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Camping

Le problème des terrains

Dès le mois prochain, avec le printemps, le camping va reprendre une activité que les mois d'hiver avaient mise en sommeil, tout au moins pour la grande masse des pratiquants du camping. Et bientôt va se reposer un problème qui, l'an dernier, s'était déjà posé d'une manière assez aiguë : celui des terrains. Certes, il y a vingt ans, lorsque nous randonnions dans tous les coins de la France, on nous aurait parlé de cela que nous aurions ouvert tout grands des yeux remplis d'étonnement. A cette époque, il n'y avait, en effet qu'à choisir, et, le choix fait, bien souvent il ne restait qu'à s'installer ... Il y avait des quantités de terrains libres, et, si le terrain en vue était la propriété d'un fermier voisin, une simple visite arrangeait aussitôt les choses ...

Le développement énorme du camping, ces dernières années, a complètement changé la question ...

Bien sûr, il y a encore en France des quantités de régions où il est possible de s'installer comme au bon vieux temps, et l'an dernier encore j'ai campé en famille, dans une région magnifique où l'on n'avait jamais vu de campeur. Inutile de dire que l'accueil fut cordial et digne de la vieille hospitalité de nos provinces françaises ...

Alors — me direz-vous — où se trouve le problème dont vous me parlez s'il est encore si facile de trouver l'endroit rêvé ?

Pour répondre à cela, il faut considérer deux choses.

Tout d'abord, ainsi que je le disais dans ma chronique de décembre, il n'y a pas que des « campeurs », mais une immense quantité de personnes qui « font du camping » à l'occasion des vacances. Les désirs des deux catégories sont totalement différents.

Le vrai campeur est, dans la plupart des cas, resté un randonneur. Qu'il pratique cette randonnée à pied, à vélo, en canoé ou même en auto, il recherchera un petit coin pour y passer la nuit et repartir le lendemain. Mais, même s'il délaisse la randonnée sur le camp fixe, tout vrai campeur recherche la solitude au milieu de la nature. Son choix sera donc facilité grandement, et à tel point qu'il n'y aura plus guère pour lui de difficultés à trouver le site idéal.

Mais le problème se corse et devient difficile :

    1° Si l'amateur de camping désire un emplacement pour y séjourner toutes ses vacances.

    2° S'il veut camper dans les centres touristiques réputés.

Et c'est un fait que la plupart des néophytes veulent camper là où ils auraient, en des temps moins coûteux, loué une chambre ou une villa ... J'avoue que je ne comprends pas que l'on puisse trouver un plaisir à camper à Deauville, à Cabourg, à Dinard ou à La Baule ... alors qu'à quelques kilomètres se trouvent bien souvent des zones de « calme » et de relative solitude.

II est une contrée, toutefois, où ce « calme » et cette relative solitude est dorénavant impossible à trouver ou presque : c'est la côte méditerranéenne, de Marseille à Menton ... Car, par suite de l'attrait de son climat et la quasi-certitude du beau temps, c'est l'endroit où se précipitent, chaque été, pratiquants du camping de vacances et même vieux campeurs attirés par le beau soleil du Midi ... Ajoutons que chacun veut être le plus près possible de l'eau, et l'on assiste, depuis quelques années, à un entassement effroyable sur une bande côtière de 200 ou 3.000 mètres de profondeur au grand maximum ...

Que cela ait posé le problème des terrains de camping, qui pourrait s'en étonner ?

Nous avons, quant à nous, prévu qu'il se poserait dès avant la guerre et avions proposé déjà des solutions aux services compétents du ministère des Loisirs.

La guerre est arrivée, puis l'après-guerre ... et presque tout reste à faire dans ce domaine ...

Mais revenons un peu en arrière et examinons quels sont les terrains qui s'offrent encore à l'heure actuelle aux campeurs.

