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Pour vivre de l'apiculture

L’apiculture est une des branches agricoles les plus intéressantes et les plus rémunératrices. Elle ne demande pas de gros capitaux dans les débuts, et on n’y consacre que les moments disponibles en dehors de ses occupations normales.

À la portée de tous, c’est une source de revenus qui est loin d’être négligeable. Le capital engagé est rapidement amorti. Aucun autre élevage ne peut rivaliser avec l’apiculture au point de vue commercial. N’exigeant aucune étude longue et aride, il suffit de se procurer un bon ouvrage traitant de la question, on est vite captivé en pénétrant petit à petit le secret de la vie des abeilles.

La France, pays mellifère, ne possède pas beaucoup de grands ruchers de rapport comme l’Amérique, par exemple. Aussi, l’avenir s’ouvre prometteur devant ceux qui voudront exploiter cette source de richesse de façon rationnelle.

Toutefois, sans vouloir décourager personne, il faut considérer ce métier comme profession d’appoint plutôt que comme activité exclusive. Ceux qui vivent uniquement de l’apiculture sont assez rares.

Il y a deux branches bien distinctes : soit l’élevage de reines et essaims, soit la production du miel. La fabrication des ruches et du matériel constitue une industrie à part. En général, ces maisons ont un rucher d’élevage afin de pouvoir fournir des ruches peuplées aux clients. Comme profession d’appoint, nous conseillerons la production du miel.

Cette situation s’adapte à tous les cas. Selon les moyens financiers et le temps dont on dispose, le ou les ruchers seront plus ou moins importants. De plus, avec un bon manuel et de la pratique, des résultats positifs seront vite obtenus et viendront encourager le débutant. Celui-ci devra commencer avec seulement trois ou quatre ruches la première année et, bien entendu, s’installer dans une région mellifère.

Afin d’obtenir la pratique indispensable, il visitera ses ruches assez souvent et ne devra pas craindre de faire des opérations comme, par exemple, les transvasements, ce qui lui donnera à la fois la sûreté de main et la confiance en soi.

Avec le temps et selon sa fortune, il augmentera le nombre de ses colonies par l’achat de nouveaux essaims, ou par la création d’essaims artificiels, ou, mieux, les deux à la fois.

Une personne seule ayant quelques loisirs peut s’occuper ainsi d’une centaine de ruches de production à condition d’avoir du matériel interchangeable, c’est-à-dire des ruches qui soient toutes du même modèle et fabriquées par une bonne maison. Selon les endroits, il faudra adopter un de ses trois genres de ruches : régions mellifères : Langstroth, région moyennes : Dadant, régions pauvres ou froides : Voirnot.

Au cours actuel du miel, une centaine de colonies peut faire vivre son propriétaire, mais il faut compter que d’ici peu, avec la concurrence étrangère, les prix redeviendront plus modestes. À ce moment-là, pour gagner sa vie uniquement avec la vente du miel, il faudra doubler ou tripler le cheptel, ce qui représente déjà un capital assez élevé. C’est pour cela que nous disions que l’apiculture est plutôt une profession d’appoint. De plus, les rendements varient beaucoup d’une année à l’autre, d’où instabilité incompatible avec la pratique de cette seule profession.

Pour celui qui veut en faire son unique gagne-pain, il vaudra mieux choisir la branche élevage de reines et production d’essaims, cette dernière activité n’est pas encore encombrée et a de l’avenir devant elle. En contre-partie, elle exige non seulement des capitaux d’avance, mais aussi une connaissance approfondie du métier et une longue pratique. On ne s’improvise pas apiculteur-éleveur comme on « monte » un commerce quelconque.

Le mieux sera de faire un stage chez un éleveur professionnel, sans négliger la partie théorique. Ne pas plaindre son temps ni sa peine pour bien se pénétrer de ce passionnant métier, qui doit être une vocation pour celui qui s’y adonne. Enfin, en plus de la technique proprement dite, le futur éleveur devra posséder quelques notions commerciales. En effet, il ne suffit pas de produire, il faut savoir vendre.

Mais aussi, en contre-partie, quelle belle profession que celle d’apiculteur-éleveur ; libre, saine, indépendante et des plus passionnantes qui soient ; faisant mieux aimer la nature par la connaissance des sciences naturelles en initiant à la physiologie végétale et animale.

En prenant exemple sur les Américains, qui sont en avance sur nous dans la science et la pratique apicoles, nous voyons que la généralité des apiculteurs se sont spécialisés dans une production donnée, à part les grosses maisons comme Root ou Dadant. Certains produisent du miel. Ceux-ci pratiquent la pastorale, c’est-à-dire déménagent leurs ruches pour suivre les différentes miellées et arrivent ainsi à des moyennes de récoltes inconnues en France. Cela nécessite évidemment un matériel ad hoc facile à charger et tenant le minimum de place : ruches sans auvents ni planches de vol, toits plats. Des camions de deux à trois tonnes, avec grand plateau et souvent une remorque, sont utilisés pour les déplacements. Enfin il est nécessaire d’avoir à sa disposition des terrains dans les différentes contrées. Dès que la miellée est terminée dans un endroit, la récolte est effectuée et les ruches sont transportées ailleurs, où la miellée débute. Ces apiculteurs ont en général un jeu de hausses pour chaque emplacement ; de cette façon, on évite leur transport d’une région à l’autre.

Il y a ensuite les producteurs de reines qui, travaillant sur une grande échelle, arrivent à fournir des reines véritablement sélectionnées à des prix dérisoires comparés à ceux pratiqués en France. Enfin, dans les contrées du Sud, le commerce des « paquets d’abeilles » est très développé et fourni des abeilles au poids aux apiculteurs des régions moins favorisées du Nord.

Il serait souhaitable, pour le plus grand bien de notre apiculture nationale, que de pareilles industries se créent chez nous. Sans cela, avec la concurrence étrangère, nous serons condamnés à végéter d’ici quelques années dans ce domaine.

Faisons confiance à nos apiculteurs, qui ne voudront pas rester en arrière.

Roger GUILHOU,

Expert apicole.

Le Chasseur Français N°626 Avril 1949 Page 418