Les terres de nos jardins ne sont pas toutes semblables ni
identiques les unes aux autres : les unes, légères, se travaillent
facilement, l'eau s'y infiltre aisément, elles sont vite sèches, elles ne
collent pas aux outils ; les autres, lourdes, difficiles à travailler,
font croûte, sont collantes. Bref, chaque jardin a une terre particulière,
caractéristique, qui influe sur la facilité du travail et sur le rendement des
légumes cultivés. Pour exploiter son potager avec le maximum de profit, il faut
donc que le jardinier ou l'amateur connaisse au mieux le sol qu'il cultive.
Pratique des différents moyens pour bien connaître le
sol cultivé.
1° L'aspect du sol :
— les éléments fondamentaux du sol : argile,
silice, humus et calcaire, sont assez apparents et, par un rapide examen du
sol, nous reconnaissons ceux qui font son aspect, son caractère physique. En
outre, ce jaugeage superficiel de la terre se confirme par quelques
observations : l'eau demeure à la surface du sol ou s'infiltre aisément ;
la terre fait croûte ou, au contraire, s'émiette facilement, etc. ...
Mais, comme en toutes choses, l'aspect peut être trompeur,
et il faut alors recourir à l'examen de :
2° La végétation spontanée :
— elle donne des indications précieuses.
En sol argileux croissent les prêles, la chicorée et
l'oseille sauvages, le tussilage ou pas-d'âne, la renoncule, les joncs.
En sol siliceux, le chiendent, la digitale, les
genêts se plaisent fort bien.
En sol calcaire, la présence en abondance des
coquelicots, de la sauge, du mélampyre ou arrête-bœuf, du noyer, de la vigne
qui trouvent un milieu favorable où elles se plaisent ; ce sont des
plantes calcicoles.
En sol humifère, l'oseille sauvage, la bruyère et le
châtaignier prospèrent, ainsi que joncs, carex, iris et osier.
En terre franche : sureau, bleuet, chrysanthème
des champs.
3° L'expérimentation :
— les plantes parlent d'elles-mêmes. Nos pommes de
terre manquent-elles de fleurs ? C'est que l'acide phosphorique est
insuffisant. Le feuillage est-il large, d'une belle coloration verte, foncée
même ? C'est que l'azote est abondant. Nos légumes ont-ils des tiges
manquant de rigidité, les plantes sont-elles flasques et molles ? C'est
que le manque de potasse se fait sentir.
Mais il apparaît pourtant fort rationnel et très utile de compléter
ces indications par l'analyse du sol. Celle-ci n'aura son maximum de valeur que
si, d'abord, l'échantillon a été soigneusement prélevé.
Pratique du prélèvement de l'échantillon de terre.
— On prélèvera un échantillon pour environ deux ares de
jardin en creusant avec une bêche un trou à peu près carré d'environ 50 à 60
centimètres de côté et d'une profondeur dépassant celle de la couche de terre
arable ; puis, sur chacune des quatre faces du trou ainsi aménagé, enlever
à la bêche une légère tranche de terre d'environ 5 à 6 centimètres d'épaisseur
que l'on coupe à la base à l'aide d'un coup de bêche horizontal à la limite de
la terre végétale. Ces quatre tranches sont alors intimement mélangées.
Cette opération est répétée, en raison du manque d'homogénéité
du sol, cinq à six fois en différents endroits du carré de jardin.
L'échantillon final, soumis à l'analyse, sera ainsi pris
dans le mélange soigneusement réalisé des terres des cinq à six tranchées
exécutées.
Envoi de l'échantillon prélevé.
— Il sera placé de préférence dans une boîte de fer en
inscrivant soigneusement le nom, le numéro de prise d'échantillon, lorsqu'il y
en a plusieurs, et la mention sol et parfois sous-sol s'il y a
lieu. L'emballage en papier est à rejeter : d'apparence sèche, la terre,
en réalité, est humide ; d'autre part, au cours de l'expédition, les
échantillons pourraient se mélanger par rupture d'emballage et ainsi fausser
l'analyse. L'échantillon est alors adressé au Laboratoire agricole
départemental ou à la Station agronomique. La Direction départementale des
Services agricoles donnera toutes précisions à ce sujet.
L'analyse proprement dite.
— Elle se fait à un double point de vue physique
et chimique dans le laboratoire spécialement outillé. L'analyse chimique
du sol s'applique aux trois éléments minéraux fondamentaux (azote, phosphore,
potasse) de l'alimentation des plantes. On y ajoute le dosage en carbonate de
chaux ou calcaire, parce que celui-ci exerce une action des plus importantes
sur l'état physique du sol, plus particulièrement sur sa légèreté ou sur sa
compacité, facteurs qui ont une grande influence sur les actions chimiques et
microbiennes dont le sol est le siège.
En général, il est admis qu'une terre est suffisamment riche
lorsqu'elle renferme :
Azote |
1 |
p. 1.000. |
Acide phosphorique |
1 |
= = |
Potasse |
2 |
= = |
Chaux |
50 |
= = |
Magnésie |
1 |
= = |
Interprétation du bulletin d'analyse.
— Pour que l'analyse du sol soit parfaite, il est utile
de prélever également un échantillon du sous-sol. On opère de la même manière :
il suffit de prendre la terre échantillon à 60 centimètres au-dessous de la
couche arable.
Ce qu'il faut retenir (et même exiger si cela n'y figurait
pas), ce n'est point tant la teneur ou richesse en acide phosphorique ou en
potasse bruts qu'assimilables. En outre, si sur le bulletin d'analyse le
carbonate de chaux fait défaut, on demandera au directeur du Laboratoire
d'analyses le dosage de l'acidité, ce qui permet de fixer de façon exacte la
quantité de chaux à apporter au début de l'amélioration du terrain pour
obtenir la neutralité.
De plus, le bulletin d'analyse peut indiquer une quantité
importante d'azote, qui, cependant, peut être insuffisante : ainsi
une terre ayant 0,7 p. 1.000 d'azote peut donner à l'hectare environ 2.000
kilogrammes d'azote, et une bonne récolte exige environ 150 kilogrammes d'azote
pour la même surface. Cette terre ne donnera pourtant pas une bonne récolte.
Ainsi l'analyse du sol est une opération nécessaire et
indispensable pour bien connaître la terre que l'on travaille. Cette
connaissance permettra d'apporter les améliorations nécessaires : amendements,
engrais, de façon rationnelle, alors que, dans la plupart des cas, parce que
non pratiquée, on opère toujours un peu au hasard. Faisons donc analyser la
terre de notre jardin et portons notre attention sur sa teneur en chaux,
exprimée sous la rubrique réaction ou ph du sol. Comme c'est le
renseignement le plus important, le plus indispensable, il fera l'objet d'une
causerie ultérieure.
BOILEAU.
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