Les enfants aiment à se réunir dans des endroits où ils
soient vraiment chez eux. Ils cherchent à posséder dans un terrain vague ou
dans la campagne une tente, une hutte ou une « cabane ». Ils veulent
un lieu où ils puissent parler, jouer et crier tout à leur aise.
Les mouvements de jeunesse ont compris l’intérêt d’une
demeure de jeunes pour les jeunes, et le premier de ces mouvements fut le
scoutisme.
Aménagé par les garçons eux-mêmes, le « local »
des éclaireurs est la « cabane » perfectionnée où ceux-ci ont plaisir
à se retrouver et à concevoir de grandes choses.
Parfois, c’est la municipalité qui leur a prêté une ou
plusieurs pièces dans un des édifices publics ; ou c’est un directeur
d’école qui leur a permis de disposer de salles désaffectées ; ou c’est un
particulier qui a mis à leur disposition un grenier, une remise ... Au
besoin les éclaireurs auront construit eux-mêmes un hangar en planches, en tôle
ou en briques, ou rafistolé un vieux wagon installé par eux aux abords de la
ville. Et dans pareille demeure, embellie par leurs soins, ils sont peut-être
encore plus heureux.
Ne croyez pas qu’un « local » soit simplement un
endroit plus ou moins bien balayé où les garçons aient la seule ambition de
faire, sans être dérangés, ce qui leur passe par la tête !
Il doit être un foyer confortable, propre et surtout décoré.
La décoration y tient une très large place, et des concours entre les
patrouilles, tous les six mois ou tous les ans, viennent stimuler l’ingéniosité
et l’habileté.
Parfois le chef fournit un thème à ses éclaireurs : ils
devront donner à leurs meubles rustiques, aux frises murales, aux devises de
patrouille une « allure » Moyen Age, ou trappeur, ou coloniale, par
exemple. D’autres fois, et, à vrai dire, le plus souvent, il laisse toute
liberté à chaque patrouille pour organiser son « coin ».
Pénétrons ensemble dans un « local », comme il en
est aujourd’hui des milliers en France.
Sur la porte d’entrée, s’étalent le nom et l’insigne de
l’association. Derrière la porte, une sorte d’épouvantail se balance à une
potence ... La « mauvaise humeur » a été pendue ainsi, au cours
d’une cérémonie qui ne devait pas manquer de charme, pour rappeler à tous les
garçons qu’ici le sourire est de rigueur, et en toutes circonstances. Un
scout doit toujours « relever les coins ». Un scout n’est jamais
« râleur ».
Sur le plafond, une carte du ciel figure les constellations,
dans leurs proportions relatives, autour de l’étoile polaire. Un système
d’éclairage permet, le soir, de se croire presque encore au camp, lorsque les
scouts chantent doucement dans la nuit bleue ... La grande pièce où nous
sommes a été divisée par deux légères cloisons, laissant toutefois un large
espace libre au centre, en quatre « coins de patrouille » ... Ou
plutôt, pour appeler les choses par leur véritable nom, en « nid »
des Mouettes ; « tanière » des Loups ; « hutte »
des Castors ; « ruche » des Abeilles ...
Il serait trop long de les détailler tour à tour. Notons
seulement que les sièges sont faits de rondins pourvus d’un dossier de branches
et de lianes. Les tables sont pliantes, et peuvent se rabattre contre le mur,
pour laisser de la place au moment des jeux. Les ampoules électriques s’ornent
d’abat-jour à l’emblème de l’animal-totem. De même, cet animal se retrouve sur
une frise qui court le long du mur, et sur les différents « tableaux
techniques » affichés un peu partout : un tableau d’une vingtaine de
nœuds différents ; un tableau des signes de piste ; un autre de
l’alphabet morse, avec les lettres groupées par affinités : EISH, TMOCH ...
Sur une étagère repose, près d’un bouquet de fleurs des champs, une
collection : soit de feuilles, soit de lichens, soit de papillons, ou
encore d’insectes, de pièces, de timbres ... Un bahut rustique contient le
matériel de la patrouille, soigneusement astiqué, marqué et rangé : tente,
marmites, louches, écumoires, sans oublier la « bassine à
frites » ! Dans un tiroir en dessous, « le livre d’or » où
sont consignés tous les exploits réalisés par la patrouille, dans les jeux ou
les explorations, ses prix aux concours, avec photos et dessins illustrant les
comptes rendus : bref tous les instruments de travail et tous les secrets
de six ou sept ardents garçons animés d’un esprit communautaire.
Au moins une fois par semaine, chez elle, dans son
« coin », la patrouille se réunit.
Le chef de troupe n’est pas là, ni aucun membre d’une autre
patrouille. Autour du C. P. (chef de patrouille) et, l’hiver, devant une
boisson chaude préparée sur le feu de la cheminée, les éclaireurs discutent de
la sortie passée et en font la critique, de la sortie du dimanche suivant, et
dressent des plans ... Ensuite, on chante, on rit, on joue ...
Il ne peut pas y avoir de bon groupe d’éclaireurs sans
« local ».
Fernand JOUBREL.
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