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Terres australes

Saint-Paul et Amsterdam
les Kerguélen

Le gouvernement français s’est préoccupé de réaffirmer nos droits de souveraineté sur les terres de l’océan Indien austral, qui, bien que rattachées à Madagascar, restent inhabitées et inoccupées. Elles peuvent servir de bases ou relais maritimes ou aériens. Les îles Kerguélen sont les seules à offrir des terrains utilisables pour les avions terrestres. Lors de la dernière Conférence de l’aviation civile internationale en avril dernier à Londres, l’Afrique du Sud et l’Australie ont insisté à nouveau pour l’installation d’une station radiométéorologique sur l’île Amsterdam et l’étude d’un aérodrome aux Kerguélen pouvant servir d’escale entre l’Afrique du Sud et l’Australie.

L’île Saint-Paul, sise par 38° 42’ 51’’ de latitude sud et 75° 11’ de longitude est de Paris, d’une superficie d’environ quinze kilomètres carrés, est à 800 milles de Madagascar. Elle fut découverte le 18 mars 1522 par François Albo. En 1793, lord Marcartney y trouva un Brestois, Péron, et quatre naufragés vivant là depuis quarante mois. En 1874, une expédition française y observa le passage de Vénus. Ch. Vélain, naturaliste de l’expédition, inventoria les ressources.

C’est un ancien volcan, le cratère effondré d’un côté forme un lac dominé par une falaise de 250 mètres de haut. Une bande de terrain large de 150 mètres allant du cratère à la mer atteint des températures de 40° à 100°, même 212° en un point.

Des sources chaudes et d’autres glacées existent. La température de l’air est en moyenne de 13°,5. La pression atmosphérique varie entre 755 et 788 millimètres. Végétation pauvre, pas d’arbres, des lichens, des mousses, des herbes. Dans le cratère, des sphaignes, des cryptogames, des fougères. Des plantes introduites se sont maintenues : pomme de terre, carotte, persil, chou, oseille, mouron.

On trouve des chèvres redevenues sauvages, des chats, des rats, des souris, des oiseaux de mer, des cétacés, des otaries, des mollusques, des crustacés, langoustes, morues et autres poissons en abondance. En 1930, M. Aubert de La Rue confirma ces renseignements et indiqua des températures allant de 13°,5 à 18°,7.

Autrefois, des pêcheurs de la Réunion y venaient, puis une société de pêche s’installa ; disposant de moyens matériels et moraux très insuffisants, elle échoua lamentablement.

Maintenant la société « La Réunionnaise de pêche côtière » revient pêcher, et un armateur de pêche de la métropole a été autorisé à installer aux îles Saint-Paul et Amsterdam une conserverie de langoustes.

L’île Amsterdam gît par 37° 50’ de latitude sud et 75° 6’ de longitude est de Paris, sa superficie est de 60 à 80 kilomètres carrés. Elle fut découverte en 1633 par Van Diemen. En 1870, un colon de la Réunion s’y établit et importa des bœufs. En 1873, lors de son séjour à Saint-Paul, Ch. Vélain en fit la reconnaissance ; il la décrit ainsi : « À l’ouest, falaises de 500 à 600 mètres à pic, en laves basaltiques et scories. À l’est, des laves poreuses ; les pentes s’abaissent, le débarquement est peu aisé. Au centre, une montagne aplatie, deux sommets s’élèvent, le Fernand à 829 mètres et la Dive à 911 mètres. Le sol est très tourmenté, quelques plateaux de un à deux kilomètres carrés, plusieurs étangs et des sources. Des arbres de six mètres. Des bœufs, chèvres et porcs redevenus sauvages. Des oiseaux de mer. Des otaries en grand nombre. Les côtes sont très poissonneuses, les langoustes abondent. »

En 1930, M. Aubert de La Rue confirme ces renseignements.

