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Connaissons notre terre

Les terres de nos jardins ne sont pas toutes semblables ni identiques les unes aux autres : les unes, légères, se travaillent facilement, l'eau s'y infiltre aisément, elles sont vite sèches, elles ne collent pas aux outils ; les autres, lourdes, difficiles à travailler, font croûte, sont collantes. Bref, chaque jardin a une terre particulière, caractéristique, qui influe sur la facilité du travail et sur le rendement des légumes cultivés. Pour exploiter son potager avec le maximum de profit, il faut donc que le jardinier ou l'amateur connaisse au mieux le sol qu'il cultive.

Pratique des différents moyens pour bien connaître le sol cultivé.

L'aspect du sol :

— les éléments fondamentaux du sol : argile, silice, humus et calcaire, sont assez apparents et, par un rapide examen du sol, nous reconnaissons ceux qui font son aspect, son caractère physique. En outre, ce jaugeage superficiel de la terre se confirme par quelques observations : l'eau demeure à la surface du sol ou s'infiltre aisément ; la terre fait croûte ou, au contraire, s'émiette facilement, etc. ...

Mais, comme en toutes choses, l'aspect peut être trompeur, et il faut alors recourir à l'examen de :

La végétation spontanée :

— elle donne des indications précieuses.

    En sol argileux croissent les prêles, la chicorée et l'oseille sauvages, le tussilage ou pas-d'âne, la renoncule, les joncs.

    En sol siliceux, le chiendent, la digitale, les genêts se plaisent fort bien.

    En sol calcaire, la présence en abondance des coquelicots, de la sauge, du mélampyre ou arrête-bœuf, du noyer, de la vigne qui trouvent un milieu favorable où elles se plaisent ; ce sont des plantes calcicoles.

    En sol humifère, l'oseille sauvage, la bruyère et le châtaignier prospèrent, ainsi que joncs, carex, iris et osier.

    En terre franche : sureau, bleuet, chrysanthème des champs.

L'expérimentation :

— les plantes parlent d'elles-mêmes. Nos pommes de terre manquent-elles de fleurs ? C'est que l'acide phosphorique est insuffisant. Le feuillage est-il large, d'une belle coloration verte, foncée même ? C'est que l'azote est abondant. Nos légumes ont-ils des tiges manquant de rigidité, les plantes sont-elles flasques et molles ? C'est que le manque de potasse se fait sentir.

Mais il apparaît pourtant fort rationnel et très utile de compléter ces indications par l'analyse du sol. Celle-ci n'aura son maximum de valeur que si, d'abord, l'échantillon a été soigneusement prélevé.

Pratique du prélèvement de l'échantillon de terre.

— On prélèvera un échantillon pour environ deux ares de jardin en creusant avec une bêche un trou à peu près carré d'environ 50 à 60 centimètres de côté et d'une profondeur dépassant celle de la couche de terre arable ; puis, sur chacune des quatre faces du trou ainsi aménagé, enlever à la bêche une légère tranche de terre d'environ 5 à 6 centimètres d'épaisseur que l'on coupe à la base à l'aide d'un coup de bêche horizontal à la limite de la terre végétale. Ces quatre tranches sont alors intimement mélangées.

Cette opération est répétée, en raison du manque d'homogénéité du sol, cinq à six fois en différents endroits du carré de jardin.

L'échantillon final, soumis à l'analyse, sera ainsi pris dans le mélange soigneusement réalisé des terres des cinq à six tranchées exécutées.

Envoi de l'échantillon prélevé.

— Il sera placé de préférence dans une boîte de fer en inscrivant soigneusement le nom, le numéro de prise d'échantillon, lorsqu'il y en a plusieurs, et la mention sol et parfois sous-sol s'il y a lieu. L'emballage en papier est à rejeter : d'apparence sèche, la terre, en réalité, est humide ; d'autre part, au cours de l'expédition, les échantillons pourraient se mélanger par rupture d'emballage et ainsi fausser l'analyse. L'échantillon est alors adressé au Laboratoire agricole départemental ou à la Station agronomique. La Direction départementale des Services agricoles donnera toutes précisions à ce sujet.

L'analyse proprement dite.

— Elle se fait à un double point de vue physique et chimique dans le laboratoire spécialement outillé. L'analyse chimique du sol s'applique aux trois éléments minéraux fondamentaux (azote, phosphore, potasse) de l'alimentation des plantes. On y ajoute le dosage en carbonate de chaux ou calcaire, parce que celui-ci exerce une action des plus importantes sur l'état physique du sol, plus particulièrement sur sa légèreté ou sur sa compacité, facteurs qui ont une grande influence sur les actions chimiques et microbiennes dont le sol est le siège.

En général, il est admis qu'une terre est suffisamment riche lorsqu'elle renferme :

Azote 1 p. 1.000.
Acide phosphorique 1 = =
Potasse 2 = =
Chaux 50 = =
Magnésie 1 = =

Interprétation du bulletin d'analyse.

— Pour que l'analyse du sol soit parfaite, il est utile de prélever également un échantillon du sous-sol. On opère de la même manière : il suffit de prendre la terre échantillon à 60 centimètres au-dessous de la couche arable.

Ce qu'il faut retenir (et même exiger si cela n'y figurait pas), ce n'est point tant la teneur ou richesse en acide phosphorique ou en potasse bruts qu'assimilables. En outre, si sur le bulletin d'analyse le carbonate de chaux fait défaut, on demandera au directeur du Laboratoire d'analyses le dosage de l'acidité, ce qui permet de fixer de façon exacte la quantité de chaux à apporter au début de l'amélioration du terrain pour obtenir la neutralité.

De plus, le bulletin d'analyse peut indiquer une quantité importante d'azote, qui, cependant, peut être insuffisante : ainsi une terre ayant 0,7 p. 1.000 d'azote peut donner à l'hectare environ 2.000 kilogrammes d'azote, et une bonne récolte exige environ 150 kilogrammes d'azote pour la même surface. Cette terre ne donnera pourtant pas une bonne récolte.

Ainsi l'analyse du sol est une opération nécessaire et indispensable pour bien connaître la terre que l'on travaille. Cette connaissance permettra d'apporter les améliorations nécessaires : amendements, engrais, de façon rationnelle, alors que, dans la plupart des cas, parce que non pratiquée, on opère toujours un peu au hasard. Faisons donc analyser la terre de notre jardin et portons notre attention sur sa teneur en chaux, exprimée sous la rubrique réaction ou ph du sol. Comme c'est le renseignement le plus important, le plus indispensable, il fera l'objet d'une causerie ultérieure.

BOILEAU.

Le Chasseur Français N°646 Décembre 1950 Page 736