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Ravageurs des arbres fruitiers

L'antonome du pommier

Les possesseurs de vergers de pommiers connaissent bien et redoutent à juste titre ce minuscule charançon qui, certaines années, cause des dégâts considérables dans leurs plantations, et ceci dès la floraison, anéantissant, dès le début, une récolte qui s'annonçait sous d'heureux auspices.

Description et mœurs de l'insecte.

— À l'état adulte, ce charançon mesure 4 à 5 millimètres de long ; il est gris. Sa tête est prolongée par un organe spécial, le rostre, qui tient lieu de bouche, et sur lequel sont fixées les antennes.

On le différencie assez aisément des autres charançons par ses élytres (ailes coriaces) marquées, à leur partie postérieure, d'une sorte de V de couleur plus claire que l'ensemble du corps.

En hiver, il se réfugie sous tous les abris susceptibles de le protéger contre les rigueurs de la température.

Dès les premiers beaux jours, il quitte son refuge et commence à circuler sur les pommiers qui vont entrer en végétation. Il s'alimente en piquant avec son rostre les bourgeons à fleurs, sur lesquels on peut distinguer des perforations.

Au bout de peu de temps a lieu l’accouplement, suivi de la ponte. La femelle, après avoir perforé les écailles d'un bourgeon avec son rostre, y dépose un œuf qui constitue ordinairement sa seule ponte de la journée. Mais elle recommence le lendemain, sur un autre bourgeon ou sur le même, et continue ainsi pendant un mois environ.

Quelques jours après la ponte, une petite larve sort de l'œuf. Elle ronge l'intérieur du bouton. La fleur ne s'ouvre pas, se dessèche et roussit, prenant un aspect caractéristique auquel on a donné le nom de clou de girofle. Si l'on retire la sorte de capuchon formé par les pétales morts, on s'aperçoit que les organes internes, pistil et étamines, ont été dévorés par la petite larve blanche qui parvient au terme de son développement.

Bientôt, cette larve se transformera en anthonome adulte qui passera l'été et l'hiver caché sous quelque abri, à l'état de repos complet, pour ne reprendre son activité qu'au printemps suivant.

Moyens de lutte.

— On a été longtemps dépourvu de moyens efficaces pour lutter contre l'anthonome.

Il y a encore peu d'années, on étendait des bâches sous les arbres dont on secouait les branches pour en faire tomber les insectes que l'on ramassait et détruisait aussitôt. Mais ce procédé, peu pratique à mettre en œuvre, ne donnait que des résultats médiocres,

Dans les cultures intensives d'arbres soumis à la taille, on recueillait aussi les « clous de girofle » pour détruire les larves avant qu'elles ne se transforment, afin, espérait-on, de diminuer la virulence des attaques dans les années à venir.

Les traitements d'hiver aux huiles d'anthracène étaient aussi préconisés, de même que des traitements de printemps à la bouillie sulfocalcique, aux insecticides à base de nicotine ou de pyrèthre ou encore de roténone, mais les résultats de ces traitements, sans être positivement nuls, étaient nettement insuffisants.

La découverte, encore relativement récente, des remarquables propriétés insecticides de certains produits organiques de synthèse a permis une mise au point d'une nouvelle méthode de lutte assurant, si elle est ponctuellement mise en œuvre, une protection à peu près intégrale de la floraison.

Parmi ces produits, il y a lieu de retenir le DDT, le HCH et le SPC. Les spécialités du commerce à base de ces produits sont nombreuses. Toutes indiquent la nature du produit actif entrant dans leur composition. Nous ne pouvons, par crainte de commettre des omissions, en donner ici une énumération.

L'emploi de pulvérisateurs à forte pression, permettant de traiter l'ensemble des arbres, est une des conditions du succès des traitements. Mais le choix de l'époque la plus favorable à l'application du produit a également la plus grande importance.

Les nombreux essais contrôlés effectués et confirmés par l'expérience ont montré qu'avec le DDT et le HCH les pulvérisations faites au stade de végétation dit du bourgeon blanc donnent les résultats les plus positifs. Ce stade se situe dès le début du débourrement, quand le sommet du bourgeon présente une sorte de duvet blanchâtre, et avant l'apparition de toute partie verte.

On a également observé que, lorsqu'on avait laissé passer l'époque ci-dessus précisée, on pouvait encore intervenir utilement, et jusqu'au moment où les boutons des fleurs commencent à être perceptibles, mais sont encore collés l'un contre l'autre, à l'aide d'un produit à base de SPC qui, en plus de ses propriétés insecticides, a une action ovicide certaine.

Enfin, il a été reconnu que les variétés de pommiers à débourrement très tardif, c'est-à-dire celles qui se trouvent au stade dit « du bourgeon blanc » après le 15 mai, ne sont pas susceptibles d'être attaquées par l'anthonome et n'ont, par conséquent, pas à être traitées contre celui-ci.

Pour faciliter l'exécution des traitements contre ce redoutable parasite et assurer leur pleine efficacité, on peut également recommander aux planteurs de nouveaux vergers de disposer leurs arbres suivant des lignes ne comprenant chacune qu'une même variété ou des variétés de même époque de floraison.

E. DELPLACE.

Le Chasseur Français N°650 Avril 1951 Page 228