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Les îles Saint-pierre-et-Miquelon

L'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon comprend trois îles principales : Saint-Pierre, Langlade, et Miquelon. Une dizaine d’îlots, des rochers, des écueils entourent le groupe et rendent la navigation dangereuse.

Cet archipel est situé dans l’océan Atlantique, entre 46° 45’ et 47° 10' de latitude nord et 56° 25' de longitude ouest de Greenwich, soit à six lieues de la côte sud de Terre-Neuve. Sa superficie totale est de 242 kilomètres carrés (26 pour Saint-Pierre, 216 pour Langlade). Ces îles sont les sommets émergés d'un banc sous-marin appelé « banc de Miquelon ». Les autres îles ont noms : l'Ile aux Marins (autrefois l'Ile aux Chiens), le Grand et le Petit Colombier, l'Ile aux Vainqueurs, l'Ile aux Moules, l'Ile du Massacre et l’Ile des Pigeons.

Trois agglomérations abritent la population : la ville de Saint-Pierre, le bourg de Miquelon et l'Ile aux Marins. Langlade ne contient que des fermes isolées.

Les récents travaux de M. E. Aubert de La Rue établissent que ces îles font parties de l'ancienne chaîne des Apalaches ; les terrains affleurant sont très anciens. Il y a des formations cambriennes ; certaines autres, non fossilifères, sont peut-être précambriennes. Le terrain est fortement bouleversé par de nombreuses cassures.

Saint-Pierre et les îlots qui l'avoisinent sont d’origine volcanique avec épanchements de laves très acides. L’archipel tout entier porte la marque d'une glaciation ancienne.

On peut noter le fer abondant, au Colombier ; on trouve une hématite rouge dont la teneur en fer, de très bonne qualité, varie de 55,85 à 63,05 p. 100. On trouve aussi du minerai de fer magnétique, du fer titané et des pyrites de fer. Du cuivre en de nombreux points à l'état sporadique. De nombreux indices d'autres métaux, mais sas intérêt économique. Seul le fer mérite de retenir l'attention.

La tourbe de bonne qualité abonde, mais les habitants ne veulent pas l'utiliser et préfèrent du bois rare et du charbon cher. Les carrières de pierre, ardoise et argile ne sont pas utilisées. Les maisons, bien aménagées, sont en bois.

L'île Saint-Pierre est la plus méridionale ; c'est la plus petite des trois îles principales, mais la plus importante ; sa forme est triangulaire : 8 kilomètres du nord-est au sud-ouest, et 7 kilomètres de l'ouest à l'est. Le nord est très tourmenté. L'altitude la plus élevée au centre atteint 200 mètres. Les sommets dénudés portent par places, sur leurs flancs, des forêts naines, dans les dépressions des tourbières et des étangs profonds. Une seule route va de Saint-Pierre à l'anse à Pierre.

La ville de Saint-Pierre est dans une échancrure de la côte est ; elle est bien abritée. Les petites maisons de bois peintes de couleurs variées s'étendent sur les pentes dominant le Barachois (port) au sud-ouest. Deux jetées protègent le port. La ville, avec 3.500 habitants, s'étend sur un front de mer de 1.500 mètres ; une soixantaine de rues très étroites, perpendiculaires à la côte, sont pavées de cailloux. Sauf au centre, les maisons sont entourées de jardins.

L’Ile aux Marins a 1.600 mètres sur 650. Les habitants ont aménagé des graves pour le séchage de la morue ; ils cultivent aussi des jardins. Il n'y a pas d'arbre dans l’île.

Depuis 1760, la dune de Langlade a réuni Langlade et Miquelon. Plusieurs fermes prospères existent dans l'isthme.

C'est à Langlade que la forêt est la plus dense ; dans la plupart des versants des vallées, sur les flancs des montagnes et les escarpements du littoral, les arbres atteignent de 10 à 12 mètres ; ce sont des sapins blancs et sapins tranards, pins résineux et pins gris, bois de violon, bouleaux, aulnes, érables, noisetiers. Le sous-bois est humide et tourbeux, avec des mousses, des fougères. Un peu partout, des lambeaux de forêt naine de 1 à 3 mètres.

Faune. — De nombreux oiseaux de mer migrateurs : les bernaches, les outardes, les bécassines, des courlieux, hirondelles de mer, maubèches et ortolans. Parmi les oiseaux sédentaires : les bouvreuils, les corbeaux, les buses, les faux-mouchets, les merles rouges, les perdrix des neiges. Puis des mammifères, quelques renards (roux en été, blancs en hiver), des rats, des souris, des lièvres. Dans les eaux, des truites, des saumons, des anguilles, des éperlans ; dans l’air, de nombreux moustiques.

