Le standard le dit, très justement, « fin, distingué,
ressemblant au chien d’ordre moins la taille et l’ampleur ». Sous sa robe
blanche et noire, peu ou pas mouchetée lorsque sans parenté avec le chien de
Gascogne, avec ses feux plus ou moins teintés en tête, l’ensemble de sa
structure, il rappelle autant que faire se peut les Saintongeois peints par
Mignet. On a dit de l’Ariégeois qu’il n’était qu’un petit Gascon sans les
mouchetures. Le vrai est qu’on a baptisé Ariégeois de charmants animaux peu
mouchetés, mais, qui, par leur architecture céphalique, étaient en réalité des
Gascons, bleu pâle il est vrai, mais des Gascons.
Le crâne des Ariégeois que j’ai jugés à Pamiers
présente une structure parfaitement originale, autre que celle en dôme du
Gascon. Quoi qu’en dise le standard, si le crâne de l’Ariégeois est « plus
étroit que large », chez lui « l’os de l’occiput prononcé et
proéminent » est souvenir de Gascogne, accompagnant généralement la robe
mouchetée. Le crâne correct est moins étroit que celui du petit Gascon,
franchement plus épanoui même et arrondi derrière, l’apophyse occipitale peu
marquée et ne présentant pas la forme en dôme. Lorsqu’il est bien dans le type,
il diffère donc sensiblement de son voisin et allié, par conséquent et sans aucun
doute au moral également. Chien de montagne, il doit être moins collé à la voie
et faire montre de plus de décision ; la longueur modérée de l’oreille en
témoigne avec évidence, de même la fermeté du tissu, révélée par l’absence de
fanons, de rides, et la bonne tenue des paupières ne laissant pas voir la
conjonctive.
C’est, en somme, un chien de petite vénerie de la plus haute
distinction, bien adapté à un milieu difficile, où le sol pierreux, escarpé,
souvent sec, comporte grand nez et initiatives développées ; car, en
pareil milieu, le secours de l’homme dans les embarras est le plus souvent
illusoire.
Il est regrettable de voir trop ignorer dans les autres
régions de notre pays un si séduisant personnage, avec lequel, notamment, les
amateurs d’Anglo-Français de petite vénerie pourraient améliorer en gorge et
nez leur cheptel, sans en compromettre la beauté. À pareille alliance, elle ne
pourrait d’ailleurs que gagner. Mais, jusqu’à ces derniers temps, la nébuleuse
méridionale n’émettait que de confuses lueurs aux yeux des gens du Nord. Grâce
soit donc rendue au club Gaston Phœbus et à la Société de vénerie d’avoir
interdit ces mélanges Gasco-Saintongeois-Ariégeois qui allaient aboutissant à
la « salade », comme le disait Henri d’Aubigné, alors président de la
Société de vénerie.
On ne saurait, en effet, douter du succès qu’aurait partout
ce joli chien, enfin bien défini, qui apporterait avec lui un ensemble de
qualités toujours recherchées et souvent moins développées qu’il n’est
souhaité.
Sa taille enfin n’a rien qui puisse en éloigner les
amateurs, maintenant portés, en général, à préférer les animaux moyens ou même
petits. La taille idéale est pour les mâles 0m,58, mais ceux de 0m,55
sont admis. Elle est de 0m,56 pour les femelles, celle de 0m,53
étant correcte. Ces dimensions sont celles de nombre de nos chiens à lièvres de
race française, tel le Porcelaine, autrefois si répandu.
Actuellement, le vent souffle du côté des chiens anglais de
taille réduite et de leurs dérivés immédiats, pour des motifs d’économie de
nourriture et de facilité de transport. Mais on peut affirmer qu’un jour
viendra où le souvenir renaîtra des vertus précieuses de nos races françaises,
vertus qu’elles sont seules à posséder. Alors, si la vie reprend son équilibre,
elles seront encore recherchées, ne serait-ce que comme amélioratrices du
cheptel réalisé durant les années d’épreuve.
Le peu de moral briquet animant les chiens de petite vénerie
méridionaux, et en particulier l’Ariégeois, suffit à leur conférer cette pointe
d’audace dans les difficultés, sans laquelle il n’est pas de chien à lièvre
possible. La prétention de tout résoudre par la voie, lorsque celle-ci présente
d’inévitables solutions de continuité, aboutit à obtenir des familles et même
des races dont les représentants sont impropres à la chasse du lièvre.
Lorsqu’on l’a vu chasser par les chiens d’ordre méridionaux, puis par de petits
Gascons et Ariégeois, on est vite fixé sur la supériorité des derniers. L’âme
briquette doit sommeiller peu ou prou dans celle du chien destiné à prendre, ou
même à chasser, le lièvre à tir. La chasse à tir du chevreuil doit être
agréablement pratiquée avec notre objet dans les bois de quelque étendue.
N’ayant pas le train aussi rapide que la plupart des Anglo-Français, il ne
risque pas de provoquer le débuché. Sa belle gorge enfin est du meilleur effet
et précieuse sous certains grands couverts, où la voix des chiens s’entend très
mal. Les forêts « sourdes », comme l’on dit, ne sont pas si rares.
En fait, la chasse à tir des autres animaux, tels que
renards et sangliers, se pratiquerait également avec lui. On le voit mal
derrière le lapin, qu’il est logique de réserver aux petits chiens n’excédant
pas 0m,40. Mais ce serait enfin dommage de risquer la vie d’un si
joli chien en l’abonnant au sanglier. Pour celui-ci, il y a assez de
spécialistes de taille plus réduite et lestes qu’on peut exposer sans grands
risques de casse. Lorsqu’on a vu massacrer de beaux chiens, parfois par un
misérable ragotin, on en conserve un souvenir vexé et écœuré.
Je vois surtout l’Ariégeois membre composant d’un équipage à
lièvre de cinq ou six couples. Comme coup d’œil et musique, ce serait un
enchantement. Daigne saint Hubert obtenir que pareille réalisation se puisse un
jour espérer et la vénerie renaître sous ses deux formes, soutenue par la
valeur de celles de nos races françaises sauvées par le savoir-faire et le
dévouement des disciples de Gaston Phœbus et Fouilloux.
R. DE KERMADEC.
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