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Binage, sarclage, buttage

Notre jardin a été convenablement bêché, rationnellement distribué et planté ; nos semis sont favorablement levés et, en cette saison, le travail ne manque pas au jardin potager pour conduire à bien l’œuvre commencée.

Binage.

— La terre, qui s’est tassée, ou durcie, aussi bien sous l’influence de la sécheresse que de la pluie, forme une couche superficielle, une sorte de croûte assez dure. Cette dernière empêche l’air et l’eau de pénétrer dans le sol ; elle entrave nos jeunes plantes dans leur développement en les « étranglant » en quelque sorte. En émiettant de façon convenable cette croûte, on détruit l’extrémité des vaisseaux capillaires nombreux par lesquels l’eau du sous-sol remonte à la surface du sol pour s’évaporer ensuite. Mais il est nécessaire que cette eau demeure dans le voisinage des racines pour produire des effets salutaires. Ainsi le binage est l’opération nécessaire, indispensable, qui consiste à briser la croûte superficielle d’une terre ensemencée, emplantée, dans le but de l’aérer et, par suite, d’atténuer son dessèchement.

Pratique de l’opération.

— 1° On emploie, pour cette opération, la binette ou ratissoire à tirer, la serfouette ou la ratissoire à pousser, une petite houe, etc. ...

— 2° On doit biner le plus souvent possible pendant la bonne saison et on ne saurait biner trop souvent : il faut détruire ce préjugé encore trop répandu qui consiste à croire qu’en temps de sécheresse les binages font sécher la terre davantage. On binera surtout après les arrosages et les pluies qui tassent la terre ; ne pas biner le matin, lorsque les plantes sont encore couvertes de rosée, mais quelques heures après l’insolation, lorsqu’elles ne sont plus gonflées d’humidité.

— 3° Précautions à prendre :

    a. Les plantes semées en ligne se binent facilement, mais il faut de la prudence, de l’attention, afin de ne pas blesser les jeunes pousses.
    b. Comme il s’agit moins de travailler la terre arable que de préparer une couche isolante constituée de terre fine, il ne faut pas chercher à aller trop profondément.

Les effets des binages se feront bientôt sentir : les mauvaises herbes, si nuisibles aux plantes utiles, seront d’abord détruites dans leur jeune âge (elles absorbent aussi de l’eau !). Le sol, aéré et ameubli, s’humidifiera par capillarité (ascension de l’eau du sous-sol) ; l’eau des arrosages ou des pluies pénétrera mieux jusqu’aux racines et la perte d’eau par évaporation sera réduite ; on a donc pu dire, à juste titre : « Un binage vaut deux arrosages. » Enfin, les binages favorisent la fertilité du sol : biner, c’est fumer sans fumier. Les ferments nitriques, ces êtres microscopiques, grands producteurs de nitrates, trouvent en effet, dans ce sol ainsi remué, des conditions d’aération et d’humidification particulièrement favorables à leur vitalité et à leur développement. Il faut donc biner et biner deux fois plutôt qu’une.

Le sarclage.

— C’est l’opération qui consiste non seulement à arracher les mauvaises herbes, mais, en même temps, à ameublir le sol. On peut profiter de cette opération culturale pour éclaircir, en même temps, le cas échéant, les plantes. On sarcle principalement les plantes semées à la volée.

Pratique de l’opération.

— 1° L’opération peut se faire à la main pour les plantes semées à la volée (carottes, navets), mais aussi, plus avantageusement, à l’aide du sarcloir, de la serfouette, de la ratissoire à tirer pour sarcler les jeunes légumes semés en lignes.

— 2° Le sarclage se pratique en tout temps pendant le cours de la végétation, et, pour être certain que toutes les herbes soient extirpées entièrement, on choisira de préférence un moment où le sol est humide.

Ainsi l’opération du sarclage aura eu pour but non seulement de détruire les mauvaises herbes, mais d’ameublir les couches superficielles du sol, procurant ainsi une perméabilité à l’air et à l’eau plus facile. En d’autres termes, le sarclage et le binage se complètent de façon heureuse.

Le buttage.

— Opération culturale qui consiste à amonceler, à relever la terre au pied de certaines plantes ; ladite façon n’est pas toujours correctement exécutée.

Voici comment pratiquement procéder :

— 1° Au préalable, la plantation a été soigneusement sarclée et binée.

— 2° À l’aide de la houe ou du simple buttoir, dès que les plantes ont acquis une certaine grandeur, relever convenablement la terre au pied des plantes.

— 3° Quelles plantes butter ? En premier lieu, celles qui émettent facilement des racines adventives, telles que les choux, les tomates, les aubergines.

En second lieu, les plantes qui forment des rameaux souterrains, comme les pommes de terre, asperges, etc.

Notons que, dans certaines régions où les cultures se font sur les plateaux soufflés par le vent, quelques plantes bénéficient de façon heureuse du buttage : pois, haricots nains surtout, céleri, cardons.

Enfin, il est surtout utile pour faire blanchir et rendre plus tendre certains légumes : asperges, endives, etc.

— 4° Il est avantageux de butter dans la terre qui retient facilement l’eau et se ressuie lentement. Les racines sont préservées contre les excès d’humidité, les racines adventives se développent facilement, l’écoulement des eaux pendant les grandes pluies se fait plus aisément ; dans d’autres cas, l’eau et la chaleur pénètrent plus facilement dans le sol.

— 5° Par contre, il est désavantageux de butter dans les terres qui se dessèchent et de butter certaines plantes, tels les poireaux, dont les tiges jauniraient.

Ainsi cette triple opération culturale doit être méthodiquement conduite au jardin potager ; rationnellement pratiquées, ces façons culturales se complètent de façon heureuse l’une l’autre, pour le plus grand bien de la production légumière.

Ch. BOILEAU.

Le Chasseur Français N°628 Juin 1949 Page 506