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Courrier cynégétique

Busard et buse.

— Dans le courrier cynégétique d'octobre 1949, M. Maurice Vergne signalait l'accouplement présumé d'un busard mâle avec une buse femelle. Au risque de le désabuser, je pense qu'il s'agit là tout simplement d'une confusion entre la buse et la femelle du busard cendré, qui se ressemblent un peu par leur couleur foncée. Ce qui me fait dire aussi qu'il s'agit là d'un couple de busards cendrés, c'est la description que donne M. Vergne de l'oiseau et de son biotope. La queue du mâle du busard Saint-Martin est presque blanche, non barrée de lignes noires transversales. Son biotope est un peu plus sauvage que celui du busard Saint-Martin, et comme il s'agit ici de fougères ...

Qu'on me permette aussi de dire à M. Vergne qu'il aurait dû laisser vivre ce couple de rapaces qui se nourrit surtout de rongeurs. Il faut un grand pouvoir de discrimination pour juger des oiseaux utiles ou nuisibles, et tout rapace n'est pas forcément un nuisible, bien loin de là ...

J. CRÉPIN,

professeur au Collège de Constance.

À propos de genettes.

— Après l'article de M. C. Martel et celui de M. Albert Ganeval, qui m'ont fort intéressé, je suis tenté de signaler sans aucune prétention, par intérêt pour mes confrères en saint Hubert, que la genette existe dans les forêts de pins de Biscarrosse et de Saint-Eulalie (Landes).

Plus heureux que M. Albert Ganeval, j'ai eu la bonne fortune d'en tuer une dans les circonstances suivantes :

Je chassais la bécasse en compagnie d'excellents amis en saint Hubert, ils avaient noms de René F ..., de Lucien de G ..., de Arthur L ..., de Paul L ..., et ces demoiselles au long bec étaient rares ce jour-là. Mon brave Rip, excellent bleu d'Auvergne, venait d'arrêter une bécasse, et je l'avais manquée au départ. Au bas de la dune où cette maladresse venait de se passer, Rip cherchait avec passion l'oiseau qui venait de s'échapper. Comme mes camarades ne trouvaient rien, ils ralliaient vers moi comme il était d'usage pour prêter main-forte au chasseur maladroit. Je les vis donc tous quatre arriver sur la hauteur où venait de se passer la scène et je cherchais à une quinzaine de mètres plus bas l'oiseau qui s'était dérobé. Rip prit une quête et pendant 50 mètres j'ai cru à une bécasse blessée qui cherchait à fuir, mais à 100 mètres de là l'arrêt de Rip me déconcertait et les quolibets de mes quatre camarades me suivaient à la cadence de la marée montante : « Tu chasses au chien courant ... mon vieux, tu n'y es plus », etc. Ce brave Rip, qui ne me trompait jamais, avait une bonne piste, et je le suivis : arrêt, coulée, arrêt, coulée sur plus de 250 mètres dans les genêts et les arbousiers au milieu des pins, où il était difficile de voir à plus de 10 mètres devant soi.

Enfin Rip arrêta ferme devant une grosse souche de pin creuse. Je crus fort à ce moment que j'avais affaire à un rusé lapin. L'arrêt se prolongeait, et tout autour de cette souche le fourré assez serré ne permettait pas de tirer comme il convenait au déboulé. Il fallait tirer vite au départ de l'animal pour ne pas le perdre de vue aussitôt.

