Bien avant l’apparition du moulinet à tambour fixe, la pêche
au lancer était pratiquée avec beaucoup de succès par une élite de sportsmen.
Les uns utilisaient le moulinet simple à grand tambour, les autres se servaient
du multiplicateur. Le maniement de celui-ci nécessitait un long apprentissage,
et la difficulté à vaincre pour éviter la fâcheuse perruque sélectionnait les
meilleurs parmi les débutants.
Le poids, nécessairement assez fort pour actionner la
bobine, entraînait violemment la ligne en soie. Le pouce freinait cette bobine
plus ou moins correctement, et de son action dépendait la correction du lancer.
À la récupération, les doigts de la main gauche répartissaient la soie sur le
moulinet pour préparer un nouveau lancer correct.
Aujourd’hui, ces difficultés ont disparu, et le lancer
léger, par sa simplicité, a conquis les hésitants et ... les maladroits. À
voir le nombre de tambours fixes que l’on promène au bord de l’eau, on doit se
demander si la dernière truite et le dernier brochet ne sont pas près d’être
détruits. Il faut que les carnassiers soient vraiment dénués de toute méfiance
pour saisir les leurres qui leur sont présentés, plus ou moins bien montés.
Vous avez entendu souvent dire, comme moi d’ailleurs :
« J’ai eu trois touches et je n’ai pu accrocher un seul poisson, malgré un
bon ferrage. » Vous êtes-vous demandé la cause de cet insuccès ? Elle
provient souvent d’un plombage défectueux. Je dis « souvent », car il
est des cas où le plombage n’y est pour rien.
Lors de l’époque du lancer lourd, surtout lorsque le leurre
était une cuiller, on pouvait voir des montures dont le plomb était placé à
quelques dizaines de centimètres de l’appât proprement dit. Il en est encore
ainsi aujourd’hui avec certains pêcheurs.
Cependant, les fabricants, guidés en cela par des pêcheurs
avertis, ont mis sur le marché des cuillers ou poissons plombés en tête,
dans la masse, ou accolés à un plomb, réalisant ainsi un grand progrès.
En effet, le poisson chasseur, qui n’est pas forcément un
malin ou qui est poussé par la faim, saute sur tout ce qui lui paraît vivant et
passe à sa portée. Voyant passer le plomb d’abord, il l’attaque souvent, ce qui
a pour conséquence un ferrage dans le vide. Certains pêcheurs eurent alors
l’idée d’armer ce plomb avec un triple, pensant ainsi retenir un agresseur
étourdi. Le résultat fut déplorable dans l’ensemble, car le poisson ainsi
accroché laissait libre la cuiller, laquelle, la récupération cessant ou
diminuant, coulait à fond et s’amarrait dans les obstacles. On perdait alors tout
l’ensemble : plomb, poisson, appât.
La méthode moderne, à laquelle sont cependant réfractaires
quelques pêcheurs pour qui la routine constitue une ligne de conduite immuable,
permet de concentrer en un seul point d’attraction leurre et plombée. Ces deux
éléments sont étroitement réunis, soit par un fil rigide, soit par une
articulation, ce qui est préférable.
Dans le premier cas, en effet, le poisson accroché prend un
point d’appui sur la tige métallique, élargissant ainsi sa blessure, et se
libère fréquemment. Il en est tout autrement avec une articulation, parce que
le grappin suit tous les mouvements désordonnés du poisson, sans espoir de
décrochage de la capture.
Plus le poids est fort— relativement, — plus les
risques sont à craindre, surtout avec le lancer lourd, où les poids de 20, 30,
40 grammes constituent un solide point d’appui.
Dans le lancer léger où la plombée employée est minime, le
danger est très diminué, le vorace déplaçant aisément le poids avec le leurre
dans ses débats désordonnés. C’est d’ailleurs cette légèreté qui intervient,
pour une grande part, dans le succès de cette méthode. Aussi recommanderai-je
avec insistance à nos jeunes confrères débutants d’utiliser essentiellement un
leurre plombé en tête.
Les détracteurs de cette méthode, ou plutôt de ce leurre
ainsi alourdi, tentent de démontrer que la cuiller est moins libre, que
l’ensemble est moins turbulent et, de ce fait, moins attirant. II y a du vrai
dans cette affirmation, mais l’avantage qu’on peut en retirer ne contrebalance
pas la précision du lancer, l’unique point d’attraction, la sûreté du ferrage
qui arrive directement sur le grappin, au lieu de s’amortir sur le plomb placé
bien en avant.
La forme de la plombée n’est pas quelconque ; elle doit
être étudiée minutieusement : d’abord, les points d’attache seront
au-dessus de l’axe longitudinal pour décentrer le poids et constituer ainsi un
obstacle à la rotation de celui-ci. Seule la palette doit tourner, la tige
axiale étant immobilisée par le plomb.
Si vous n’avez mis qu’un seul hameçon, au lieu d’un grappin
— comme je le préconisais dans ma causerie sur les leurres protégés
— et que la pointe de celui-ci soit placée en haut, vous limiterez ainsi
les risques d’accrochage dans les obstacles. Enfin, autre avantage : le
bouclage de la cuiller autour du bas de ligne lors d’un lancer violent est
évité.
Une cuiller ainsi montée ne s’improvise pas ou, du moins, ne
peut que gagner à être construite avec précision. Étudiez avec soin — ou
profitez des études d’autres confrères — la forme hydrodynamique de la
plombée pour qu’elle ne puisse nuire à une bonne rotation de la palette.
Essayez le leurre monté avant la pêche pour ne pas être déçu au bord de l’eau.
Il peut arriver cependant qu’on soit obligé de plomber sur
place un leurre trop léger. Ayez toujours, pour parer à cette éventualité, des
chevrotines fendues, de petites feuilles de plomb que vous placerez sur le bas
de ligne, contre la tige de la cuiller ; mais c’est bien dangereux pour le
fin nylon, qui risque d’être coupé.
Procédez donc ainsi : à la maison, percez quelques
chevrotines de part en part, introduisez un bout de fil de laiton ou de fer
galvanisé, bouclez-le à une extrémité pour qu’il retienne le plomb et laissez
libre l’autre bout que vous fixerez dans la boucle avant formant la tige axiale
de la cuiller et que vous tordrez à l’aide d’une petite pince ou avec les
doigts. C’est tout aussi efficace que le plomb-bateau utilisé habituellement,
facile à construire et à poser. Donnez à votre plombée une forme effilée à
l’arrière, elle n’en sera que meilleure.
Pour terminer, nous dirons quelques mots sur le plombage
axial sur la tige et sous la palette. Il est excellent, mais à deux conditions
formelles : qu’il ne soit pas un obstacle à la rotation et qu’il n’oblige
pas le leurre à une progression oblique.
Il en est de très efficaces dans certains leurres,
absolument néfastes dans d’autres ; mais, comme je ne connais pas tous les
modèles, je m’abstiendrai de faire des particularités. Qu’il soit formé de
billes métalliques de diamètres différents ou de cônes de plomb, ou d’une olive
longue décentrée, il doit être essayé avant de l’adopter définitivement. Quoi
qu’il en soit, quand vous aurez trouvé le modèle qui vous donnera satisfaction,
utilisez-le avec persévérance et confiance, et vous en serez récompensés.
Marcel LAPOURRÉ.
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