C'est en pensant aux maisons de campagne anglaises
d'autrefois, dont les images ont enchanté ma jeunesse, que j’ai composé cette
confortable résidence nordique, susceptible de convenir, avec les variantes et
adaptations locales nécessaires, aux diverses provinces septentrionales de la France.
Mais, si j'ai évoqué avec quelque nostalgie les croquis au
crayon faits il y a quelque cent ans par William Twopeny qui nous a transmis de
charmantes maisons des XVe, XVIe et XVIIe
siècles, si j'ai revu avec plaisir les aquarelles des cottages qui subsistaient
encore au début de siècle, avec leurs toits de chaume ou de vieilles tuiles,
leurs pans de bois, leurs oriels, leurs hautes cheminées, et notamment celle du
cottage d’Anne Hathaway à Stratford-sur-Avon, je n'ai point voulu appliquer le
principe qui était encore à la mode naguère outre-Manche. Il s'agissait en
effet, tout en réalisant une habitation très confortable, de la composer d’éléments
disparates, comme si elle avait été réalisée au cours des siècles par « rajoutures »
successives, en partant du hall du Moyen Age, unique pièce où logeaient
pêle-mêle maîtres et serviteurs, bêtes et gens ...
Ici, au contraire, j'ai mis en place une composition
symétrique construite sur trois axes ; et, tout en gardant l'aspect
rustique fait pour s'harmoniser avec la nature, j'ai assuré largement le
confort, la commodité, la luminosité modernes. Autour du grand hall hexagonal,
et communiquant largement avec lui, se placent symétriquement bureau, salon,
salle à manger, donnant vue sur tous les points de l'horizon. Entre le salon et
la salle à manger s'évase une grande loggia communiquant aussi largement avec
le hall. Entre le bureau et la salle à manger, symétriquement à la loggia, se
groupent les services : lavabo, vestiaire, w.-c., cuisine, office. Au
premier étage se trouvent quatre chambres ayant chacune sa salle de bains et sa
penderie, une loggia, deux terrasses pergolas. Au deuxième étage se trouvent
encore quatre chambres plus petites avec toilettes et penderies.
Distribution.
— Nous arrivons par quelques marches rustiques à la
plate-forme, légèrement surélevée par rapport au terrain environnant, sur
laquelle est placée la maison. L'allée d'accès se trouve dans l'axe et l'entrée
est bien marquée par l'évasement du salon et de la salle à manger, qui forme
comme un entonnoir où vient s'engouffrer le visiteur.
De la plate-forme nous accédons par deux marches à la porte
d'entrée du hall, porte vitrée à quatre vantaux pliants.
Le hall est une grande pièce hexagonale largement
ouverte sur cinq côtés. Devant grande baie vers l'arrivée à gauche, grande
porte vitrée donnant communication avec le salon, grande baie donnant sur la
loggia ; au fond, grande baie communiquant avec la salle à manger ; à
droite devant, grande baie communiquant avec le bureau ; à droite
derrière, grand escalier passant derrière la grande cheminée, disposition
pittoresque et entrée du lavabo-vestiaire qui dessert la cuisine. Le hall est
meublé par une grande table ronde centrale et par de grands fauteuils
confortables.
Le salon, qui avance en diagonale comme une proue de
navire vers la campagne, est largement vitré dans toute la partie antérieure
avec petite fenêtre en retour vers l'entrée, large fenêtre en retour vers
l'arrière. Sur le mur arrière se trouve, dans l'axe, une grande cheminée ayant
à sa droite un grand placard vitrine formant symétrie avec la fenêtre. À la
grande paroi, côté entrée, s'adossent un grand meuble dans l'axe et un casier à
musique. Dans la partie lumineuse, entre les fenêtres, se place le piano à
queue. Les sièges sont disposés tout autour.
Le bureau forme le symétrique du salon par rapport au
grand axe de la composition. Comme lui, il comporte cinq fenêtres, une grande
cheminée. Au centre se place un grand bureau. Sur la paroi, côté entrée, une
très grande bibliothèque ; à gauche de la cheminée, un autre meuble.
La salle à manger forme la troisième branche du
trident prolongeant le hall en face de l'arrivée. Elle est plus longue que le
salon et le bureau de manière à recevoir de nombreux convives. La partie avant
est toute en fenêtres, la partie arrière comprend la grande cheminée rustique
et trois grands placards, ou buffets-placards, rendant superflus les meubles
mobiles. À droite, entre deux placards, se trouve la porte de communication
avec l'office, qui la relie à la cuisine. La salle à manger se prolonge par une
grande terrasse avec perron descendant au jardin. Cette terrasse peut sans
inconvénient être couverte, les fenêtres latérales assurant à elles seules un
confortable éclairage.
