La crainte des piqûres éloigne beaucoup de personnes de
l'élevage des abeilles. S'il est vrai que, dans des cas très rares, une ou
plusieurs piqûres peuvent amener des troubles graves et même la mort, il ne
faut pas en conclure que la pratique de l'apiculture réclame un héroïsme
constant ; il y aurait bien moins d'éleveurs d'abeilles s'il en était ainsi. Tout
au plus peut-on conseiller aux personnes atteintes de troubles cardiaques de
prendre des précautions spéciales.
Dans la généralité des cas, une piqûre d'abeille ne provoque
qu'une simple réaction locale, pénible certes, surtout la première fois, avec sensation
de brûlure et un peu d'enflure. Le lendemain, la douleur est remplacée par des
démangeaisons, puis tout rentre dans l'ordre. Par la suite, si d'autres piqûres
suivent à peu d'intervalle, le corps s'habitue peu à peu et il n'y a plus de
réaction, le sujet est immunisé.
Par contre, en restant quelque temps après avoir reçu une
seule piqûre, l'organisme, au contraire, peut être sensibilisé et, par la
suite, le venin d'une ou plusieurs abeilles peut provoquer un choc avec
réactions générales : urticaire, fièvre, abaissement de la tension artérielle, syncope,
etc.
Le venin d'abeilles est comparable à celui .de la vipère ; nous
citerons pour preuve les expériences d'un savant qui administra une certaine
dose de venin d'abeilles en injections fractionnées sur des animaux, qui
résistèrent ensuite à une dose massive de venin de vipère plusieurs fois
mortelle normalement.
Seules les ouvrières ont un dard ; les mâles en sont
dépourvus ; celui de la reine est courbe ; cette dernière ne tire le glaive que
contre une autre reine et ne pique pas l’homme.
L'appareil venimeux de l'abeille est constitué par deux
glandes, dont la plus importante élabore un liquide acide et l'autre alcalin.
Des canaux relient ces glandes à la base de l'aiguillon, qui est l'appareil
inoculateur.
Pour piquer, l'abeille enfonce le dard ; des muscles
compriment les glandes, le mélange des deux liquides s'opère et constitue le venin
qui est injecté. L'aiguillon comportant des crochets, il est difficile à l’abeille
de le retirer rapidement ; aussi, très souvent, en cherchant à fuir, abandonne-t-elle
tout son appareil venimeux. Il faut alors l'enlever immédiatement, les glandes
continuant à se contracter tant qu'elles contiennent du venin. Procéder avec des
petites pinces, une allumette appointée ou le bout des ongles, en évitant de
comprimer les doses à venin pour ne pas augmenter la dose déjà injectée.
L'ouvrière, privée de son aiguillon, ne tarde pas à succomber.
Contrairement à ce que pensent beaucoup de gens, les abilles
ne sont pas des bêtes féroces, mais, au contraire, plutôt pacifiques. Il faut
les traiter avec douceur et rester calme en leur présence. Elles ne reconnaissent
pas leur maître, comme le disent certains, mais la façon de les manier.
Lorsque vous approchez une ruche, faites en sorte que ce
soit l’esprit tranquille, sans appréhension, avec confiance ; vous éviterez
ainsi toute brusquerie inutile et une riposte immédiate et justifiée. Ne
brutalisez jamais vos abeilles et elles n'auront aucune raison de vouloir vous
attaquer, car, si elles piquent, c'est uniquement pour défendre leur colonie,
qu'elles croient en danger. Loin de sa .ruche, l'abeille est inoffensive, par
exemple lorsqu'elle butine.
Certaines odeurs les irritent : parfums, sueur, mauvaise
haleine, c'est ce qui explique que des personnes sont plus facilement piquées
que d'autres. L'odeur des chevaux en sueur a le don de les mettre en furie.
Au rucher, il faut éviter les imprudences, qui peuvent
provoquer un pillage des ruches entre elles, car alors tout le voisinage participe
à une généreuse distribution de piqûres.
L'humeur des abeilles est très variable ; si le .temps est
beau et que la miellée donne, il n'y a rien à craindre, les ruches peuvent être
ouvertes, personne ne se met en colère, d'autant plus que les vieilles
ouvrières, qui sont les plus irascibles, sont trop occupées à la récolte.
Par contre, lorsque le temps est orageux ou que la miellée
est nulle, il est nécessaire de prendre des précautions ; c'est alors qu'un
voile sera utile pour se protéger le visage. Celui qui craint les piqûres peut
aussi mettre des gants spéciaux, et le bas des pantalons sera attaché .ou enfilé
dans les chaussettes.
La seule chose vraiment efficace pour empêcher les abeilles
d'être irritées est de les mettre en bruissement à l'aide de la fumée. On
utilise pour cela ;un enfumoir dans lequel on fait brûler du carton ondulé, de
la toile de sac, ou tout autre combustible. Un apiculteur sachant manier l’enfumoir
est toujours maître de la situation. Une fumée épaisse et froide a un effet
sédatif ; si elle brûle les abeilles, elle les irrite au lieu de les calmer.
Il en faut ni trop, ni trop peu ; c'est une question d'habitude.
Avant de procéder à toute visite, on peut s'enduire les
mains d’essence de térébenthine, cette odeur enlève aux abeilles l’envie de
piquer. Si votre peau ne supporte pas ce produit, se frotter les mains avec du
citron, de la mélisse ou de la menthe.
Lorsqu'on est au rucher, faire en sorte de ne jamais passer
devant le trou de vol, pour ne pas être a la vue des gardiennes, et s'abstenir
de cogner les ruches. Autant que possible, porter des vêtements en tissu végétal,
comme le coton ; éviter la laine.
Si, par hasard, vous êtes piqué, éloignez-vous doucement,
car l'odeur du venin attire d'autres piqûres. Vous avez alors le choix entre de
nombreux remèdes : ammoniaque, liquide de Bonain, teinture d’iode, oignon cru
coupé en deux. Bien entendu, enlever le dard au préalable.
Voici un remède de bonne femme qui nous fut enseigné par un
médecin, si bizarre que cela paraisse : recueillir un peu de cérumen dans
l'oreille avec une allumette et un coin de mouchoir, l'appliquer sur la piqûre
et masser ; la douleur cesse et il n'y a pas d'enflure ; voilà un médicament
toujours prêt, s'il ne vous répugne pas, il est, paraît-il, très efficace.
Pour les piqûres graves, avec réaction générale, injection
sous la peau d'un milligramme de chlorhydrate d'adrénaline. On utilise aussi la
grande bardane en écrasant deux où trois tiges dans un demi-litre de lait ;
faire boire ce jus au malade, lequel ne devra rien manger de salé pendant deux
jours. Pour en avoir d'avance, plier des tiges de grande bardane avec de
l'eau-de-vie, poids pour poids ; quelques jours après, enlever les tiges et
mettre en bouteille. S'emploie à la dose d'une cuillerée à bouche dans un bol
de lait.
Tout le monde sait que le venin d'abeilles possède des
propriétés thérapeutiques. Il apporte presque toujours un soulagement et, souvent,
la guérison dans les arthrites, névralgies rhumatismales, rhumatismes musculaires.
C'est ainsi que le malheur des uns peut faire, quelquefois, le bonheur des
autres.
Roger Guilhou,
Expert apicole.
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