Bleimes.
— Les bleimes sont des contusions de la corne de la
sole dans la région comprise entre la paroi et les arcs-boutants. Ces
meurtrissures sont le propre des pieds à talons bas, faibles, resserrés, et
particulièrement des pieds encastelés.
On constate les bleimes surtout aux pieds du devant,
particulièrement au talon du dedans ; elles sont fréquentes chez les
chevaux travaillant aux allures rapides et surtout chez les sujets mal ferrés.
La présence de terre durcie et de cailloux entre la fourchette et le fer est
également capable de provoquer ces lésions spéciales.
La boiterie d’un cheval atteint de bleimes est parfois très
intense et la douleur vive. Le pied étant levé, il suffit d’un léger coup de
brochoir frappé sur la paroi du talon ou d’une pression des tricoises pour
déterminer une sensibilité manifeste. Si l’on applique la paume de la main au
niveau du talon où siège la bleime, on perçoit ordinairement une chaleur plus
élevée que sur le talon opposé.
Dès qu’on aura fait les constatations précédentes, le pied
sera déferré et la région douloureuse du talon sera amincie au rogne-pied, au
boutoir ou à la rénette et alors, suivant la gravité de la contusion, on se
trouvera en présence de l’un des cas suivants :
La bleime est sèche quand la corne est simplement
colorée en jaune et pointillée de sang provenant d’une hémorragie plus ou moins
ancienne ; elle n’est pas grave et guérit facilement.
La bleime est humide quand la corne est ramollie,
humectée de sang et légèrement décollée d’avec les tissus vivants sous-jacents
par de la sérosité. Elle provoque une boiterie.
La bleime est suppurée quand le pus existe dans le
sabot. Une collection purulente, un véritable abcès se forme sous la corne,
décolle la sole et la paroi sur une plus ou moins grande étendue, le pus
s’échappant parfois au niveau du bourrelet. Dans ce cas, on dit que le pus
« souffle aux poils ».
La bleime suppurée s’accompagne toujours de boiterie et, la
guérison pouvant être longue à obtenir, réclame l’intervention du vétérinaire.
Préventivement, on doit surveiller soigneusement la ferrure
et la faire renouveler dès que la corne s’est allongée outre mesure. Si votre
cheval a les pieds plats à talons bas, faites appliquer une ferrure à éponges
couvertes ou une ferrure à planche. N’oubliez pas de curer les pieds le soir
après le travail.
Le traitement curatif diffère selon le cas. Si le cheval ne
boite pas, se borner à dégager légèrement la bleime. On donnera une bonne
garniture en éponges avec fer à éponges couvertes. Si le cheval est boiteux,
parer à plat, de court et à fond, le talon bleimeux. Guérir la bleime par des
bains ou des cataplasmes de son bouilli, de farine de graine de lin, ou des
pansements couverts (plaque métallique ou de cuir), avec différents
antiseptiques (solutions crésylées ou de sulfate de cuivre à 3 p. 100).
Dans le cas de bleime suppurée, faire appeler le
vétérinaire, car une opération consistant à enlever les tissus mortifiés
s’impose.
Clou de rue.
— On donne le nom générique de « clou de
rue » à toute blessure de la sole ou de la fourchette par des corps
pointus qui, traversant la corne de ces régions, attaquent plus ou moins
gravement les tissus sous-jacents. L’articulation de la troisième phalange (os
du pied) avec l’os naviculaire peut même être atteinte, ce qui constitue un cas
d’une extrême gravité.
Les corps aigus ou tranchants provoquant ces blessures sont
de natures diverses : clous ordinaires, pointes, morceaux de verre,
tessons de bouteilles, « tacots » ou éclats de bois pointus que le
cheval peut rencontrer dans les coupes des forêts, etc. Ces corps étrangers
sont d’autant plus dangereux qu’ils peuvent se briser dans la blessure et ne
pas être apparents extérieurement.
Quoi qu’il en soit, le cheval atteint de clou de rue
manifeste une boiterie plus ou moins intense et qui apparaît parfois
subitement. En cette occurrence, il ne faut pas hésiter à examiner
immédiatement le dessous du pied, car, dans la majeure partie des cas, on
découvre le corps étranger en grattant la sole et les lacunes de la fourchette
avec un couteau.
