Certaines personnes non initiées à l'apiculture pensent que
la cire est récoltée sur les fleurs par les abeilles, et des savants comme
Réaumur l'ont cru aussi en leur temps.
Aujourd'hui, même l'amateur n'ignore plus que la cire
est sécrétée par les abeilles au moyen des glandes cirières situées derrière
les anneaux sous l'abdomen. Lorsque certaines conditions sont réunies, la cire
s'élabore et sort sous forme de petites écailles. D'abord liquide, elle se
solidifie au contact de l'air, l'abeille détache l'écaille délicatement avec
ses pattes postérieures, la mastique pour l'assouplir et y ajouter une
sécrétion salivaire qui lui donnera ses qualités, après quoi elle y mélange une
petite quantité de propolis.
Nous avons dit que la cire ne pouvait être produite que sous
certaines conditions. D'abord l'âge de l'abeille, qui est primordial ; en
effet, après diverses expériences, il a été reconnu qu'en principe ce sont
celles âgées de douze à dix-huit jours qui sécrètent la cire le plus facilement ;
ce sont donc des jeunes, non encore butineuses. La cire est produite
exclusivement par la transformation de matières sucrées : miel ou sucre.
On a calculé qu'il fallait au minimum 10 à 12 kilogrammes de sucre pour
produire un kilogramme de cire. Cette transformation est très épuisante pour
les abeilles, aussi n'y recourent-elles que lorsqu'elles ne peuvent faire
autrement. Une autre condition indispensable est la température, qui doit
atteindre 35° pour permettre aux glandes cirières de fonctionner. Dans ce but,
les abeilles se réunissent en grappe après s'être gavées de miel, d'autres
ouvrières les recouvrent, et le groupe reste ainsi immobile plusieurs heures
avant que les lamelles de cire apparaissent sous l'abdomen des jeunes.
Laissons parler le regretté Maeterlinck, qui a décrit cette
phase de la vie des abeilles d'une manière si poétique :
« Écartons un des plis du rideau de guirlandes au
milieu duquel l'essaim commence à éprouver cette étrange sueur presque aussi
blanche que la neige et plus légère que le duvet d'une aile. Car la cire qui naît
ne ressemble pas à celle que nous connaissons tous : elle est immaculée,
impondérable, elle paraît vraiment l'âme du miel, qui est lui-même l'esprit des
fleurs, évoquée dans une incantation immobile, pour devenir plus tard entre nos
mains, en souvenir sans doute de son origine où il y a tant d'azur, de parfums,
d'espace cristallisé, de rayons sublimés, de pureté, de magnificence, la
lumière odorante de nos derniers autels. »
La production de la cire n'est pas un besoin physiologique,
bien au contraire; lorsque les abeilles peuvent utiliser de la vieille cire ou
des produits de remplacement dont le point de fusion est à peu près le même,
elles se dispensent d'en produire. Il faut encore voir là une manifestation de
leur intelligence.
Fonte de la Cire.
— Les prix élevés de la cire en font un produit assez
précieux qu'il importe de ne pas gaspiller. Beaucoup d'apiculteurs sont
embarrassés lorsqu'ils veulent extraire la cire des vieux rayons réformés.
Disons tout de suite qu'il ne faut pas employer de récipients en fer ou en
cuivre, à moins qu'ils ne soient étamés ; la cire contient un acide qui attaque
le métal, même galvanisé, lorsqu'elle doit y séjourner longtemps.
On vend dans le commerce des chaudières spéciales, mais pour
l'amateur elles sont d'un prix assez élevé. Le mieux est d'avoir une lessiveuse
non utilisée. Se procurer de la toile métallique à tamis et en découper un rond
du diamètre intérieur de la lessiveuse à la hauteur du croisillon qui sera chargé
de le retenir. Faire un trou au centre du tamis pour le passage du tube. Après avoir
placé le double fond et le tube central, mettre dans la lessiveuse les brèches
à traiter en les coupant en petits morceaux ; placer par-dessus la toile
métallique et enfin le croisillon. Remplir d'eau froide jusqu'au-dessus de la
toile et laisser tremper. Le lendemain, mettre sur le feu et faire bouillir
deux heures environ, puis laisser refroidir le plus lentement possible en
plaçant le couvercle et des linges sur le dessus, le lent refroidissement
permettant à la couche de cire de mieux s'épurer.
Lorsque la cire est refroidie, l'enlever, gratter avec un
couteau les impuretés qui y adhèrent et faire fondre à nouveau dans de l'eau
pour achever de l'épurer. Afin d'obtenir une cire de belle couleur, lors de la
deuxième fonte, on peut ajouter à l'eau froide 1 p. 100 d'acide sulfurique
(faire bien attention de verser l'acide dans l'eau et non le contraire pour
éviter des projections dangereuses). Faire fondre en agitant avec un bâton pour
que l'acide pénètre bien dans la cire. Au bout de quelques minutes de
chauffage, enlever du feu, laisser refroidir très lentement. Plusieurs heures
après, enlever la cire durcie sans toucher le liquide avec les mains, gratter
le dessous du bloc et recommencer encore une fois l'opération si la cire n'est
pas suffisamment épurée.
On obtient un meilleur rendement dans la fonte des brèches
par l'emploi de la chaleur et de la pression à la fois. Pour cela, on utilise
une presse à cire qu'on peut construire soi-même si l'on sait travailler le
bois. Les brèches fondues ou ramollies sont vidées dans un sac de bonne toile,
et par une pression régulière on arrive à extraire le maximum possible de cire.
Il ne reste plus ensuite qu'à procéder au moulage. Avoir des
moules en fer-blanc, de la forme désirée, dans lesquels on passe de l'eau
miellée pour que le bloc se détache facilement une fois refroidi. Y verser la
cire fondue et recouvrir de lainages ; un refroidissement lent évite les
cassures et donne un meilleur résultat.
Les pains peuvent être utilisés ensuite à la fabrication
d'encaustique, de cirage, ou bien être envoyés au gaufreur pour la
transformation en feuilles de cire gaufrée.
Roger GUILHOU,
Expert apicole.
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