Bien que cette forme de névralgie ait été connue depuis la
haute antiquité, elle reste encore mystérieuse dans son essence ; le terme
de « rhumatismale » dont on l’affuble ne fait que cacher notre
ignorance de ses causes.
Cliniquement, par contre, elle est bien connue ; on
sait qu’elle se caractérise par divers troubles, parmi lesquels l’élément
douleur tient la première place.
Elle survient surtout au printemps et en automne, frappant
des hommes de trente à soixante ans, plus spécialement ceux qui ont été exposés
au froid humide ou à des efforts violents.
La douleur débute habituellement à la région lombaire (sous
forme de lumbago) et aux fesses, s’étend à la face postérieure de la cuisse,
gagne souvent la jambe et le pied ; elle est sourde, avec des exacerbations
survenant particulièrement la nuit, ou à la suite d’efforts de toux,
d’éternuement ; elle est réveillée par la pression sur tous les points où
le nerf sciatique peut être comprimé sur un plan osseux, par l’élongation du
nerf provoquée par la classique manœuvre de Lasègue : le malade étant
couché, l’extension de la cuisse est indolore si le genou est fléchi et devient
douloureuse dès qu’on tente d’étendre la jambe, manœuvre qu’on peut modifier de
diverses façons quand on soupçonne une simulation.
Les troubles de la sensibilité cutanée sont des plus rares
et toujours minimes dans cette forme : les troubles musculaires, également
discrets, se manifestent par une certaine mollesse des muscles de la fesse et
du mollet, entraînant l’abaissement du pli fessier du côté malade ; dans
la masse sacro-lombaire, au contraire, on observe un certain degré de
contracture qui a pour effet de causer une courbure de la colonne vertébrale,
une scoliose dont la concavité regarde du côté sain, ce qui a pour effet d’élargir
les trous par lesquels sortent les branches du nerf ; assis ou couché, le
malade repose sur sa fesse saine ; debout, il a une attitude hanchée et,
en marchant, il s’appuie le moins longtemps possible sur le membre douloureux.
Quand la maladie est de longue durée, on observe souvent une
atrophie plus ou moins marquée des muscles de la fesse, de la cuisse ou de la
jambe, mais on n’observe jamais de paralysies dans cette forme de la sciatique.
L’exploration électrique, l’examen du sang ou du liquide
céphalo-rachidien ne permettent pas de conclusions pratiques. Le réflexe
rotulien est le plus souvent conservé, alors que celui du tendon d’Achille peut
être aboli.
Dans la forme la plus habituelle, la douleur atteint son
maximum en trois à six jours, reste vive pendant trois semaines et disparaît en
trois mois, souvent avec des récidives, mais il y a des formes suraiguës
débutant brusquement et durant pendant des mois, ainsi que des formes
chroniques de très longue durée coupées par des épisodes aigus de quelques semaines.
Le pronostic n’a rien d’alarmant, mis à part la douleur et
l’impotence fonctionnelle passagère qu’elle provoque ; la guérison se fait
sans séquelles ; on affirme souvent que plus la douleur est vive, plus
l’affection sera de courte durée, mais cela n’est pas toujours exact.
On a décrit diverses formes, selon la partie du nerf la plus
atteinte ; elles sont le plus souvent intriquées, et leur diagnostic
n’apporte guère de renseignements.
Plus important est le diagnostic différentiel, le diagnostic
de sciatique « rhumatismale », essentielle ou cryptogène ne devant
être posé qu’après élimination de toutes les autres formes, de toutes les
affections pouvant donner le change.
L’absence ou le peu d’importance des signes objectifs font
de la sciatique une affection facile à simuler, aussi, dans certains milieux,
faut-il savoir dépister cette simulation.
Dans l’arthrite coxi-fémorale, les mouvements de la hanche
sont limités d’emblée, ce qui n’est jamais le cas dans la sciatique ; en
cas de doute, la radiographie s’impose, tout comme dans l’arthrite
sacro-iliaque, bien souvent, d’ailleurs, accompagnée de sciatique. Les
altérations vasculaires (artérites, phlébites, anévrysmes) sont faciles à
reconnaître, tout comme la cellulite, d’ailleurs rare et frappant surtout le
sexe féminin.
Les signes généraux différencieront les névralgies des
goutteux, des diabétiques, celles dues à certaines intoxications (plomb,
mercure, oxyde de carbone). La colonne vertébrale sera soigneusement examinée,
on recherchera la tuberculose (mal de Pott), le rhumatisme vertébral, la
syphilis, qui, en s’attaquant aux racines du nerf, peut donner une sciatique
spécifique. Il faut encore écarter les névralgies dues à une compression du
nerf sur un point quelconque de son trajet (bandage mal ajusté, fracture du col
du fémur, tumeurs abdominales ou pelviennes, grossesse, etc.).
Le traitement comportera pendant la période aiguë, en
première ligne, le repos et la chaleur, avec emploi des médications
analgésiques. La vitamine B1, donnée à fortes, à très fortes
doses, a quelques succès à son actif ; comme révulsif, on emploie beaucoup
les sels d’histamine en injections intradermiques ou même profondes ; on a
aussi utilisé, avec des succès divers, la radiothérapie, les ondes courtes, les
rayons infra-rouges ou ultra-violets.
Une fois passée la période aiguë, on recourra à la
mobilisation prudente et au massage doux, puis aux cures thermales
(Aix-les-Bains, Bourbonne, Dax, Cauterets, Plombières, Luxeuil, etc.).
Sauf pour les goutteux et les diabétiques, il n’y a pas de
régime spécial à suivre, il suffit simplement d’éviter les excès ; pour
écarter les récidives, dans la mesure du possible, il faudra s’abstenir de
mouvements violents, se garder du froid, surtout du froid humide.
Dr A. GOTTSCHALK.
À la suite de l’article paru dans le numéro
d’août-septembre, j’ai reçu une courtoise protestation de la Chambre syndicale
de la margarine, affirmant que les jaunes AB et OB, seuls autorisés comme
colorants en France, ne sont pas cancérigènes, ainsi que cela résulte de la
longue expérience humaine à laquelle ils ont été soumis à l’étranger et de
nombreux travaux de laboratoire.
Et, tout en regrettant que les circonstances actuelles ne
permettent pas l’emploi d’huiles exotiques pour obtenir la coloration chère aux
consommateurs, je suis obligé de constater que la très minime quantité employée
de ce colorant artificiel, étant donnée la faible consommation de la margarine
(800 grammes par tête et par an, en France), est sans inconvénient. Quant
à l’arôme, il est dû au diacétyle, produit qui existe dans le beurre, où il
provient de la fermentation lactique.
J’ajouterai, après en avoir vu la fabrication, que la
margarine actuelle n’a plus que le nom de commun avec le produit jadis breveté
par Mège-Mouriès ; le suif n’est plus utilisé pour les qualités
commerciales, aujourd’hui uniquement à base d’huiles végétales.
A. G.
|
|