Parfois, cependant, vous ne trouverez rien et vous
incriminerez un « effort de l’épaule », ou une « entorse »
comme cause de la boiterie. Mais vous ne resterez pas longtemps dans
l’incertitude, car le pied devient alors de plus en plus chaud, extrêmement
sensible, et l’appui se fait en pince, le cheval étant au repos. En présence de
pareils symptômes, l’intervention de votre vétérinaire ne devra, en aucun cas,
être différée, les soins hâtifs influant considérablement sur la durée de
l’accident et sa gravité.
La gravité du clou de rue est d’ailleurs variable et dépend
surtout de la situation de la blessure. À cet égard, la surface du pied peut
être divisée en trois zones :
1° zone antérieure limitée par la pointe de la
fourchette et la pince, cas ordinairement le moins grave (voir figure).
2° Zone moyenne, allant de la pointe à la moitié du corps de
la fourchette : des complications sont possibles si le corps étranger a
pénétré profondément. Une arthrite suppurée de l’articulation du pied peut
déterminer la perte du cheval.
3° Zone postérieure, s’étendant de la moitié de la
fourchette jusqu’aux talons : gravité variable suivant la profondeur
atteinte par le corps vulnérant.
Traitement.
— Le premier soin consiste à retirer immédiatement le
corps pointu, s’il est apparent ; sinon, aller à sa recherche en déferrant
le pied dont la sole et la fourchette seront parées. Le clou étant découvert,
amincir à fond la corne autour de la blessure et faire prendre un bain tiède
dans une solution de sulfate de cuivre à 3 p. 100.
Si du pus s’écoule de la blessure et si la boiterie est
intense, il faut appeler d’urgence le vétérinaire, qui, à son arrivée,
pratiquera une injection de sérum antitétanique, les blessures du pied étant
suivies, plus que toutes celles des autres régions, du tétanos.
Le praticien fera un amincissement de la sole dans le but de
donner un écoulement au pus et d’extirper les tissus nécrosés. Un pansement
compressif et antiseptique sera enfin appliqué. Des bains chauds crésylés ou sulfatés
seront aussi très utiles.
Depuis quelque temps, on emploie avec succès certaines
préparations microbiennes immunisantes auxquelles Besredka a donné le nom d’antivirus.
Ce sont des substances d’origine microbienne qu’on trouve dans le commerce et vendues
sous les noms divers de « bouillon-vaccin », « filtrat »,
« lysat microbien », « métavaccin », « antigénine »,
« pro-pidex », etc. Ces antivirus sont obtenus par filtration de
cultures de microbes en milieu liquide ; ils constituent, grâce aux produits
solubles sécrétés par le microbe lui-même, des substances vaccinantes à effet
local.
Les antivirus sont d’un mode d’emploi très facile puisqu’ils
sont utilisés sous forme de pansements : une compresse imbibée de liquide
ou de pommade vaccinale est appliquée sur la région malade ; évidemment,
le pansement est renouvelé un certain nombre de fois. Appliqués à titre curatif
contre les plaies infectées, comme celle du clou de rue, on en obtient des
cures surprenantes par leur rapidité, alors que leur guérison par les moyens
habituels n’a lieu, le plus souvent, qu’à longue échéance.
Si, malgré ces soins, la douleur et la boiterie dues au
« clou de rue » persistent, témoignant d’une blessure profonde et
grave (arthrite), une intervention chirurgicale, portant le nom
d’« opération du clou de rue », reste le dernier moyen de traitement.
Cette opération, dont on ne peut contester toute la gravité,
consiste à enlever complètement la sole pour atteindre et traiter les parties
profondes mortifiées. Si le malade est âgé ou a peu de valeur, il y a souvent
intérêt à le livrer à la boucherie, car l’opération l’immobilise pour de longs
jours. Réussirait-elle, même, que souvent la claudication devient permanente
par suite de l’ankylose de l’articulation du pied. Les animaux opérés ne
peuvent alors être utilisés qu’à l’allure du pas.
MOREL,
Médecin vétérinaire.
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