Je restai donc derrière Rip, de 5 à 6 mètres, et rassemblai auprès de moi quelques pommes de pins. Je jouai au passe-boules ; à deux ou trois reprises, je manquai la cavité du pin. Enfin une pomme tomba en plein trou et aussitôt surgit une tête étrange ; mon coup de feu partit, et la bête disparut dans le creux de la souche. Rip était au-dessus et avait des hésitations pour saisir la pièce. Je pris un bâton et retirai du trou une bête inconnue à la tête de fouine, que mon coup de fusil avait fendue en deux ; la peau tigrée noir et gris fauve ressemblait à celle du chat, la queue avait la longueur de son corps et l'ensemble mesurait 0m,90 de longueur. Une crinière existait sur l'épine dorsale comme sur une hyène, et, chose curieuse, elle avait sur l'intérieur des avant-bras une membrane de peau comme dessous les pattes ; on l'aurait crue gantée. À mon avis, cet animal devait monter rapidement et ordinairement aux arbres. Mes camarades surgirent et je dois avouer qu'aucun d'entre nous n'avait encore vu un semblable animal et ne put définir quelle bête nous avions devant nous. C'était un genre de fouine que nous ne connaissions pas. L'ayant dépouillée, je portai la peau à mon tanneur habituel, à Bordeaux. Celui-ci reconnut une genette, la civette d'Europe : « Un docteur de la Dordogne me porte cinq à six peaux par an, cet animal n'est pas très rare dans nos contrées », dit le tanneur.

Il avait raison : deux mois après, mon facteur à Arcachon, sachant que j'avais tué une genette, venait me proposer la peau d'un semblable animal qu'il venait de tuer dans les marais de Lamothe.

Depuis j'ai tracé sur le sable humide des forêts de la montagne à Biscarrosse des empreintes de cet animal, et je suis sûr qu'il vit et se plait dans la grande forêt de Gascogne, mais il est très rusé, évite le chasseur, et il faut un chien qui s'y intéresse pour vous amener à rencontrer et à tirer cet animal.

André FARGEAUDOUX.

Enfants adoptifs.

— Président de la société de chasse des propriétaires terriens de Châtelet-en-Brie, je reçus en juin dernier cinq petits garennes, qu'un cultivateur avait découverts en retournant une rabouillère, afin que je les lâche sur le territoire de la chasse. Cinq lapinots ne pesant pas 450 grammes à eux tous ! J'étais assez embarrassé de ces animaux lorsque ma femme eut l'idée de les confier à notre chatte qui avait mis au monde deux jours plus tôt deux petits chats. La prise de contact fut sans histoire, mais je pensais bien ne retrouver à l'aube que quelques touffes de poils, seuls souvenirs de mes lapins. À ma grande surprise, je constatai que les deux chats et les cinq lapins dormaient comme frères et sœurs dans les pattes de la chatte. Pendant plus de huit jours, les lapins n'ont vécu que du lait de la chatte. Après un mois de vie commune, leur union est très forte : lapins et chatons font ensemble de bonnes parties, mais les lapins ne savent pas jouer. Lorsqu'ils se sauvent de la corbeille d'osier qu'ils partagent avec les chats, la mère chatte part à leur recherche et les ramène, les tenant délicatement par la peau des fesses, leurs interminables oreilles la gênant pour qu'elle les attrape comme ses petits.

Nous avons voulu enfermer les lapins qui grimpaient partout, les chatons ont beaucoup miaulé, ont découvert la prison de leurs amis et leur tenaient à tout moment compagnie. Un si touchant attachement ne pouvait me laisser insensible, chats et lapins dorment de nouveau ensemble, la chatte ne quitte plus ses nourrissons, et il est assez comique de voir les lapins faire des culbutes sur son dos.

Je ne pense pas qu'un tel fait soit banal, d'autant plus que ma chatte est extraordinaire pour détruire les rats et les souris.

A. SANSON,

Abonné de Châtelet-en-Brie (Seine-et-Marne).

Qu'est-ce que le syrrhapte ?

— C'est la question que nous pose un abonné intrigué par l'article de M. Guiraud, « Sur les voies des migrations », paru dans notre numéro de septembre.

Le syrrhapte habite les steppes plus ou moins désertes de l'Asie (Mongolie) ; il comprend deux espèces : le syrrhapte paradoxal et le syrrhapte du Tibet. Le premier seul nous intéresse par ses incursions à intervalles réguliers dans l'Ouest de l'Europe.

On pourrait aisément le comparer, sous le rapport de sa conformation, de son habitat et de ses mœurs, au ganga, que l'on trouve encore en assez grande quantité dans la Crau de Provence, et qui est d'ailleurs très voisin de lui dans l'échelle des êtres organisés. Il a avec cet oiseau de grandes analogies.

