« Chauds les marrons ! » Depuis quelques
années, au coin des rues des grandes villes, on recommence à entendre ce cri,
oublié pendant l’occupation. Et chacun de se presser autour du marchand de
marrons : quel plaisir de réchauffer ses doigts engourdis contre le cornet
tiède ! On se salit un peu les doigts à les décortiquer, mais comme on
lutte mieux contre la bise aigre, semble-t-il, après les avoir absorbés !
C’est que le marron est par excellence un fruit d’hiver. Il
convient parfaitement aux besoins de notre corps, qui perd beaucoup de chaleur
en cette froide saison. Marrons et châtaignes sont des aliments de première
importance, tout comme les céréales, les pommes de terre, les légumes secs. Ils
ne doivent pas être considérés comme un dessert superflu, ils constitueront
plutôt un plat de résistance, et, dans la confection des menus, il faut bien se
garder de les servir avec des légumes secs, des pâtes ou du riz. Ils
conviennent au contraire à merveille pour compléter un repas à légumes
aqueux : épinards, choux, carottes, navets, etc. ...
Le tableau suivant, qui indique la valeur alimentaire du
marron du Limousin, à l’état normal, peut aussi bien convenir aux châtaignes,
puisque ces deux fruits sont produits par des arbres très voisins : dans
la bogue du châtaignier-marronnier il n’y a que deux fruits, qui sont plats
d’un côté, bien arrondis de l’autre ; dans la bogue du châtaignier
proprement dit prennent place, en général, trois fruits, celui du milieu étant
aplati des deux côtés, et tous trois étant en général plus petits. Leur teneur
en principes nutritifs se rapproche beaucoup de celle du blé :
Eau |
61,20 |
p. 100 |
Matières azotées |
2,47 |
— |
Matières grasses |
0,89 |
— |
Hydrates de carbone |
33,16 |
— |
Cellulose |
1,16 |
— |
Sels minéraux |
1,12 |
— |
Les hydrates de carbone s’y trouvent sous forme d’amidon
surtout, d’où la nécessité de ne consommer marrons et châtaignes que cuits,
mais aussi sous forme de glucose, directement assimilable, ce qui donne au
marron son goût sucré et le fait rechercher comme dessert, mais le rend aussi plus
digestible que s’il ne contenait que de l’amidon.
Cuit et broyé, le marron fournit une farine qui sert à
préparer des bouillies savoureuses et de digestion facile, tout à fait
recommandables par leurs principes d’une grande puissance nutritive. Ces bouillies,
dit le Dr H. Leclerc, « sont l’aliment de choix des
dyspeptiques, des convalescents, des petits enfants qui n’ont que quelques
dents, et des vieillards qui n’en ont plus du tout ».
Mangeons donc des marrons ...
Décortiquées, les châtaignes se prêtent à une foule de
préparations culinaires. Voici quelques recettes :
Marrons grillés.
— Faire une incision dans l’écorce brune et mettre les
marrons dans un four très chaud pendant quinze à vingt minutes, en les remuant
de temps en temps. Ou bien, après l’incision, les mettre sur un feu vif (le gaz
convient aussi bien qu’un feu de bois) dans une poêle percée. Remuer
fréquemment en tapant sur la queue de la poêle. Au bout d’une demi-heure, les
mettre dans un récipient et envelopper le tout d’une serviette ou d’un lainage
pendant dix minutes ou un quart d’heure : l’intérieur des châtaignes
achève de se cuire sans se brûler ou se dessécher.
On peut éviter l’incision, à condition de commencer à feu
assez doux et de remuer constamment au début.
On peut manger les marrons grillés tels quels ; on peut
aussi en bourrer une poule ou une dinde ... on peut les servir autour d’un
rôti, comme des pommes frites.
Pour la plupart des préparations culinaires, on enlève les
deux enveloppes, ce qui présente quelques difficultés. Voici un bon
procédé : faire bouillir les marrons quelques minutes seulement, ôter
l’eau bouillante, verser les marrons dans l’eau froide : l’écorce et la
fine peau s’enlèvent alors facilement, d’autant plus que la châtaigne est
légèrement sèche. Quand les châtaignes sont plus sèches, on peut enlever la
peau brune d’abord ; jeter ensuite de l’eau bouillante sur les fruits, les
laisser tremper une bonne demi-heure ; la seconde peau s’enlève alors très
facilement. Faire cuire ensuite les marrons dans de l’eau pendant vingt
minutes.
Chou à la limousine.
— Peler une livre de marrons. D’autre part, couper un
chou en lanières, comme des nouilles (le chou rouge est particulièrement
indiqué). Le mettre dans un poêlon en terre, saler et mouiller avec du bouillon
de légumes — ou, mieux, avec du lait. Ajouter beurre ou margarine. Ajouter
les marrons épluchés et laisser cuire le tout à feu très doux pendant deux
heures.
Purée de marrons.
— Décortiquer des marrons, les faire cuire à l’eau
bouillante jusqu’à complet refroidissement. Égoutter et passer au tamis ou au
moulin à légumes. Mettre la purée obtenue sur le feu en ajoutant du bouillon de
légumes — ou du lait — jusqu’à consistance voulue, un peu de beurre
ou de crème de lait, un peu de sel.
Se sert comme la purée de pommes de terre : seule,
autour de saucisse rôtie ou viande quelconque.
Soupe aux marrons.
— Réduire des marrons en purée. Délayer cette purée
dans du bouillon de légumes — ou du lait, — porter à ébullition,
verser sur des croûtons de pain grillé.
Macaroni aux marrons.
— Cuire 250 grammes de macaroni, autant de
marrons. Égoutter l’un et l’autre. Graisser un plat allant au four, disposer
alternativement une couche de marrons réduits en purée, une couche de macaroni,
saler, recouvrir de chapelure, mettre quelques morceaux de beurre ou de
margarine à la surface du plat. Mettre au four de quinze à vingt minutes.
Pudding de marrons aux pommes.
— Réduire en purée 250 grammes de marrons et 500 grammes
de pommes. Ajouter deux morceaux de sucre, puis caraméliser un moule et
alterner par couches : marrons et pommes. Mettre au four.
Soufflé aux marrons.
— Délayer peu à peu deux bonnes cuillerées de farine de
châtaignes avec un demi-litre de lait. Ajouter 75 grammes de sucre et
faire cuire cinq minutes en remuant constamment. Laisser refroidir et ajouter
un ou deux jaunes d’œufs, puis les blancs battus en neige ferme. Mettre au four
vingt minutes et servir chaud et vite pour que le soufflé ne retombe pas.
Crème de marrons vanillée.
— Délayer cinq ou six cuillerées à soupe de farine de
châtaignes avec un peu de lait sucré. Faire cuire de façon à former une purée
épaisse. Laisser refroidir, puis ajouter deux blancs battus en neige ferme.
Verser la pâte dans un moule enduit de caramel. Faire cuire une heure à four
modéré. Démouler froid et recouvrir d’une crème à la vanille faite avec les
jaunes d’œufs.
A. PEYREFITTE.
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