Du hall, nous passons, à droite, au lavabo-vestiaire,
qui comporte lavabo-placard, portemanteaux, et qui se complète par deux w.-c.
Du lavabo-vestiaire, nous passons à la grande cuisine,
largement éclairée par une batterie de six fenêtres, et où nous trouvons grande
cuisinière à charbon, cuisinière électrique, grand évier avec double égouttoir,
grand buffet-placard, frigidaire, et, au milieu, grande table pour plusieurs
personnes. De la cuisine, on communique directement avec l'escalier de descente
de cave.
L'office, qui fait communiquer la cuisine et la salle
à manger, s'éclaire par une batterie de trois fenêtres et une porte, celle-ci
permettant la descente au jardin. Nous y trouvons deux placards, un meuble
desserte et une grande table.
La loggia s'évase largement entre la salle à manger
et le salon, bordée par une colonnade circulaire rustique. Un perron latéral
permet la descente au jardin.
Les pièces intérieures et extérieures du rez-de-chaussée :
hall, bureau, salon, loggia, salle à manger, terrasse, communiquant largement
entre elles par de larges baies, forment une très vaste réception. La variété
des orientations et la multiplicité des ouvertures permettent d'ouvrir
fenêtres, portes et volets du côté agréable, et de les fermer du côté indésirable,
suivant la saison et l'heure du jour.
Le grand escalier nous conduit au premier étage, où
nous trouvons quatre grandes chambres ayant chacune sa salle de bains et son placard-penderie.
Chacune de ces chambres peut recevoir deux lits jumeaux et leurs tables de
chevet.
Il y aura en outre un w.-c., une loggia et deux terrasses-pergolas
rustiques.
Nous montons ensuite au deuxième étage dans les
combles, où nous trouvons encore quatre chambres plus petites, avec placards-penderies
et toilettes.
Et, dans la pointe du clocheton hexagonal qui surmonte
le hall, nous trouvons encore un colombier après avoir gravi un escalier
à vis.
Au sous-sol, nous trouvons chaufferie, buanderie,
atelier, caves.
Construction.
— Les murs seront en épaisse maçonnerie de pierre ou de
briques, apparentes ou crépies suivant la région et la qualité des matériaux.
Les planchers seront en béton armé avec revêtements en carreaux de gré cérame
et en chêne avec plafonds suspendus antiphoniques. Dans quelques pièces
décoratives, ces plafonds suspendus pourront être sur solives en bois. La haute
charpente sera soit en bois (solution préférée par les charpentiers — n'est-ce
pas, monsieur Sinz), soit mieux en béton armé à cause de l'incendie, du
champignon, des termites. La couverture sera en petites tuiles plates,
rustiques, naturelles, ni trop rouges, ni barbouillées, ni uniformément
brunes. La menuiserie extérieure sera en chêne naturel, passée simplement à
l'huile cuite et au carbonyle.
La fermeture sera constituée par des volets roulants en bois
ou par des volets pliants en bois assurant une herméticité complète,
suivant le système très simple que j'ai mis au point et que j'applique en ce
moment dans plusieurs constructions en diverses régions, ce système ayant
l'avantage de donner un isolement thermique bien supérieur à celui des
fermetures ordinaires, et de permettre une notable économie de combustible.
Aspect extérieur.
— Au point de vue ligne, l'aspect extérieur est
suffisamment exprimé par mon croquis perspectif. Au point de vue couleur, je
m'en tiendrai dans la réalisation du principe que j'ai indiqué plus haut :
prédominance des matériaux naturels, exclusion des couleurs hurlantes,
harmonisation avec la nature. Peut-être pour la couverture pourrons-nous avoir,
comme j'ai pu l'obtenir récemment pour une maison briarde moderne, un certain
nombre de tuiles brûlées, violacées, mordorées, en alternance avec les tuiles
de tons beige et rose pâle. Mais ce « plus beau toit de ma vie » a
été dû, en même temps qu'à mon insistance têtue, à l'obligeance intelligente
d'un tuilier artiste qui, sans bruit et sans réclame, continue à fabriquer dans
le « bled », avec une terre excellente, la bonne tuile que faisaient
déjà ses aïeux, il y a trois siècles.
Gérard TISSOIRE,
Architecte.
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