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Villa moderne

J’avais composé le modèle original de cette maison en 1926, et je l’avais exposé au Salon des Artistes Français en 1930. J’en ai légèrement amélioré la distribution pour le présenter aux lecteurs du Chasseur Français.

Quand je le montrai au regretté maître Gustave Umbdenstock, professeur d’Architecture à l’École Polytechnique et chef d’atelier de l’École des Beaux-Arts, qui fut mon parrain lors de mon admission à la Société libre des artistes français, il appela un de ses élèves : « Venez voir ça, dit-il. Voilà un joli moderne. Voilà un moderne « tranquille » — Ça ne ressemble pas à toutes les c ... que l’on fait aujourd’hui. » Il est vrai que nous sortions à peine de l’Exposition des Arts décoratifs de 1925, et il suffit d’ouvrir les numéros spéciaux des grandes revues de cette époque pour voir quel chemin avaient pris l’Architecture et l’Art décoratif à la mode. Les meubles que fabriquent encore, d’après des « catalogues », certains ébénistes de campagne en perpétuent l’affligeant souvenir.

Cette maison est prévue pour un terrain d’angle, de préférence sur une hauteur dominant la mer ou la vaste campagne, toutes les pièces d’habitation principales étant groupées sur deux faces, de préférence à l’Est et au Sud. Le plan est carré, avec léger renflement sur l’axe de vue marqué par la tourelle, dans laquelle le salon et la chambre maîtresse ouvrent leurs fenêtres en éventail vers le panorama.

Distribution.

— Nous accédons à la villa par quelques marches, de nombre variable suivant la configuration du terrain, qui nous conduisent à un porche latéral abritant la porte d’entrée. Nous pénétrons dans l’avant-vestibule sous la deuxième volée d’escalier, puis nous montons quatre marches pour arriver au vestibule principal, cœur de la distribution, autour duquel se trouvent les portes de toutes les pièces et le départ d’escalier. J’ai souvent utilisé cet artifice dans les petites maisons, mais parfois aussi dans les grandes, pour réduire la surface bâtie, tout en assurant la complète indépendance des pièces. Autour de ce vestibule ou entrée, nous trouvons les portes du bureau, du salon, de la salle à manger, du vestiaire, du lavabo qui commande le W.-C., de la cuisine, le départ de l’escalier qui monte aux étages, et, en contre-bas, au pied des quatre marches, la descente de cave.

Le bureau (6m,30 x 4m) ouvre côté Est par trois grandes fenêtres juxtaposées qui occupent presque toute la largeur. La paroi du fond est entièrement occupée par un grand placard-bibliothèque montant jusqu’au plafond et qui peut être traité d’une manière à la fois très pratique et très décorative. Au centre, se trouve la grande table-bureau derrière laquelle un grand meuble supplémentaire s’adosse à la paroi. Le bureau est séparé du salon par une grande porte à coulisse qui disparaît dans le mur.

Le salon, rond, de 6 mètres de diamètre, dispose ses cinq fenêtres en batterie vers le paysage, suivant un grand arc de cercle. De larges portes à coulisse escamotables assurent la communication avec le bureau d’une part, avec la salle à manger de l’autre. Une niche à fond plat pour le piano, une vitrine pour objets d’art en face, un banc circulaire courant sous les fenêtres, une grande table ronde au milieu, complètent l’équipement de cette pièce.

La salle à manger (6m,30 x 4m) ouvre côté sud par une batterie de trois fenêtres semblables à celles du bureau. La paroi du fond est garnie par un ensemble de placards encadrant une grande cheminée, où l’on pourra faire de belles flambées. En face des fenêtres, s’encastre un grand buffet-placard. À part la table et les sièges, il n’y a pas de meubles mobiles. Cela permet de donner à la décoration de la salle une belle tenue architecturale.

Dans le vestiaire (1m,80 x 2m), nous trouvons deux placards de 0m,55 de profondeur où les portemanteaux coulissent perpendiculairement à la paroi du fond.

Le lavabo (3m x 1m,50) commande les W.-C. Dans ce lavabo, peuvent trouver place d’un côté une ligne de portemanteaux, de l’autre un placard-vestiaire.

La cuisine (5m x 3m) ouvre côté ouest par deux fenêtres et une porte-fenêtre donnant sur un perron de service. Sous les fenêtres se placent : évier avec double égouttoir, cuisinière électrique, cuisinière à charbon, et, sur la paroi opposée, grand buffet-table et frigidaire.

L’office (2m,40 x 2m,40) s’interpose entre la cuisine et la salle à manger. Sous la fenêtre s’étale une grande table, et, en face, un grand placard.

L’escalier nous conduit au 1er étage sur un palier central qui distribue quatre chambres, deux penderies à placards profonds, dont l’une commande les W.-C.

Les chambres 1 et 3 ont une salle de bain commune, les chambres 2 et 4 également.

La chambre 1 (6 mètres de diamètre) est située au-dessus au salon. Comme lui, elle étale ses cinq fenêtres en éventail vers le panorama. Dans une niche à fond plat formant petite alcôve, s’encastrent deux lits jumeaux et leurs tables de chevet. La porte vers la salle de bain est encadrée par deux placards profonds. Une niche à fond plat pour commode et un troisième placard se font face.

Il reste grande place pour table ronde, coiffeuse, etc. ... Les portes des placards peuvent être garnies de glaces.

La chambre 2 (6m,30 x 4m), située au-dessus de la salle à manger, s’éclaire comme elle par trois fenêtres. En face des fenêtres, une niche à fond plat reçoit les deux lits jumeaux et leurs tables de chevet. Les deux parois latérales sont respectivement occupées par un ensemble de placards dont l’un encadre une cheminée.

La chambre 3 (4m,10 x 4m) et la chambre 4 (5m x 3m) sont meublées par grand lit, grande armoire, commode, table, etc.

Les deux salles de bain comportent : baignoire encastrée, lavabo, bidet, etc. L’escalier conduit au 2e étage, où nous trouvons deux chambres dont l’une avec toilette, une penderie, un W.-C., une terrasse couverte avec colonnade au dessus du salon, deux terrasses découvertes avec pergola au-dessus du bureau et de la salle à manger.

Au sous-sol, seront aménagés : caves, chaufferie, buanderie, atelier, peut-être garage, peut-être chambres de bonne ou de chauffeur, suivant configuration du terrain.

Construction.

— Les murs extérieurs seront en pierres dures brutes du pays, maçonnées au mortier de ciment et sable de rivière, de 0m,50 à 0m,60 d’épaisseur. Les parties ajourées seront formées par des meneaux et poutres-ceintures en béton armé, disposés de manière à rendre possible la mise en place de fenêtres à guillotine d’une seule pièce, sans traverse intermédiaire, entièrement escamotables dans les murs, ainsi que des volets pleins à guillotine, de protection bien supérieure à celle des volets roulants. Les planchers et l’escalier seront en béton armé. Les terrasses seront également en béton armé, et traitées de manière à rester parfaitement étanches. Le chauffage central et la climatisation seront réalisés par un procédé beaucoup plus efficace et beaucoup plus économique que les précédents (en attendant la mise au point du « four solaire »).

Aspect extérieur.

— Simple et claire sous le soleil, la maison se présente comme un cube largement vitré surmonté d’une colonnade formant loggia et pergolas fleuries. Sur l’angle principal, le cube s’enfle et s’arrondit pour former la tourelle en rotonde, comme la « Victoire de Samothrace » gonflait sa poitrine au vent marin, à l’avant du navire grec.

Gérard TISSOIRE.

Le Chasseur Français N°629 Juillet 1949 Page 563