Il y a encore en de nombreux endroits des terrains libres, généralement communaux, difficiles d'accès, éloignés de toutes agglomérations, sans aucune culture ... Ils se trouvent presque tous en des régions montagneuses. Certaines friches très sauvages peuvent, d'autre part, être assimilées à ces terrains, sur lesquelles aucune autorisation n'est à demander, surtout, bien entendu, pour le randonneur ...

Les terrains d'usage, assez semblables aux précédents, mais qui ont un propriétaire connu (commune ou particulier), tendent à disparaître de plus en plus. C'étaient des terrains tolérés sur lesquels l'autorisation tacite était évidemment précaire.

Ensuite, vient la catégorie des terrains autorisés, qui prend de plus en plus d'extension.

A l'intérieur de cette catégorie, il faut distinguer plusieurs sortes de terrains.

Les terrains de forêts domaniales. — Rendons à ce sujet hommage à la grande administration des Eaux et Forêts auprès de qui les campeurs ont depuis toujours rencontré la plus aimable compréhension. Si les vieux campeurs savent qu'il est possible de camper auprès de chaque maison forestière — à la condition, toutefois, de présenter au garde la licence-assurance fédérale, — beaucoup de néophytes ignorent ce gros avantage réservé aux membres des associations de camping. Le règlement prévoit le dépôt de la licence chez le garde jusqu'au moment du départ. Aucun feu de bois, d'autre part, ne doit être allumé, à moins d'une permission spéciale du garde forestier, qui indiquera l'endroit autorisé pour y installer un feu (feu de cuisine, ou feu de camp).

Terrains communaux ou de syndicats d'initiative. — Inexistants pour ainsi dire avant la guerre, cette sorte de terrain s'accroît depuis quelques années de manière continue. Il y a lieu de s'en réjouir ou de s'en désoler. Cela dépend avec quel esprit la création de tels camps a été décidée. Certaines municipalités, certains syndicats d'initiative — les plus nombreux — ont compris l'importance de la nouvelle forme de tourisme populaire qu'est le camping et les avantages que le commerce local pouvait en retirer, et la création du camp est faite dans une ambiance sympathique. Le camp est bien aménagé, la taxe qui y est perçue est raisonnable, et tout le monde est content (1).

Hélas ! dans certaines autres localités, la création d'un terrain de camping est plutôt une mesure contre les campeurs. Il s'agit non pas de les attirer, mais de les parquer afin d'éviter qu'ils ne se mélangent avec les estivants classiques. Et, bien souvent, dans ce cas, la création d'un camp s'accompagne de l'interdiction de camper ailleurs que sur le camp — ce qui est un abus caractérisé, —et le péage perçu est nettement trop élevé ...

Terrains « commerciaux ». — Voici encore une sorte de terrains qui s'accroît sans cesse, surtout dans des régions fréquentées telles que la Côte d'Azur. Si certains commerçants ont su créer, eux aussi, un climat campeur et des installations hygiéniques dignes de ce nom, un trop grand nombre de « mercantis » se sont jetés sur cette source de revenus et demandent des prix astronomiques.

Terrains réservés. — Restent enfin les terrains réservés, en général loués ou achetés par des associations de camping et strictement réservés à l'usage de leurs adhérents. Un effort a été fait, ces dernières années, par les clubs, et notamment par le Camping-Club de France.

Camps fédéraux. — Jusqu'à présent, ils existent en de rares endroits, et seulement lorsqu'un club membre de la Fédération a décidé, dans un esprit de camaraderie, d'ouvrir un de ses terrains aux porteurs de licence fédérale. Dans ce domaine, la Fédération a une tâche importante et urgente à remplir.

Nous reviendrons sur cette question des terrains dans de prochaines chroniques.

J.-J. BOUSQUET,

Président du Camping-Club de France.

(1) Citons à ce propos le magnifique terrain communal de la Capte, à hyères.

Le Chasseur Français N°648 Février 1951 Page 96