La bicyclette à moteur auxiliaire est en passe de révolutionner
le cyclisme. Dans un sens favorable. Car il est bien certain que ce petit bout
de moteur mécanique, venant au secours du moteur humain, apportera une clientèle
nouvelle à la bicyclette.
Reste à savoir dans quelles conditions et dans quelles
proportions le vélo nu se tirera d'affaire.
II est difficile de le préciser.
C'est que, voyez-vous, la bicyclette à moteur auxiliaire a
fait son entrée dans la compétition. En cyclo-cross d'abord ; ce qui n'est
qu'un prologue à la course sur route.
Et dès la première compétition hivernale, gagnée par Robert Oubron,
champion professionnel consommé, battant un autre coureur, très loin devant une
multitude d'utilisateurs parfois plus mécaniciens qu'athlètes, dès cette « première »,
dis-je, la preuve a été faite que le muscle était, tout de même, l'atout
majeur.
Aucune confusion donc entre le vélo à moteur auxiliaire et
la motocyclette, très différents l'un de l'autre.
La voie est dorénavant ouverte aux courses de B. M. A. (1), aux
ville à ville, peut-être, bientôt aux championnats.
Le dérailleur avait déjà beaucoup contribué à égaliser les
valeurs.
Le moteur auxiliaire va-t-il aider à la création d'une sorte
de catégorie de coureurs plus rapides ?
Il faut laisser venir à nous les événements sportifs de 1951
pour en juger.
Toujours est-il que les pouvoirs cyclistes sportifs ont
adopté la bicyclette à moteur auxiliaire, rejetée d'ailleurs par les pouvoirs cyclo-touristes.
Ces derniers ont eu tort, car le touriste a le droit de rechercher l'économie
dans l'effort physique, ses capacités n'étant pas nécessairement de premier
ordre.
En dehors du coureur, du sportif et du touriste,
l'utilisateur professionnel (appelons-le : utilitaire) sera le meilleur
client de l'engin nouveau du demi-siècle.
Quant à la femme, on pourrait croire qu'il a surtout, et
d'abord, été créé pour elle. Et il est nombre de messieurs qui pourront ainsi
ne pas renoncer à pédaler, par leurs seuls moyens musculaires, en payant à leur
femme une B. M. A.
Une conclusion vient à notre esprit, à savoir que, tous
comptes faits, la bicyclette sans moteur auxiliaire et celle en comportant un
vont se compléter et ouvrir à l'industrie un champ d'action d'autant plus
illimité que la motocyclette ordinaire ne va pas tellement plus vite que la B.
M. A. ; que l'automobile demeure trop chère et trop longue à être livrée.
Je ne suis un maniaque ni de la clef anglaise, ni de la
bougie, ni de la carburation, mais j'ai, depuis longtemps, considéré que
l'avenir, dans la bicyclette à moteur auxiliaire, appartient aux modèles qui
sauront demeurer simples, pratiques, confortables et parfaitement maniables.
La simplicité s'explique d'elle-même par la suppression de
tout tuyau, câble, pédale ou cadran superflu.
Le côté pratique conditionne la possibilité d'installation
d'un porte-bagages sérieux et d'un carter de propreté.
Le confort résulte du rapport, bien connu, entre les
classiques points : guidon, selle, pédalier, entr'axes avant et arrière.
Pas d'hésitation. Se rapprocher le plus possible de la bicyclette ordinaire
avec guidon un peu plus relevé et selle un peu plus portée vers l'arrière.
Quant à la maniabilité (outre que le gabarit entrera en
ligne de compte), elle sera le fruit d'un travail approprié dans la meilleure
installation de l'organe moteur et du réservoir.
Cette étude surprendra peut-être ceux qui n'ignorent rien du
fanatisme qui guide ma vie cycliste, basée sur l'effort physique, seule source
de santé, de joie et de plaisir. Mais les faits sont là, qui ont prouvé que la
B. M. A. avait besoin, à la fois, de muscle et d'essence ... et que ceux
qui l'utilisaient en roue libre constante la conduisaient à une mort certaine.
La compétition est un formidable banc d'essai. Et, dans ce domaine,
nous ne sommes pas au bout de nos surprises ...
Je rédige le présent article au sortir de la plus curieuse
marche nocturne en montagne qui soit : Roanne-Thiers (que je conterai
bientôt aux lecteurs du Chasseur Français) ; de telle sorte que
l'euphorie du pédestrian m'accapare encore.
Et je songe que l'homme n'est pas aussi facilement
assimilable que l'on croit aux perfectionnements mécaniques qui échappent à une
mode. Ne considérons que le mépris à peu près absolu témoigné par « celui
qui va « t » à pied » au ... patin à roulettes. Or
n'améliorerait-il point, dans de notables proportions, sa progression lente ?
Entre deux villages par bonne route (la plupart des nôtres
le sont), du domicile au magasin, à l'usine, au bureau, les roulettes
épargneraient beaucoup les semelles et offriraient du temps à leurs
utilisateurs.
Ce serait trop simple ...
Peut-être manque-t-il aux patins à roulettes ce petit bruit moteur
si nécessaire à l'équilibre cérébral de l'homme moderne, qui ne sait plus
digérer sans un « fond », même confus.
Alors l’avenir de la bicyclette à moteur est assuré ...,
elle qui ronronne, tousse un brin et crachote agréablement.
René CHESAL.
(1) Lisez : Bicyclette à moteur auxiliaire.
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