L’archipel des îles Kerguélen se compose d’environ trois cents îles situées entre les 48° 27’ et 50° de latitude sud et 68° 30’ et 70° 30’ de longitude est de Greenwich. Il y a une île principale, six moyennes, cent vingt-quatre petites et cent soixante rochers. À 1.900 milles de Fort-Dauphin à Madagascar. La superficie est d’environ 8.000 kilomètres carrés. La distance du nord au sud est de 120 kilomètres et 150 de l’est à l’ouest. Découvert par de Kerguélen-Trémarec le 12 février 1772. En 1893, l’Eure en prit possession et Ch. Vélain en fit la reconnaissance. Depuis, plusieurs expéditions scientifiques y passèrent : le Gauss allemand, commandé par le Dr Von Drygalski, puis, en 1908-1909, MM. Henri et René Rallier du Baty sur le J.-B.-Charcot de 40 tonnes ; ils revinrent avec M. Loranchet, sur la Curieuse, de 1912 à l914. En 1928-1929, M. Ed. Peaux, naturaliste du Havre, y passa trois mois. En 1930, M. et Mme Aubert de La Rue y séjournèrent. Le sol est volcanique, on y rencontre des basaltes, du spath d’Islande, des agates dans l’île Foch, de la cinérise jaune près du dôme Rouge, du charbon à Port-Christmas et dans la baie de Cumberland, du lignite dans l’anse du Jardin. Le mont Rose atteint 1.960 mètres ; d’autres massifs s’élèvent à 1.000 mètres. L’altitude moyenne est de 500 mètres, sauf à l’est, où les terres sont basses. Il existe une centaine de lacs.

Les variations de températures vont de + 20° à - 10°, la moyenne annuelle est de + 3°. La pression atmosphérique se tient entre 745 et 755 millimètres. Les cyclones sont fréquents. La neige abondante ne persiste pas, sauf aux altitudes de 600 mètres, où elle se maintient.

Le gazon est beau, aussi les hautes herbes ; le chou de Kerguélen, antiscorbutique efficace, y pousse. Nombreux oiseaux de mer, pigeons, canards et autres comestibles, cétacés, coquillages comestibles, éléphants et léopards de mer, phoques à fourrures. Les lapins se sont bien acclimatés ; l’élevage du mouton a échoué faute de soins. Sur la côte ouest, la Curieuse signala de nombreux bons et beaux bois apportés d’Amérique par les courants marins.

Travaux projetés.

— Il est prévu un crédit de 50 millions pour établir une station météorologique et un laboratoire de biologie animale à l’île Amsterdam. Il y aura une station émettrice-réceptrice de radiotélégraphie pouvant assurer la liaison avec Madagascar, l’Afrique du Sud et l’Australie, un laboratoire des pêches coloniales annexe de celui du Muséum de Paris. Le personnel comporte un équipage de dix personnes et une équipe d’une douzaine de travailleurs. Le chef de poste, déjà désigné, est un ingénieur de la météorologie coloniale, il sera assisté d’un médecin des troupes coloniales. Il est indispensable que ce personnel soit en entier recruté dans la métropole ; il offrira plus de facilité à l’acclimatement que des Malgaches, il ne coûtera pas sensiblement plus cher et peut faire l’amorce d’un noyau de colons assurant la vie normale de l’établissement et écoulera le surplus de sa production à la Réunion.

En ce qui concerne les Kerguélen, il s’agit d’une mission d’études de quelques mois sous la direction d’un officier de la Marine nationale. Elle comptera une dizaine de personnes, dont un administrateur des colonies, un ingénieur de T. P. des colonies ; un médecin colonial, un océanographe du Muséum, des représentants des services météorologiques, de l’aviation et des militaires. Le but principal est d’examiner les conditions d’installation d’un établissement administratif permanent en 1950-1951 et la recherche d’un emplacement favorable à la construction d’une piste d’atterrissage et d’envol pour l’aviation.

Nous estimons que ces projets seraient considérablement renforcés en les complétant par l’établissement progressif d’un certain nombre de familles de colons qui recevraient une baraque de deux pièces avec cuisine, un terrain convenant à la culture et à l’élevage. Ils assureraient en partie la vie matérielle de la colonie. Il faudrait s’inspirer, en modernisant la méthode, de ce qui a été fait par nos premiers colons du Canada. On arriverait ainsi à établir un petit centre de quelques centaines de familles.

Vingt millions sont prévus pour cette étude.

Victor TILLINAC.

Réf. : Atlas des Colonies françaises de G. Grandidier.

Le Chasseur Français N°634 Décembre 1949 Page 821