Il est évident qu'on peut installer des colonies d'abeilles
n'importe où. Tant qu'il s'agit de deux ou trois, elles arriveront à vivre tant
bien que mal ; mais celui qui veut installer un rucher de rapport, si
modeste soit-il, doit d'abord s'informer exactement de la valeur mellifère du
rayon d'action dans lequel ce dernier évoluera. Il est généralement admis un
vol utile de trois kilomètres, quoique les abeilles puissent faire le double ;
mais plus près seront les sources nectarifères, et plus vite la récolte
augmentera.
Tout le monde comprendra qu'un rucher sera plus prospère et
récoltera beaucoup plus dans une contrée riche en plantes mellifères que dans
les endroits qui en sont dépourvus en partie. Il peut même arriver que les
abeilles ne puissent pas trouver de quoi assurer leur subsistance d'hiver et
doivent être aidées avec du sirop ou du sucre candi. Dans de telles régions, il
vaut mieux laisser les ruches de côté si l'on ne veut pas courir à des
déboires.
Si le climat, l'altitude et la nature du terrain ont une
certaine influence sur la sécrétion du nectar ; la variété et la quantité
de fleurs ont une bien plus grande importance, ainsi d'ailleurs que
l'échelonnement des floraisons. Tel endroit pourra faire vivre et prospérer
cinquante colonies au moins, alors que dans d'autres dix ruches végéteront
misérablement.
Parmi les plantes cultivées, les plus mellifères sont
certaines légumineuses comme le sainfoin d'abord, puis le trèfle incarnat, la
minette, la luzerne, les vesces ; les crucifères : colza, navette,
moutarde. Le sarrasin est la principale source de nectar en Bretagne. Les pois,
carottes, fèves et haricots donnent aussi un appoint. Peu de fleurs de jardin
sont intéressantes pour l'apiculteur ; on peut citer cependant l'aster,
l'asclépiade, l'héliotrope, le phacélia, le tournesol, la glycine et la vigne
vierge. En principe, il ne faut pas compter là-dessus pour avoir une bonne
récolte.
Les arbres et arbustes sont plus productifs, notamment le
tilleul, qui est très visité, le robinier ou faux acacia, le marronnier, les
arbres fruitiers : cerisier, amandier, abricotier, pommier, prunier. Le
châtaignier donne un miel abondant, mais amer et foncé. Les pins et sapins sont
mellifères et font le bonheur des apiculteurs vosgiens.
Beaucoup de plantes naturelles sont également recherchées
par les abeilles : la bruyère, la lavande, la bourrache, le serpolet, le
pissenlit, le romarin, le lavandin, le thym, la ronce, le mélilot, la
centaurée, la vipérine, les chardons, le lierre, la sauge des prés, etc.
Certains arbres produisent ce que l'on appelle le miellat,
qui est d'un bon appoint dans les contrées boisées. C'est une sorte
d'exsudation des feuilles. Elle se trouve sur le chêne, le peuplier, le
bouleau, le frêne, le tilleul, l'épine-vinette.
Sur une partie des plantes citées plus haut comme
mellifères, les abeilles récoltent du pollen, aussi indispensable pour elles
que le nectar ; elles en trouvent, de plus, sur le noisetier, le bouleau,
le maïs.
La propolis, sorte de mastic très parfumé, de couleur
rougeâtre, est récoltée sur les bourgeons de certains arbres, notamment sur le
bouleau et le marronnier. Les abeilles s'en servent pour boucher les trous et
fentes de leur ruche et pour en vernir l'intérieur,
Les terrains de grande culture de céréales, de betteraves et
de vignobles ne sont pas propices à l'apiculture ; les prairies naturelles
le sont très peu.
Celui qui exploite un domaine en même temps que les abeilles
a la possibilité d'augmenter la récolte de ses butineuses en semant de
préférence des plantes mellifères : sainfoin, lotier. Ceux qui n'ont pas
cet avantage doivent se montrer plus exigeants dans le choix du terrain où le
rucher sera installé. Il vaut mieux avoir ses colonies un peu éloignées, dans
un endroit mellifère, plutôt que les installer à proximité de sa demeure et les
voir végéter.
Si vous n'êtes pas sûrs de déterminer la valeur d'une région
donnée, un moyen un peu long, mais efficace, est d'installer des ruches à
divers endroits si vous le pouvez. Les différences de récolte vous indiqueront
facilement le lieu où vous pouvez augmenter le nombre de colonies.
Il est très utile aussi de connaître les époques de
floraison des plantes mellifères dominantes de manière à savoir la date de la
grande miellée et pouvoir profiter de deux récoltes si les dates sont assez
espacées entre deux endroits différents en déménageant les colonies au moment
voulu. Un bon moyen de connaître le début de la miellée est de placer une ruche
sur bascule ; l'augmentation de poids indique de façon certaine que la
récolte est en cours et ceci sans avoir à déranger les abeilles par une visite
des cadres.
La connaissance des dates de miellée est précieuse à
connaître, car il faut s'ingénier à avoir ses colonies prêtes pour cette
époque-là, même par un nourrissement stimulant si cela est nécessaire et pour
la pose des hausses dans les ruches à agrandissement vertical.
Dans le Midi, dès février-mars, le romarin fournit un miel
abondant ; puis un peu partout, en mars-avril, ce sont les arbres
fruitiers, en commençant par l'amandier, l'abricotier, le cerisier ; un
peu plus tard, le pommier et le prunier.
En mai, c'est la grande miellée avec sainfoin, trèfle,
mélilot, luzerne, colza, marronnier, acacia. Le mois de juin est aussi la
grande saison, car aux fourrages déjà cités viennent s'ajouter le tilleul et le
châtaignier, puis les bruyères, la lavande et le lavandin en juillet-août.
Quelques plantes sont très intéressantes étant donné la
durée de la floraison : la vesce fleurit d'avril à août ; le
pissenlit et la moutarde, une bonne partie du printemps et de l'été. Le
sarrasin donne tout l'été jusqu'en octobre, grâce à sa floraison échelonnée.
Roger GUILHOU,
Expert apicole.
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