Conakry, port importateur de produits fabriqués et de
matières premières d'origine métropolitaine (ciment, engrais), port exportateur
de produits agricoles (bananes, ananas, oranges et palmistes) et dont le trafic
total (importation et exportation) n'a pas dépassé 200.000 tonnes, va changer
de caractère et d'importance. Ce sera, dans quelques années, un grand port
minier.
Une situation géographique exceptionnelle, des richesses
minières concentrées autour d'une rade naturelle devaient tôt ou tard amener ce
développement. Deux facteurs ont présidé au développement de Conakry en tant
que port :
— la présence d'une zone de bas-fonds au voisinage
immédiat de la côte, abritée de tous côtés, au sud-est par l'île Timbo, sur
laquelle est bâtie la ville de Conakry, au sud-ouest par les îles de Loos, au
nord par le banc sous-marin de la Prudente, sur lequel a été construite une
digue de protection ;
— l'existence d'un courant parallèle à la côte jouant le rôle de courant
de chasse au jusant, environ trois nœuds de vitesse.
Les ressources minières sont considérables, certaines sont
signalées depuis trente ans et plus : minerai de fer de la presqu'île de Kaboum
à la sortie de Conakry et bauxite des îles de Loos.
La réserve de minerai du fer est estimée à deux milliards de
tonnes. L'extraction annuelle de 1.200.000 tonnes est prévue pour commencer,
puis, ensuite, elle sera portée à 3.000.000 de tonnes.
La réserve de bauxite est évaluée à 10 millions de tonnes,
et l'extraction prévue est de 300.000 tonnes par an.
L'ensemble de ces exportations minières ne peut se faire par
les installations du port actuel, qui comporte seulement trois postes à quai et
permet tout juste de faire face aux besoins présents. Dès janvier 1949, le
trafic a doublé le tonnage de l'an dernier. À cause de la reprise des
exportations agricoles, particulièrement des bananes, ananas, oranges, palmistes,
et de l'accroissement des importations de matériel, d'équipement, les quais
vont devenir très prochainement insuffisants pour le trafic ordinaire. On va les
augmenter d'un poste bananier à l'occasion de la création d'un quai minier et
prolonger le quai actuel du commerce de deux nouveaux postes dans une seconde
étape d'extension.
Des installations indépendantes du port de commerce actuel
vont être réalisées pour le fer et pour la bauxite, Ces installations sont
conçues avec la préoccupation de pouvoir réaliser en vingt-quatre heures le
chargement de gros navires à rotation rapide, afin d'obtenir un prix minimum
pour le fret.
L'expédition du minerai de fer se fera au moyen d'un quai de
300 mètres dans le prolongement du quai du commerce actuel. Un intervalle de
150 mètres sera laissé entre les quais pour réserver l'entrée d'une darse.
Le quai minier offrira des fonds de -11m., afin de permettre
l'accès des gros cargos. Le chenal et les cercles d'évitages seront dragués à -8m,50.
Les gros cargos miniers pourront arriver à toute heure et pourront partir dès
la mi-marée.
Le quai minier sera relié à la terre par un terre-plein
étroit, le minerai stocké sur un élargissement sera amené par un chemin de fer
à voie normale et lourde ; venant directement de la mine, un système de
transporteurs à courroies à gros débit le mènera de là au bateau.
En retour de ce quai minier sera construit un nouveau quai commercial
réservé au trafic bananier, il sera équipé mécaniquement (hangars et engins de
chargement). Il remplacera le quai actuel et sera prolongé par un quai réservé
au cabotage.
Un système de trois digues protégera les extensions du port
contre la houle ; ce dispositif a été adopté afin de ne pas modifier le
courant qui joue un rôle important dans le maintien des profondeurs. Enfin,
pour pouvoir permettre au courant de coller contre le quai minier et pour
assurer à ce courant une vitesse suffisante pour empêcher les dépôts de vase,
on a prévu un épi partant de la côte orientée sud-est nord-ouest, long de 900
mètres, et dont l'extrémité nord est située à 1.200 mètres dans le prolongement
du quai actuel. L'achèvement des digues est prévu pour fin 1951, et
l'achèvement des quais et autres travaux probablement dans trois ou quatre ans.
L'expédition de la bauxite extraite actuellement à l'île de
Tamara sera chargée en rade par l'intermédiaire de chalands, elle sera amenée
sur les chalands par des transporteurs portés sur un wharf en cours de
construction. Ultérieurement, la bauxite sera extraite de l'île de Kassa, dont
le gisement est beaucoup plus important, et un port privé en eau profonde y
sera établi.
L'ensemble du port de Conakry se composera donc des éléments
suivants :
Le port de commerce, qui disposera en première étape de
trois postes à quais pour long-courriers et d'un poste bien équipé, susceptible
d'un rendement élevé pour les bananiers. Ceux-ci pourront d'ailleurs, en cas de
besoin, charger également à un poste pour cargos. Les terre-pleins actuels de
100.000 mètres carrés seront complétés par 115.000 mètres carrés de
terre-pleins nouveaux ; le port minier disposera de 300 mètres de quai.
Les cargos pourront aussi accoster à l'île de Kassa.
Le port de Conakry pourra ainsi s'adapter au développement
économique de la Guinée française.
Victor TILLINAC.
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