C’est une méthode très simple d’accroissement du rucher qui
peut être pratiquée sans connaissances spéciales par n’importe quel amateur.
Celui qui possède au moins deux fortes ruches peut
l’exécuter. Nous faisons, en effet, participer deux colonies pour en obtenir
une troisième, afin de ne pas trop affaiblir les souches comme cela arriverait
si on n’opérait que sur une seule.
Ce procédé a l’avantage de créer des essaims à la date
voulue ; donc, au moment propice, au début de la grands miellée, ce qui
leur donne le temps d’amasser des provisions, contrairement à ce qui se produit
généralement avec les essaims naturels qui, sortant souvent vers la fin de la
miellée, doivent être aidés généreusement pour pouvoir passer l’hiver sans
anicroche.
Un autre privilège de l’essaimage artificiel est de couper
le désir d’essaimage naturel. De cette façon, à l’époque normale de
l’essaimage, on n’est pas rendu esclave par la surveillance quotidienne de son
rucher. D’ailleurs, malgré cette surveillance, il s’en perd presque toujours
quelques-uns.
Évidemment, il y a un inconvénient, c’est qu’on ne peut
avoir à la fois miel et essaims ; aussi, les ruches traitées ne
fournissent pas beaucoup de récolte cette saison-là. Cependant, avec
l’essaimage artificiel sur deux ruches, il y a tout de même un peu de miel pour
l’apiculteur dans les années normales.
Enfin, il faut en prendre son parti en se disant que les
nouvelles colonies viendront augmenter la récolte de la prochaine campagne. Et
puis, s’il n’y a pas beaucoup de miel à vendre, il y a tout de même
augmentation du capital représenté par le rucher, et ceci n’est pas négligeable
pour l’avenir.
Nous dirons en passant qu’il ne faut pas agrandir uniquement
son rucher par l’essaimage artificiel, surtout en ne pratiquant pas la sélection,
car on risque de voir dégénérer son cheptel, et le rendement irait en
s’amenuisant petit à petit. Il est bon de faire venir de temps en temps
quelques reines ou essaims de chez des apiculteurs honnêtes, afin de changer le
sang et d’entretenir ainsi la rusticité et la vigueur de l’ensemble du rucher.
Pour faire un essaim artificiel, il faut choisir l’époque
convenable qui se situe au début de la grande miellée. Opérer par beau temps
calme, dans le courant d’une journée sans vent ni menace d’orage.
Prendre deux bonnes colonies riches en couvain et population
appelées pour la clarté de l’exposé numéro 1 et numéro 2. Se procurer
également une ruche vide avec les cadres garnis de cire gaufrée, ce sera la
numéro 3.
Les cadres de cette dernière sont enlevés et placés sur le
côté pour avoir un corps vide.
Enfumer copieusement la numéro 1. Enlever le premier cadre
pour faire de la place et retirer un à un tous les cadres de couvain, sauf un
contenant des œufs. Au fur et à mesure, brosser les abeilles pour les faire
retomber dans leur ruche. Placer les cadres de couvain vides d’abeilles dans la
numéro 3 et dans le même ordre où ils se trouvaient primitivement au centre du
corps de ruche. Compléter avec des cadres de cire gaufrées et un ou deux de
miel. Mettre les cadres de cire gaufrée restant dans la numéro 1 en
remplacement, des cadres de couvain qui viennent d’être enlevés. La refermer
ensuite.
Enlever le numéro 2 de son emplacement, après avoir un
peu enfumé à l’entrée, et la transporter à quelques mètres de là sans trop la
secouer.
Installer la numéro 3 au lieu et place de la numéro 2.
C’est tout, l’opération est terminée.
Voyons à présent ce qu’il adviendra à la suite de notre
travail :
Ruche n°1.
— Elle a perdu son couvain, excepté un cadre, et une
partie de sa réserve de miel. C’est l’essaim artificiel proprement dit. Il
possède la reine et toutes les abeilles de la colonie primitive. Ces dernières
vont construire les rayons que la reine s’empressera de garnir de ponte. Il
amassera quelques provisions et n’essaimera probablement pas, ayant à bâtir
tout le corps.
