Parmi les nombreux lecteurs du Chasseur Français qui
s’intéressent aux rubriques canines, beaucoup sont des cynophiles
avertis ; mais beaucoup d’autres sont, parfois à leur insu, plus ou moins
ignorants de certaines questions essentielles. Les réflexions que nous
entendons, les questions qu’on nous pose souvent, prouvent l’utilité de traiter
sommairement pour eux quelques sujets qui, nous nous en excusons, ne peuvent
intéresser tous les autres qui savent.
Certains diront avec admiration : « Ça, c’est un
chien à pedigree. » D’autres, avec mépris ou ironie :
« Peuh ! tous ces chiens à pedigree, c’est de la blague ! »
D’autres, enfin, ignorent, puisqu’ils le demandent, ce qu’est un pedigree.
Nous allons donc, sommairement, exposer pour eux ce qu’est
un pedigree, quelle en est l’utilité et quelle est la valeur relative ou réelle
d’un chien nanti d’un pedigree.
Le pedigree est l’acte authentique qui établit la
généalogie d’un animal domestique. C’est un mot anglais, qui se prononce pé-di-gri,
et qui provient, peut-être étymologiquement, du français : par degré. Cet
acte indique, pour chaque branche, paternelle et maternelle, les noms de tous
les ascendants. S’il n’indique que quelques générations, c’est que,
généralement, la place manque pour indiquer les plus anciennes ; mais il
est toujours possible de remonter plus haut, par références, jusqu’au point de
départ, c’est-à-dire jusqu’à la plus haute génération connue. Celle-ci, la
génération de départ, est celle à partir de laquelle a été constatée son authenticité
et à partir de laquelle il est possible d’affirmer l’exactitude des
accouplements successifs d’où est issu, par degrés, le sujet pour lequel est
établi le pedigree.
Il se peut donc, aussi, qu’un pedigree ne puisse faire
mention que d’un nombre restreint de générations, si la première constatée est
encore récente, comme on le verra ci-après.
Le pedigree est un acte, parce qu’il est affirmé et signé
des responsables de l’accouplement qui a donné naissance au produit, comme
l’ont été tous les accouplements antérieurs.
Cet acte est dit authentique, c’est-à-dire officiel, s’il
est visé par l’un des organismes officiels accrédités pour surveiller
l’exactitude des généalogies et en conserver les archives. De même l’acte de
naissance des hommes civilisés est authentifié par le visa du maire,
responsable et détenteur du registre des naissances.
En ce qui concerne les chiens, il existe dans chaque pays un
organisme officiel pour l’ensemble des races (en France, la Société centrale
canine), ou des organismes reconnus pour certaines races seulement (le livre
des origines du griffon, par exemple, pour les griffons d’arrêt à poil dur), et
ces organismes sont fédérés entre les divers pays (par la Fédération
cynologique internationale, dont le siège est actuellement à Bruxelles) afin
d’unifier leurs méthodes de contrôle et d’élaborer ensemble toutes les règles
régissant l’attribution des récompenses et tout ce qui a trait à la cynophilie.
Ces organismes tiennent les livres des origines (la Société
centrale canine tient le Livre des Origines françaises, dit L. O. F.)
où sont inscrits dès leur naissance, avec un numéro, les chiens de race
pure : Les organismes particuliers reconnus tiennent leurs livres
particuliers (exemple, les clubs de griffons d’arrêt français, belge, hollandais,
tiennent le Livre des Origines du Griffon, dit L. O. G.).
Ces inscriptions se font sur la foi de la déclaration des propriétaires de la
lice et de l’étalon géniteurs, à condition que ces derniers aient eux-mêmes été
inscrits à ces livres, de même que les géniteurs antérieurs, ce qui suppose
donc une chaîne ascendante, théoriquement sans fin, de géniteurs inscrits.
Mais, comme il faut un point de départ et que des chiens de race pure peuvent
n’avoir pas été inscrits, l’inscription de ces derniers, lorsqu’elle est
demandée, est faite sur le Registre Initial (R. I.), et ce
n’est que si pendant quatre générations successives les descendants ont été
reconnus de pure race par un juge qualifié qu’à la quatrième génération
descendante l’inscription est faite, non plus au R. I., mais au L. O. F.
(pour la France).
Le but de ces livres d’origines étant de maintenir la pureté
des races, n’y sont admis à l’inscription que les produits issus de parents non
seulement eux-mêmes inscrits, mais appartenant à la même race. Les pedigrees
visés par ces organismes ont donc une double fin : certifier que le chien
appartient bien à la race indiquée et certifier que sa généalogie est exacte.
Mais il peut exister aussi des pedigrees non authentiques
dans les cas suivants :
a. Un éleveur ne fait point inscrire ses chiens à un
livre officiel, tenant lui-même son livre des origines. En ce cas, il s’agit
généralement d’un éleveur original, ce qui ne suffit pas, s’il est sérieux,
pour mettre en doute l’exactitude des pedigrees qu’il établit et la pureté des
chiens qu’ils concernent ; mais il est évident que ces pedigrees n’ont que
la valeur relative d’un acte sous seing privé par rapport à un acte notarié,
par exemple, et que, cet éleveur ne pouvant se porter garant que de son propre
élevage, il ne peut que borner ses déclarations aux chiens issus de ce dernier,
c’est-à-dire à sa propre famille.
b. Un éleveur fait un croisement de deux races :
en ce cas, les organismes officiels refuseront d’authentifier les pedigrees
faisant mention de cette hybridation ; mais cet éleveur peut fort bien
établir les pedigrees sincères de ses produits, indiquant les véritables
géniteurs dans chaque branche. Cela s’est fait, notamment, à l’origine de la
création de certaines races, obtenues par croisements.
Il résulte de tout ceci qu’un pedigree est seulement l’acte
d’état civil qui établit la généalogie d’un sujet. Par lui-même, il ne prouve
rien d’autre que cette généalogie. Il ne la prouve que s’il est authentique,
c’est-à-dire visé par un organisme officiel et, dans ce cas, il la prouve
jusqu’à preuve de fausses déclarations faites à ces organismes ou de
substitution d’un chien à celui pour lequel le pedigree avait été établi.
Étant donc seulement un acte généalogique, un pedigree ne
confère pas forcément au sujet qu’il concerne une qualité quelconque, en dehors
de celle de pureté de race, s’il est authentique et sûrement exact.
Il en résulte, enfin, qu’un chien qui n’est pas de race pure
peut théoriquement avoir un pedigree (non authentique, mais tout de même
exact), si l’on a pris soin d’enregistrer le nom et la race de tous les
géniteurs ascendants.
Nous verrons, dans un prochain article, l’immense avantage
des pedigrees, tout le parti que l’on peut en tirer et aussi leur valeur
relative.
Jean CASTAING.
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