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Le Setter irlandais

De l’avis d’un grand nombre de cynophiles, ce Setter, à la livrée d’un rouge profond, d’une rare distinction sans gracilité, est le plus beau des chiens d’arrêt. Certains disent le plus beau chien.

Le succès croissant de la race en France m’incite à lui consacrer ces quelques lignes.

On sait qu’en sa patrie il est considéré comme un virtuose du marais, où il est le compagnon habituel des professionnels du tir de la bécassine. C’est donc un très bon chien de marais et pas que de marais.

Séduit par son physique, l’amateurisme anglais a eu le tort de le cultiver pour sa seule beauté durant longtemps et ce, comme il se doit, au détriment de sa qualité sur le terrain. Il y a quelques lustres, on a vu de ces chiens issus de parents non chasseurs qui jamais ne se déclaraient.

On en a vu d’autres, de suprême élégance (graciles, il faut le dire), rétrécis de crâne et de coffre, dont la médiocrité a fait à la race, près des chasseurs, le tort qu’on peut imaginer. Il a fallu des centaines d’exemples, pourtant, pour convertir certains et leur faire admettre le crâne assez épanoui pour donner place à la cervelle. Le standard originel le postulait d’ailleurs ; mais cela avait été perdu de vue.

C’était au même temps qu’il était de bon ton de gémir sur l’entêtement de ce pauvre chien. S’il y eut des entêtés, la faute doit être imputée à la sélection (esthétique, si on ose dire) à laquelle la race était soumise, sans aucun souci des données de l’expérience pratique.

Ce n’est pas dans les rangs des diverses races d’Épagneuls qu’il faut, en effet, chercher les fortes têtes, lorsque soumises à un élevage inspiré par le sens des réalités.

Un rouge n’est pas plus difficile à mener que n’importe quel autre Setter. Mon premier souvenir de l’Irish Setter date de 1913, où, durant toute la saison, j’eus à mettre au point une jeune lice seulement déclarée, garantie pour le caractère et la fermeté de l’arrêt. Dès la première sortie, cette chienne, intelligente et souple, savait avec prudence et habileté tâter le vent et croiser sa quête. Port de tête, excellent nez. Tout y était. Il fallut seulement quelque temps pour l’habituer aux runners difficiles. Mais peut-on reprocher aux représentants des races voulues chassant le nez haut et assistés du retriever de n’être pas portés au rôle de pisteurs !

Certes, à l’époque, il y avait du déchet parmi ces Setters et on me dira que cette chienne était une exception. Elle était plutôt membre d’une famille où le chien de chasse était recherché, non l’être passé au laminoir cher à la mode du temps. Dès alors, l’existence de tels sujets ne laissant rien à désirer prouvait qu’un coup de barre donné dans le bon sens remettrait tout en ordre. Il a été donné chez nous voici quelques années. On a revu aux épreuves gagner des Setters rouges en compagnie de Pointers et Setters anglais. De plus en plus, les chasseurs, même très moyens, n’hésitent plus à s’en pourvoir, preuve que les réputations d’antan d’indocilité et de froideur ont cessé d’avoir cours.

Ayant pratiqué l’Irish Setter au marais comme chien à bécassine, dans les champs et couverts sur perdrix grise et bécasse, j’estime qu’il peut donner satisfaction aux plus difficiles. En outre, et ce n’est pas à dédaigner, le chasseur paraissant en public avec l’un d’eux ne passera jamais pour avoir acheté son compagnon au braconno du village.

Reste une objection que j’ai entendue. La belle robe du personnage est peu visible. Je dirai felix culpa. Ne recherche-t-on pas, pour le marais en particulier, les robes de teinte neutre : le Griffon à robe grisaillée, les Braques et Épagneuls marron tiqueté ?

Essayez donc ce beau chien, maintenant que vous avez toute chance de le rencontrer bon. Si vous aimez les allures vives et coulantes et aussi l’allure, sans qualificatif, vous serez satisfait.

R. de KERMADEC.

Le Chasseur Français N°619 Avril 1948 Page 61