Les lecteurs de cette revue seront sans doute intéressés par
les renseignements suivants recueillis dans une encyclopédie des races canines
récemment parue aux États-Unis. Plusieurs des races de chiens courants étudiées
dans l'ouvrage de M. Henry P. Davis méritent d'être connues, ne serait-ce que
du point de vue pratique, le plus important en somme.
Un chien très populaire chez les Américains est le beagle.
C'est aussi celui dont les effectifs sont les plus fournis. À vrai dire, le
modèle est quelque peu différent de celui que nous cultivons : dans
l'ensemble, meilleur en ossature, poil et type. Cent cinquante-trois clubs
donnent des épreuves pour beagles où, en 1948, figurèrent près de vingt mille
d'entre eux. L'énormité du chiffre frappera le lecteur. Qu'il se souvienne
seulement de l'immense étendue de ce pays dont un des nombreux États est aussi
vaste que la France.
Le beagle est considéré là-bas comme spécialiste du « rabbit
hunting », pratiqué aussi en Angleterre et même chez nous. Le lapin
américain, ou « cottontail », est plus proche du lièvre que de notre
lapin. Dans l'épreuve sur cottontail, les chiens travaillent par paires, et par
équipages lorsqu'il s'agit d'épreuves sur lièvre.
Deux variétés de beagles sont différenciées par la taille,
l'une comprenant les chiens n'excédant pas 13 inches, l'autre ceux ne
dépassant pas 15 inches ; le pouce valant 25 millimètres. En
Europe, la taille la plus élevée admise est de 17 pouces. Le beagle d'Amérique
est très costaud, son ossature et ses rayons sont très forts, de col
caractérisé, avec tête et oreille classiques, celle-ci insérée sous la ligne de
l'œil. La face est profonde et bien terminée en carrure, le fouet court et bien
porté, le poil fourni, dense et non ras. C'est un très bon modèle dont la réalisation
s'est trouvée facilitée du fait du grand choix que permet une importante
production. La sélection est sévère. C'est ainsi que tout chien dépassant 15 inches
est automatiquement éliminé des compétitions, quelles que soient ses vertus.
Dommage que la mare aux harengs soit si étendue ; combien de ces « trop
grands » intéresseraient nos amateurs.
Outre les deux rongeurs précités, le beagle est appelé à
chasser toutes les espèces américaines : renard, racoon, même l'écureuil
gris et, ce qui nous surprend, le faisan.
La chasse de ces divers animaux a développé chez lui
l'esprit d'initiative, agissant favorablement sur son comportement dans les
embarras. C'est pourquoi, vu, en outre, sa compacité, serait-il intéressant de
l'allier à nos beagles, dont l'ossature n'est pas toujours assez forte, ni les
initiatives assez hardies. En vérité, le beagle tel que l'ont conçu et réalisé
les sportsmen américains mérite l'attention des beaglemen de chez nous et même
de ceux de Grande-Bretagne.
L'autre courant de taille réduite en honneur est le basset
à poil ras d'origine française, passé en Amérique par le canal de l'Angleterre.
Plutôt léger que lourd, mi-tors tout juste, d'allure dégagée, très sport, du
modèle passe-partout, il plairait à nos porteurs de fusil.
L'oreille est arrondie à l'extrémité comme chez l'artésien,
mais la tête est assez longue et légère. Le type en est assez particulier. Un
autre modèle lourd et plus tors porte chef influencé par le sang bloodhound. La
taille préférée est de 13 pouces, variant entre 10 et 15. Le basset sert à la
chasse à tir de tous les quadrupèdes tels que lapin, lièvre, racoon, opossum,
etc.
Ce sont là les deux races de courants les plus intéressantes
pour nous. Je répète, le beagle du nouveau monde est pourvu de qualités
manquant un peu aux nôtres et que ceux de nos bassets trop lourds, manquant
d'influx nerveux, se trouveraient bien d'une alliance avec tel ou tel de ces
chiens dont j'ai l'image sous les yeux.
L'american foxhound, dont les ancêtres ont été
importés au XVIIIe siècle tant d'Angleterre que de France, ne
présente aucune ressemblance avec le foxhound primé à Peterborough, la majorité
présentant une silhouette poitevine.
L'image reproduite ci-contre figure dans un ouvrage dû à un
sportsman des États du Sud : M. J. B. Thomas. Il attribue
formellement une origine française à ces chiens de Virginie et régions
voisines. Le regretté M. Hublot du Rivault, veneur poitevin, était fort
intéressé par l'examen de cette silhouette, qu'il estimait poitevine.
