Ont-ils voulu justifier les prix élevés
qu’atteignent, même en confection, les élégances féminines, il semble que ceux
qui ont profession d’habiller les femmes aient pensé à tout ce qui pouvait être
le plus pratique, confortable, voire même interchangeable pour leurs
collections hivernales.
Pour le matin, le footing, les jours pluvieux, les grands
froids, ce sont des tailleurs de lainage très moelleux, peu fragiles, presque
toujours chinés ou à menus carreaux, souvent à vestes dépareillées, contenant,
outre le chemisier classique de jersey, des gilets, le tout enveloppé dans de
grands manteaux amples et longs à larges emmanchures kimono, à cols emboîtants,
comme le veut la ligne Directoire qui a inspiré les créations de cette saison.
Les manteaux, qui sont de très épais et souples lainages, ne sont généralement
pas doublés, étant réversibles, c’est-à-dire unis à l’endroit, écossais à
l’envers : chez Rodier et chez Jacques Léonard, en passant chez Gérondeau
et Pierre Besson, on trouve les plus beaux tissus, les tons les plus riches et
d’étonnantes qualités, plus belles peut-être que les plus belles d’avant guerre !
Le manteau est parfois aussi, grâce au velours finement côtelé et au
contreplaqué de Bucol, un imperméable qui n’a d’ailleurs plus rien à voir avec
les affreux imperméables d’autrefois, ces tissus étant de nuances exquises, de
formes étudiées et doublés de lainage en oppositions savantes.
Pour l’après-midi, nous retrouvons le manteau ample,
à godet, long, mi-long ou court, le plus souvent fourré, en velours de laine ou
en velours de coton, côtelé ou non, d’une couleur qui permet de le porter avec
plusieurs robes différentes, et les tons de cette année sont de toute
beauté ; un peu tristes disent certains, car ils sont comme poudrés de pastel,
assez sombres, mais d’une réelle distinction ; ce sont des verts bronze,
amande ou olive, des rouges anciens, grenat ou rubis foncé, des bleus ardoisés,
des blonds cendrés et des gris ; le grand lainier Lesur a proposé à la
couture la plus admirable palette de coloris et la plus étendue qui soit.
L’ensemble, le tailleur, la redingote noirs restent la tenue
élégante par excellence ; ils sont cette saison particulièrement rehaussés
de fourrures, généralement amovibles ; c’est ainsi que sur les uns et les
autres s’ajoutent ou se suppriment, selon la température et ... l’humeur
du moment, capes et collets, palatines et boléros (et ceux-ci sont plus à la
mode que jamais), basques de toutes longueurs en astrakan, en loutre, en breitschwantz,
en taupe, en renard argenté, bleu ou noir, en ocelot, en panthère ; la
taupe, abandonnée depuis tant d’années, est lustrée de tons nouveaux, et les
fourrures tachetées de la panthère et de l’ocelot ont retrouvé toute leur
vogue, ainsi que le rat musqué et le rat d’Amérique dit « ondatra »
travaillé de remarquable façon par Révillon, Canada Furs, Philippe ou Michelle
Gérard.
Ce qui est valable pour l’après-midi l’est également
pour le soir, aucun couturier ne l’a compris comme le grand tailleur O’Rossen,
qui a créé de magnifiques tailleurs classiques du soir à fourreau long, en
poult ou en satin, à gilets de velours décolletés d’une allure incomparable. La
formule de Feferling est également heureuse, une stricte jaquette de drap noir
à basque entièrement pailletée sur fourreau interchangeable, long ou court,
selon que le tailleur sera porté pour la nuit ou pour le petit dîner.
Selon Edith, le chausseur connu, qui fut l’ennemi le plus
acharné du « compensé », les plus élégants souliers trotteurs seront
en « croco » gold ou de couleur avec sacs et gants assortis ;
Laure veut ceux de l’après-midi en gabardine beige gris et verni noir, et tous
deux, pour accompagner les robes habillées et quelles que soient les
peausseries employées, des cothurnes très ajourées et souvent à talons plats,
comme les portaient les « Merveilleuses ».
G.-P. de ROUVILLE.
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