Ruche n°2.
— C’est celle que nous avons déplacée. Elle a donc
perdu ses butineuses. N’ayant plus que de jeunes abeilles, elle n’aura pas une
grande activité pendant quelques jours, et les provisions baisseront
rapidement. L’éclosion quotidienne du couvain lui redonnera petit à petit une
nouvelle vigueur. L’équilibre abeilles-couvain étant rompu au bénéfice de ce
dernier, il n’y aura pas d’essaimage.
Ruche n°3.
— Formée avec les cadres de couvain de la numéro 1
et les butineuses de la numéro 2 revenant à leur emplacement. Au retour
des champs, les abeilles seront d’abord désemparées, ne reconnaissant plus
l’odeur de leur ruche et ne trouvant plus de reine. Petit à petit, les
nouvelles arrivantes remplissent la ruche, l’odeur est modifiée. Trouvant du
jeune couvain, au bout de quelques heures elles commencent à construire des
cellules royales. L’agitation cesse et tout rentre dans l’ordre.
Cette dernière colonie peut donner un essaim secondaire si
la population est forte. Il sortira environ deux semaines après l’opération. Si
un essaim se produit, il vaut mieux le rendre à la ruche numéro 3, qui l’a
donné, pour ne pas trop l’appauvrir. Sinon, il faudra fournir un cadre ou deux
de couvain ouvert à l’essaim secondaire en les empruntant à une autre colonie
et nourrir copieusement tant la numéro 3 que l’essaim pour les remonter
suffisamment. Cet essaimage secondaire sera évité facilement en permutant la
numéro 3 avec la numéro 2 huit jours après l’opération d’essaimage
artificiel. Ce changement de place a pour but d’égaliser les populations.
Il ne faut pas perdre de vue que vingt ruches fortes
rapportent davantage que cinquante ordinaires et qu’un essaimage est une
division avant d’être une multiplication.
Pour améliorer le rendement et sélectionner son rucher, il
est recommandé de choisir comme souches à opérer celles qui ont donné les
meilleures récoltes les années précédentes.
Une autre méthode d’essaimage artificiel consiste à prendre
un cadre de couvain de tout âge dans quelques bonnes ruches en faisant
attention qu’il y ait des œufs ou des larves de moins de trois jours. Mettre
six de ces cadres au centre d’une ruche vide, ajouter deux cadres de miel et
pollen et compléter avec des cadres de cire gaufrée aux extrémités.
Cette ruche est ensuite mise à la place d’une colonie forte
en population, qui sera elle-même transportée plus loin.
Nous avons cité ce système à titre de documentation, mais
personnellement nous préférons le premier mode ; il n’oblige à ouvrir
qu’une ruche par essaim artificiel et permet d’en créer un plus grand nombre.
Un important progrès dans l’essaimage artificiel consiste à
greffer une ou deux cellules royales dans chaque ruche orpheline dès le
lendemain de l’opération. Il suffit pour cela d’enlever la reine d’une bonne
colonie huit jours avant de pratiquer l’essaimage artificiel, les abeilles
construisant alors un certain nombre de cellules royales qu’on pourra utiliser
comme indiqué.
Cette méthode fait gagner trois semaines sur les autres et
ceci en pleine miellée. Elle permet, de plus, de faire de la bonne sélection en
choisissant les meilleures ruches pour la production des cellules royales.
En découpant les cellules royales, il faut bien prendre
garde à leur fragilité et éviter leur refroidissement. Par précaution, en
greffer deux par ruche au cas où l’une viendrait à avorter. Choisir un jour
très chaud.
Peu après, une reine éclot, puis se fait féconder et peut
pondre rapidement, gagnant ainsi un temps précieux.
Nous ne pouvons qu’engager nos amis apiculteurs à pratiquer
cette méthode simple et sûre pour l’accroissement rapide du rucher.
Roger GUILHOU,
Expert apicole.
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