Le syrrhapte paradoxal a les tarses courts, emplumés, ainsi que les doigts qui sont très courts et réunis sur une partie de leur longueur ; les ailes sont très longues et aiguës, le pouce manque.

Le bec est très court, la tête petite relativement au corps qui est allongé comme celui du pigeon. Son apparence est plutôt lourde.

Comme le ganga, il porte à la queue deux plumes longues et fines.

Il a le dessus du corps d'un cendré jaunâtre, avec des lunules noires à l'extrémité des plumes du dos ; la gorge est d'un orange foncé, le bas du cou et la poitrine gris cendré, avec une bande transversale formant collier ; il a aussi sur le ventre une ceinture formée de plumes dont le bout est marqué d'un croissant noir rougeâtre.

Les moeurs de cet oiseau sont peu connues. On sait toutefois qu'il habite les grands espaces dénudés et sablonneux. Sa démarche est pesante, mais son vol est très rapide ; il s'élève peu.

Il vit de graines et d’insectes qu'il recueille dans le sable. On n'a jamais pu constater sa nidification en France, mais nous savons que sa ponte est de quatre œufs d'un blanc roux tacheté de brun.

Quant à sa valeur culinaire, on l'ignore généralement, elle doit être cependant voisine de celle du ganga, qui est tout juste passable quand il est jeune et gras.

Destruction des chats harets et des chats domestiques errants.

— Un arrêté du ministre de l'Agriculture, en date du 7 novembre, publié au Journal officiel du 22 novembre dernier, dispose, dans son article premier :

« Pour prévenir la destruction des oiseaux et pour favoriser leur repeuplement, les chats rencontrés à plus de 200 mètres des habitations seront considérés comme chats harets et pourront être détruits dans les mêmes conditions que ces animaux lorsqu'ils auront été classés comme nuisibles dans les arrêtés réglementaires permanents relatifs à la police de la chasse. »

Chasse dans les constellations giboyeuses.

— La progression géométrique du nombre des chasseurs est telle qu'on ne trouvera bientôt plus sur notre planète le moindre bec-figue. Mais où chasser, alors ! Au lieu de nous inspirer de Jules Verne, consultons l'astronome Flammarion dans son ouvrage Les Étoiles. On sera alors frappé par le grand nombre des constellations giboyeuses : le lièvre, la colombe, le toucan, le paon, la lyre, le cygne, la grue, le petit renard, le lynx, le loup, l'aigle, la grande ourse, la petite ourse, la licorne, le lion, la girafe. Ce sont évidemment des astronomes fervents disciples de saint Hubert qui leur ont donné ces noms après en avoir dessiné les contours. Épaulant leur télescope, ils ont visé les constellations et ont trouvé dans certaines d'entre elles du gibier en abondance. On voit même sur la carte la constellation les « Chiens de chasse », près de la queue de la « Grande Ourse ». « Près de » est une façon de parler, car il y a entre ces deux constellations une distance d'au moins une année-lumière ... mais qu'est-ce qu'une année-lumière aujourd'hui, alors qu'avec le radar on percute la lune en quelques secondes ?

Un journal a publié récemment un article sur une « nouvelle fusée interplanétaire » capable d'utiliser l'énergie atomique. Jusqu'ici, pour se rendre dans d'autres planètes, on avait envisagé la construction d'une fusée géante très lourde. Le nouveau propulseur à réflecteur permettra la construction d'un projectile en forme d'obus relativement léger. Bientôt, sans doute, on équipera des trains interstellaires dirigés sans difficultés. Les chasseurs n'auront alors qu'à prendre leur billet aller et retour pour la station giboyeuse où ils se proposent de descendre en se munissant des cartouches appropriées : plomb n° 6 ou 8, chevrotines, balle ordinaire, nouvelle balle « Hiroshima », sans oublier le carnier plus ou moins grand selon le gibier qu'ils comptent rapporter : colombes, lièvres, grues, lions, girafes, etc.

J. BONNET.

Abonné, Constantine.

Le Chasseur Français N°635 Janvier 1950 Page 16