Histoire. — Dès le XIe siècle, des marins pêcheurs Scandinaves fréquentent les bancs ; puis au XIVe siècle arrivent les Basques; les Normands et Bretons dès le début du XVIe siècle. Jacques Cartier y vient en 1536. Le premier établissement fixe des pêcheurs français date de 1604. Dans le courant du XVIIIe siècle, les Anglais les détruisirent et s’emparèrent de l’archipel à trois reprises, mais les habitants revinrent toujours reconstruire leurs habitations. La dernière libération des îles Saint-Pierre-et-Miquelon date du 25 mai 1816.

Lors de la guerre de 1914-1918, l'archipel fit un effort considérable : plus d'un millier d'hommes vinrent aux armées, et 110 forent tués à l'ennemi.

Le 24 décembre 1941, la Division navale de la France libre ,se présenta à Saint-Pierre. La population, à une énorme majorité, se rallia à la France libre, et beaucoup d'hommes embarquèrent comme matelots sur les navires de guerre français.

Population. — Le fond de la population est basque, avec une forte proportion de Normands et de Bretons. Le chiffre de la population est pratiquement stationnaire autour de 4.750 habitants. On compte un peu plus de 300 étrangers, surtout des Terre-Neuviens, des Américains, Canadiens et Anglais. Ils sont utilisés dans les fermes de Langlade et Miquelon ; beaucoup de femmes, comme bonnes et cuisinières, dans les familles. En 1950, Saint-Pierre compte 1712 habitants.

Le climat de l'archipel est très sain et l'indice de mortalité est moins élevé que dans la métropole. Le froid n'est pas plus vif que dans le Jura et les Vosges. La brume est plus épaisse que la célèbre « purée de pois » de Londres. Le thermomètre descend rarement au-dessous de -15° et monte à +20°, parfois à +22° et + 25°.

Les ressources alimentaires sont modestes, mais variées ; tous les légumes de France viennent dans les jardins ; les animaux de ferme et basse-cour s'acclimatent bien. L'agriculture pourrait être développée, des cultures maraîchères intensives seraient lucratives pour les fermes de Miquelon et Langlade.

La morue fraîche ou légèrement salée est à la base de l'alimentation et aussi, selon les époques : l'églefin, le capelan, les harengs, crabes, oursins, moules et coquillages, ainsi que les saumons, truites, éperlans et anguilles.

Industrie. — La principale industrie est la pêche. Nous ne traiterons pas de la grande pêche pratiquée sur les bancs par les chalutiers étrangers à l'archipel, mais de la petite pêche faite par les doris et warys de Saint-Pierre. (Ce sont des embarcations à fond plat, non pontées, longues de 6 à 7 mètres, construites sur place et pourvues d'un moteur de 3 à 4 CV d'origine américaine, montées par deux hommes péchant à la ligne à main.) En rentrant au port, les morues sont ouvertes, les têtes sont coupées, l'épine dorsale est enlevée, le poisson est lavé à l'eau de mer et porté aux saleries qui se chargent du séchage. Les foies servent à faire l'huile de foie de morue. Une société vient d'être créée pour reprendre l'utilisation frigorifique de Saint-Pierre, édifié en 1920.

L'églefin pourrait être fumé pour faire du haddock. Le flétan pourrait être mis en conserve dans le genre du thon.

Une scierie existe à Saint-Pierre.

Depuis 1934, l'élevage du renard argenté donne de bons résultats aux éleveurs qui s'y adonnent.

L'archipel est une terre rêvée pour le tourisme.; de juillet à octobre, des centaines de Canadiens et d'Américains viennent, et cependant rien .n’est préparé pour les recevoir ;

pas un hôtel important à Saint-Pierre, pas un chalet confortable à Miquelon et Langlade.

II existe deux banques privées dans le territoire. La monnaie est le franc C. F. A., qui vaut actuellement le double du franc métropolitain.

Communications. — On va du Havre à New York par la Compagnie générale transatlantique, puis par paquebots ou chemin de fer à Halifax, et enfin par navire de la flotte administrative (le Miquelon), assurant la liaison avec Saint-Pierre, en trente heures, du 1er janvier au 30 avril.

A partir du 1er mai, les départs ont lieu as North-Sideney (traversée, 15 heures). Liaison aérienne sans horaire fixe entre North-Sideney et .Saint-Pierre (1 heure).

De Paris à Gander (Terre-Neuve) par avion (Air-France), puis de Gander à Saint-Pierre par avion ou bateau.

Victor Tillinac

Le Chasseur Français N°647 Janvier 1951 Page 54