C'est surtout en montagne que l'on peut admirer, à la fin du
printemps et au début de l'été, des prés richement parés de fleurs aux teintes
vives et variées. La faux vient, malheureusement, anéantir cette féerie de
couleurs avant l'arrivée des touristes, de sorte que fort peu d'entre eux ont
le plaisir de l'apprécier.
En pays de plaine, les prairies sont également fleuries,
mais le nombre d'espèces y est moins grand et les nuances de leurs fleurs sont
moins vives. Ici encore, la fenaison vient mettre le point final à cette
splendide décoration naturelle.
Il est assez facile d'imiter la nature et, pour ce faire,
d'essayer de réaliser, dans une propriété d'une certaine étendue, un gazon
fleuri. En effet, la plus grande partie de nos plantes vivaces et de nos
plantes de rocailles à fleurs ne sont pas autre chose que des améliorations de
plantes spontanées habituées à vivre au milieu des graminées des prairies, mais
que nous croyons devoir, à tort le plus souvent, cultiver à part !
Mais comment, direz-vous, parvenir à imiter ces jolies
scènes champêtres ? La solution de cette question dépend tout d'abord de
la façon dont doit être traité le gazon que l'on entend fleurir.
S'agit-il, en effet, de pelouses régulièrement entretenues à
la tondeuse ? il ne sera possible d'y obtenir qu'une floraison printanière ;
en retardant quelque peu la première coupe du gazon ou bien en réservant, lors
de celle-ci, l'emplacement des groupes de plantes fleuries.
La pelouse doit-elle, au contraire, être traitée en prairie,
c'est-à-dire fauchée seulement une ou deux fois dans la saison ? Il est
alors possible d'y mêler un bien plus grand nombre d'espèces florifères qui se
développeront avec les graminées et disparaîtront avec elles à l'époque de la
fenaison.
Les plantes à fleurs à employer dans les pelouses tondues
doivent fleurir de bonne heure. Il faut aussi que l'on puisse en supprimer à
peu près complètement les parties aériennes, aussitôt après floraison, sans que
pour cela les plantes soient détruites. Seules, les plantes bulbeuses à
floraison printanière sont à même de remplir ces conditions.
Ce sont, dans les sous-bois et les parties ombragées, le perce-neige,
qui fleurit dès février et que l'on peut placer en colonies nombreuses à
proximité des allées, puis les jolis crocus, ou safrans printaniers,
aux coloris variés blanc pur, bleu clair, lilas, bleu foncé ou jaune vif,
fleurissant en mars, qu'il est recommandable de grouper en taches unicolores et
non de planter en mélange de coloris.
Un peu plus tard, les scilles, et notamment la scille
de Sibérie, formeront de jolis tapis bleu foncé si l'on a eu le soin de les
rassembler en masses importantes.
Puis, en avril-mai, la jacinthe des bois, aux
gracieuses grappes de fleurs bleu-ciel, blanches ou roses selon la variété,
fleurira abondamment en situation fraîche et ombragée.
C'est encore en mars-avril que fleurissent, en situation
plus aérée et éclairée, les diverses espèces de narcisses, dont la
floraison est suffisamment échelonnée pour que l'on puisse en jouir pendant au
moins un mois. Le narcisse trompette, le narcisse incomparable et
le narcisse des poètes sont parmi les plus rustiques. Leurs coloris
varient du blanc pur au jaune foncé en passant par toutes les teintes
intermédiaires ; les fleurs en sont simples ou doubles, odorantes dans le narcisse
des poètes.
Les tulipes précoces, ainsi que les jacinthes
parisiennes peuvent aussi à la rigueur être utilisées ; cependant, la
longévité de ces plantes est beaucoup moins assurée, les bulbes dépérissant
rapidement dans les gazons.
La plantation des oignons à fleurs de toutes ces plantes
s'effectue fin septembre ou début octobre. On doit les placer à une profondeur
égale à deux ou trois fois leur diamètre. Exception est à faire pour les
narcisses, que l'on peut enterrer à une vingtaine de centimètres. La plantation
pourra se faire au plantoir, si le sol est suffisamment meuble : c'est,
bien entendu, dans les pelouses nouvellement refaites que cette condition sera
réalisée.
Toutes les plantes citées plus haut vivant en groupes
nombreux, on en devra faire des taches plus ou moins importantes. Les bulbes
seront d'abord disposés sur le sol, un peu plus serrés au centre de la tache,
plus dispersés au pourtour comme cela se passe dans la nature ; on les
enterrera aussitôt après.
Les espèces dont il vient d'être question résistent en
moyenne deux ou trois ans dans les gazons. Les narcisses et les scilles, plus
rustiques, tiennent souvent beaucoup plus longtemps. La disparition des plantes
tient surtout à deux causes : en premier lieu, à la tonte du gazon, qui
intervient souvent trop tôt pour que les bulbes achèvent de mûrir normalement ;
en second lieu, aux arrosages d'été très fréquents, qui sont contraires au
repos des bulbes et en déterminent souvent la pourriture.
Celles, d'ailleurs, qui craignent plus particulièrement les
arrosages pourront être plantées dans les endroits les plus élevés de la
pelouse, ou dans les parties en pente qui s'assainissent vite. Elles y pourront
être associées avec d'autres espèces ne redoutant pas la sécheresse, qui
garniront l'emplacement lorsque les plantes bulbeuses seront en repos de
végétation. Évidemment, il y a là quelques inconvénients ! Ceux-ci ne sont
pas, toutefois, graves au point de constituer un obstacle insurmontable pour
l'amateur qui trouvera, dans cet emploi des oignons à fleurs de printemps, un
moyen, sinon inédit, du moins original et au demeurant assez peu onéreux, de
rehausser l'attrait d'une belle propriété.
E. DELPLACE.
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