Le maïs est à l'ordre du jour ; sans entrer dans des
détails qui feront l'objet d'une autre chronique, signalons que la France ne
produit pas tout le maïs dont elle aurait besoin, que les débouchés peuvent
être augmentés, soit en vue de préparations industrielles, soit pour
l'alimentation des animaux ; enfin des méthodes nouvelles permettent
d'accroître sérieusement les rendements, de sorte que, sur le plan économique,
l'intérêt du maïs est évident.
Au point de vue qui nous occupe aujourd'hui, le maïs
constitue une excellente plante sarclée. On le sème relativement tard au
printemps ; il est possible de mettre la terre en état ; il est donc
plus facile à défendre au début de la végétation que les betteraves et que les
pommes de terre. Le maïs reçoit une fumure organique de tête d'assolement, et,
pendant la végétation, le nettoyage est aisé grâce aux grands écartements,
quelquefois même très grands ; tous les instruments d'entretien circulent
avec facilité. Sur les rangs, la défense est commode ; le feuillage
abondant contribue à maintenir un milieu propre. Jusqu'à présent, des avantages
sérieux. On comprend ainsi qu'aux régions traditionnelles de culture du maïs
tendent à s'en ajouter d'autres ; certains songent même à le substituer à
quelques plantes sarclées classiques, même à la betterave industrielle.
Dans ce dernier cas, en particulier, quels avantages
trouverait-on à cultiver du maïs pour le grain au nord de Paris ? Des
variétés à grand rendement ont été créées ; la production élevée et un
prix convenable engagent les agriculteurs dans une voie qui dégagerait une
certaine étendue de betteraves si celles-ci devaient subir un contingentement
accentué, être brimées par le prix calculé sur des bases mouvantes, de colza en
cas de réduction du prix de vente, de pommes de terre encombrant le marché.
Mais des conditions primordiales s'imposent : la
récolte du maïs demande un machinisme approprié, bien que certains envisagent
de lancer les moissonneuses-batteuses à l'assaut de plantes qui ne ressemblent
pas du tout au blé, bien que la moissonneuse-batteuse apparaisse comme une
machine très souple. Un point plus grave, c'est le degré de siccité — pourquoi
ne pas dire d'humidité ? — au moment de la récolte, qui peut coïncider
avec celle des betteraves. Il faut prévoir le séchage par des moyens simples.
Enfin des inconnues : l'état physique du sol, son état chimique.
Physiquement, une terre sortant de maïs ne ressemble pas du tout à une terre
que quitte la betterave ; système radiculaire très différent, pas
d'ébranlement local résultant de la sortie des racines. Rien de comparable non
plus avec une terre sortant de pommes de terre. Il y a encombrement par les
souches, pas de feuilles à enfouir, quelques feuilles séchées, mais les tiges
peuvent être enfouies au disque.
Chimiquement, enlèvement total : le maïs, plante à
grand développement, très exigeant dans la première partie de sa végétation,
devant organiser une sorte de masse de plantes, tiges, feuilles, épis, surtout
avec les maïs à rendements élevés tels qu'on envisage d'en cultiver. Il faut de
fortes avances pour le maïs et ne pas compter sur grand chose ensuite. Donc si,
au point de vue plante sarclée, le maïs nous intéresse, il faut songer vivement
aux exigences de toutes sortes et ne pas aller à l'aventure, sinon des déboires
en résulteraient.
La pomme de terre est fréquemment un précédent du blé ;
les uns l'apprécient, les autres la redoutent. Rien à dire en pommes de terre
hâtives, débarrassant le champ de bonne heure ; maintenant, lorsqu'on parle
de pommes de terre hâtives, il faut également considérer les pommes de terre
cultivées pour le plant ; le brûlage des fanes atteint en même temps les
mauvaises herbes qui auraient pu naître, mais ne pas oublier que, si la
négligence s'en mêle — et c'est si facile au moment de la moisson — des pluies
peuvent survenir, et bientôt le champ est sale ; on l'a vu maintes fois au
cours de l'automne dernier ou même de la fin de l'été. Dans quel état est la
terre : physiquement, très divisée, effritée à tel point que, si le sol
est propre, il est inutile d'y mettre la charrue ; le canadien ou le
scarificateur suffit. Même avec cette précaution, l'extraction des pommes de
terre provoque une grande division de la couche superficielle, et l'on remarque
que fréquemment le blé a du mal à s'accrocher.
Chimiquement, aucun déchet à enfouir ; ne pas craindre
de mettre une dose assez importante d'engrais assimilables et même d'engrais
azotés. Moyennant ces précautions, on peut réussir des blés à grand rendement
après pommes de terre, et un blé exigeant comme Yga aime ce milieu.
Les plantes oléagineuses appartiennent encore au groupe des
plantes sarclées, et la plus importante de toutes, le colza, a pris place dans
les bonnes terres bien cultivées. Incontestablement le colza est un bon
précédent. On peut retenir une vieille formule datant de la prospérité du colza
dans le pays de Caux : le colza est un « bon compost » (un bon
précédent) pour le blé. On a modifié les procédés de culture pour le colza ;
il ne s'agit plus de ces plantes repiquées, au développement puissant et dont
les « jambes » rappelaient — curiosité dans l'identité des
expressions — les « jambes » du maïs dans le pays toulousain. Les
colzas actuels, qui sont semés sur place et en lignes rapprochées, ont des
tiges moins fortes dont a facilement raison la moissonneuse-batteuse, mais,
pour obtenir une forte récolte de colza, il faut montrer une générosité qui
rappelle celle dont la betterave se montre reconnaissante. Toutefois, il ne
s'agit pas de restitution : à peine les feuilles desséchées qui se
détachent des tiges ; on se débarrasse des siliques et des tiges par
l'incendie ; la base même des plantes est brûlée. Alors il faut savoir
asseoir une bonne fumure pour le blé, moyennant quoi le colza reste un bon « compost ».
Ainsi, sans parler d'autres cultures sarclées au rôle peu
important, on voit combien il est intéressant d'apprécier la manière dont ces
plantes diverses se comporteront pour la bonne culture du sol. Si l'on se
contentait d'exploiter au plus rapide, peu importerait : une avance en
engrais, même constituée par des engrais minéraux, un état physique convenable,
un résultat, des tonnes, des quintaux, un prix et après ... Il faut réviser
cette notion de la culture annuelle, rester fidèle à l'assolement et ne pas
perdre de vue les bienfaits que constitue une succession raisonnée des
cultures.
C'est sur un ensemble, sur une mosaïque bien établie, même
aux tons peu variés mais bien placés, qu'il faut continuer à juger un
cultivateur qui ne se considère pas comme un obnubilé auréolé par ... le
nouveau louis. Celui-ci n'a ni l'image, ni le son de l'ancien ; illusions
qu'il faut dissiper à jamais diront certains. Au temps des chemins de fer
naissants, grâce à l'épargne et aux louis d'or, l'histoire ne s'écrivait pas de
la même façon sur les tablettes. Avait-on raison ? Avons-nous tort ?
L. BRÉTIGNIÈRE,
Ingénieur agricole.
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