Mais d'autres « packs » sont composés d'éléments à
la physionomie différente, cependant toujours plus française qu'anglaise. Ce
sont chiens tricolores, peu couverts, dont les têtes semblent d'anglo-poitevins
normands, de jolis anglo-français tels que nous en avons. Ils n'ont pas le rein
harpé, ni les lignes du chien du Poitou. Il y a donc deux formules différentes
de l'american foxhound.
Le renard d'Europe a été introduit afin de procurer un sport
plus sévère que celui fourni par le renard gris indigène de faible résistance.
Mais le foxhound chasse par ailleurs tous les quadrupèdes courables : le cougouar
et l'ours lui-même.
Le foxhound de silhouette poitevine est le plus apprécié
d'après l'auteur. Le « Walker hound » et le « Trigg hound »,
du nom de leurs éleveurs, sont exactement des poitevins. Leur taille est de 23
à 24 inches 1/2, atteignant parfois 25. Ces chiens semblent l'élément de
retrempe désigné pour nos anglo-français de vénerie revendiquant physionomie
poitevine, et d'autant que l'identité des origines ne paraît pas douteuse.
Tels sont les courants américains les plus susceptibles de
nous intéresser, et peut-être pourrions-nous nous en tenir à ce qui vient
d'être dit, si le souci d'être complet et de satisfaire de légitimes curiosités
ne nous incitait à ajouter encore quelques mots sur d'autres races d'un intérêt
moins immédiat pour la chasse française.
Toutefois, n'oublions pas le « bluetick »,
réputé d'origine anglaise, mais certainement très influencé par le sang gascon.
On sait d'ailleurs que les harriers bleus ont été croisés plus d'une fois avec
le chien bleu de Gascogne. Le lot figurant dans l'ouvrage analysé pourrait
concourir en France en classe de bleus de petite vénerie. Ils sont
particulièrement estimés pour la chasse du racoon et leur habileté à le
découvrir une fois perché. Encore une retrempe, en famille ou presque, pour nos
bleus de petite taille.
Le Plott hound, portant le nom de l'émigré allemand
qui l'a importé au XVIIIe siècle, ressemble à ces chiens des pays
centraux servant comme limiers ou « chiens de rouge ». Réputé en sa
nouvelle patrie pour la chasse du gros gibier, ours compris, il semble offrir
pour nous, un moindre intérêt que les précédents, bien que, lui aussi, soit
dans la voie du menu gibier.
Le « black and tan coonhound » est un
dérivé du blood-hound. C'est la dernière race inscrite à la liste officielle de
l'American Kennel Club, mais il existe en réalité depuis longtemps, et sa
réputation dans la spécialité qui est la sienne est bien établie. Toutefois il
fait preuve de qualité devant tous les gros gibiers, sans excepter l'ours. Sa
taille atteint de 24 à 26 pouces. C'est donc un chien de taille. La structure
du champion figurant dans l'ouvrage est longue, le dos peu soutenu et le jarret
coudé. Il n'a pas les lignes du foxhound de Virginie, « greyhound like »,
dont il a été parlé. La tête a sans doute beaucoup de cachet, et les qualités
de la race sont celles généralement transmises par le bloodhound, son plus
proche parent. Ce chien ne répond à aucun de nos besoins.
Le bloodhound est exactement le même que celui
d'Europe. Prototype du chien pisteur et sans doute le seul zoologiquement pur;
il demeure un améliorateur. Dans ce rôle, M. Hublot du Rivault, pourtant voué
aux chiens rapides, l'appréciait hautement. Un des bloodhounds figurant dans le
livre est un modèle certainement soumis à l'entraînement. Tout en présentant la
plus classique des silhouettes en tête et corps, le tissu en est ferme, la
tenue du dessus est parfaite, ainsi que celle des aplombs. À l'heure où la race
se trouve si réduite en son berceau, il semble plus aisé de trouver remonte au
delà de l'Océan.
Comme on le voit, nous pourrions compter sur partie du
cheptel américain et n'étaient, la distance et le change défavorable, sans
doute aurions-nous déjà recouru à ses représentants.
Mon intention en écrivant les lignes précédentes a été
d'informer mes compatriotes, tout particulièrement les amateurs de beagles.
Qu'ils sachent donc avoir à leur disposition le modèle rêvé pour améliorer les
leurs, dont les défauts les plus communs sont l'insuffisance de l'ossature, le
poil fin et ras, le manque d'importance et de carrure de la face, en général
moins costauds et d'aspect moins rustique qu'il serait souhaitable.
R. DE KERMADEC.
|