux, craintifs, rencontrés en ma
longue vie de cockerman n’avaient pas d’autres raisons à leur mauvais caractère
que les mauvais traitements et la méchanceté de leurs maîtres. Mon camarade du
Comité, Gand, a écrit un admirable traité sur le Dressage du Cocker,
dont je conseille la lecture à tous ceux qui veulent connaître la bonne manière
de dresser leur Spaniel.
Le bon caractère, la gaîté, l’intelligence, l’amour de la
chasse sont les qualités essentielles du Cocker, et tout bon éleveur doit les
rechercher en même temps que les qualités physiques, dans le choix de ses
reproducteurs.
Le but du Spaniel-Club est de favoriser l’élevage du
« beau et bon » chien. Nos expositions spéciales, reprises depuis la
Libération, nous ont prouvé qu’il y avait encore des beaux Spaniels, malgré les
pertes importantes apportées par la guerre et l’ère des restrictions. Nos trois
field-trials, et notamment le dernier, donné en novembre à Salbris, ont été de
grands succès par le nombre impressionnant des engagés et par leurs qualités de
chasse ; le dressage laissait un peu à désirer, mais ceci est très
explicable, l’entraînement de ces Spaniels n’ayant pu être effectué normalement
à cause des difficultés matérielles dues aux circonstances. Néanmoins, ces
concours ont démontré la valeur sportive de très bons chiens possédant des
qualités de chasse innées.
Avec ces éléments, notre Club peut continuer et
perfectionner son activité. Dès l’automne, nous envisageons un field dans
l’Oise ; il sera suivi d’un autre concours près de Gien et d’un troisième
en Sologne. Cockers, Springers seront jugés par un jury composé des meilleurs
utilisateurs de ces variétés de Spaniels. Les spectateurs invités à ces
manifestations sportives pourront voir la manière si particulière de chasser de
nos favoris : leur allure grouillante, leur possibilité de se glisser sous
les couverts, de broussailler à travers bruyères et fougères, leur opiniâtreté
aux ronciers pour en faire déguerpir le gibier ; ils verront nos petits
Cockers rapporter le gibier tiré, avec de la joie plein les yeux. Et, s’ils
reprochent à ces derniers de ne pouvoir que traîner un lièvre (animal pesant,
parfois, la moitié du poids d’un Cocker), ils adopteront son cousin, le grand
Spaniel : l’English Springer, à qui sa taille permet ce rapport spécial
très facilement. En dehors des grands concours jugés suivant le règlement
officiel de la Société centrale, ils assisteront à des épreuves dites
« Saint-Hubert » où les chiens ne seront jugés que sur leurs qualités
naturelles de chasse, sans tenir compte de la question dressage ; cet
essai, qui a débuté en novembre dernier, a montré sur le terrain que des
lauréats d’exposition, réputés par de vilains détracteurs comme des
« chiens d’appartement », avaient des qualités naturelles que seul le
manque d’exercice de la chasse n’avait point développées.
Les lecteurs de cet article désireux d’avoir de plus amples
renseignements sur les Spaniels peuvent s’adresser à notre secrétariat. Le
siège social du Spaniel-Club, 21, rue de Clichy, Paris, est domicilié au
Saint-Hubert-Club de France, dont le directeur général, mon ami Victor
Mairesse, vice-président de notre association, est, depuis si longtemps, un
dévoué fervent à notre cause. Notre Comité comprend des éleveurs et des
utilisateurs compétents de notre race. Ils soutiennent mon effort avec une
compréhension et un dévouement à toute épreuve. Grâce à eux, grâce à nos
diligents délégués régionaux, avec l’appui de nos 1.200 membres qui nous font
confiance, le Spaniel-Club Français est devenu l’un des clubs canins les plus
importants de France.
Dr PAUL,
Président du Spaniel-Club Français.
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