La loi du 1er septembre 1948, portant
modification et codification de la législation relative aux rapports des
bailleurs et locataires de locaux d'habitation ou à usage professionnel, a
substitué au système temporaire des prorogations successives qui avaient
existé, au profit des locataires, un régime permanent de maintien dans les
lieux.
Mais cet avantage du maintien dans les lieux, accordé de
plein droit, a une portée moins générale que le système des prorogations qu'il
remplace.
Pour déterminer le champ d'application de cette mesure, il
semble plus clair et plus commode de diviser cette étude en trois parties,
c'est-à-dire d'examiner tour à tour : 1, le principe général de cette mesure,
c'est-à-dire quels preneurs peuvent en bénéficier et dans quelles localités elle
s'applique ; 2, les causes d'exclusion de ce droit au maintien dans les lieux ;
3, les situations particulières qui peuvent se présenter.
I. — Application du maintien dans les lieux.
1° Bénéficiaires de ce droit.
— L'article 4 de la loi limite ce droit aux occupants de
bonne foi. Ils bénéficient du maintien dans les lieux de plein droit et sans
l'accomplissement d'aucune formalité, quelle que soit la date de leur entrée
dans les lieux.
Sont réputés de bonne foi les locataires, sous-locataires,
cessionnaires de baux, à l'expiration de leur contrat, ainsi que les occupants
qui, habitant dans les lieux en suite d'un bail écrit ou verbal, d'une
sous-location régulière, d'une cession régulière d'un bail antérieur, d'un
échange opéré dans les conditions prévues à l'article 79 de la loi, exécutent
leurs obligations.
2° Localités dans lesquelles il s'applique.
— Au point de vue territorial, le maintien dans les lieux
s'applique :
a. A Paris, dans le département de la Seine et dans un rayon
de 50 kilomètres de l'emplacement des anciennes fortifications de Paris ;
b. Dans les communes d'une population supérieure à 4.000
habitants ou distantes de moins de 5 kilomètres de villes de 10.000 habitants
et plus ;
c. Dans les communes où le dernier recensement accuse un
accroissement de la population municipale d'au moins 5 p. 100 sur le précédent
recensement ;
d. Dans les communes figurant sur les listes des localités
sinistrées publiées par le ministère de la Reconstruction ;
e. Dans les communes où un décret, pris sur l'avis du
conseil municipal, a déclaré le maintien dans les lieux applicable aux
locataires.
II. — Causes d'exclusion du droit au maintien dans les
lieux.
Les locataires habitant une commune appartenant à l'une des
catégories susvisées et bénéficiant du maintien dans les lieux peuvent
cependant se voir refuser cet avantage lorsqu'ils se trouvent dans l'un des cas
limitativement prévus par l'article 10 de la loi du 1er septembre
1948.
D'après cet article, n'ont pas droit, en effet, au maintien
dans les lieux les locataires et autres bénéficiaires ci-dessous :
1° Qui ont fait ou qui feront l'objet d'une décision
judiciaire, devenue définitive, ayant prononcé leur expulsion.
2° Qui n'ont pas occupé effectivement par eux-mêmes les
locaux loués ou qui ne les ont pas fait occuper par les personnes qui vivaient
habituellement avec eux et qui sont membres de leur famille ou à leur charge.
Cette occupation doit, en principe, avoir duré au moins huit mois au cours d'une
année de location.
3° Qui ont plusieurs habitations, sauf pour celle
constituant leur principal établissement, à moins qu'elles ne justifient que
leur fonction ou leur profession les y oblige.
4° Qui occupent des locaux ayant fait l'objet d'une
interdiction d'habiter (locaux insalubres ou menaçant ruine).
5° Qui occupent des locaux de plaisance, pour lesdits
locaux.
6° Qui, dans les communes pourvues d'un service municipal du
logement ou dans lesquelles est perçue la taxe sur les locaux insuffisamment
occupés, ne remplissent pas les conditions d'occupation suffisante à
l'expiration d'un délai de six mois à compter de la signification du congé.
7° Qui ont à leur disposition ou peuvent recouvrer, en
exerçant leur droit de reprise, un autre local répondant à leurs besoins et à
ceux des personnes membres de leur famille ou à leur charge, qui vivaient
habituellement avec eux depuis plus de six mois.
8° Dont le titre d'occupation est l'accessoire d'un contrat
de travail.
9° Qui, dans les stations balnéaires, climatiques ou
thermales occupent les locaux habituellement affectés, avant le 2 septembre
1939, à la location saisonnière ou occupés pendant la saison par leur
propriétaire ; toutefois, cette disposition n'est pas applicable aux
sinistrés et réfugiés privés de leur habitation, jusqu'au moment où ils
pourront réintégrer leur logement réparé ou le local reconstruit en
remplacement de leur habitation primitive.
10° Qui occupent des locaux situés dans des immeubles acquis
ou expropriés à la suite d'une déclaration d'utilité publique, à charge par
l'administration d'assurer le relogement du locataire expulsé.
III. — Situations particulières.
a. Sinistrés et réfugiés.
— Dans les communes où le maintien dans les lieux n'est pas
applicable, cet avantage est cependant accordé de plein droit aux sinistrés et
réfugiés privés de leur habitation jusqu'au moment où ils pourront réintégrer
leur logement réparé ou leur logement reconstruit en remplacement de leur
habitation primitive.
b. Économiquement faibles.
— Les locataires ou occupants qui sont économiquement
faibles bénéficient de plein droit du maintien dans les lieux alors même que la
commune qu'ils habitent n'appartiendrait pas à l'une des catégories de
localités susvisées où s'applique cet avantage.
c. Personnes morales.
— Le maintien dans les lieux est accordé aux personnes
morales exerçant une activité désintéressée, notamment aux syndicats
professionnels et aux associations déclarées ; mais ce droit n'est pas
opposable au propriétaire qui veut exercer le droit de reprise pour l'habiter
lui-même ou le faire habiter par son conjoint, ses descendants, ses ascendants
ou ceux de son conjoint.
d. Locations meublées.
— Les locataires, sous-locataires ou occupants de bonne foi
d'un local meublé bénéficient également du maintien dans les lieux comme les
locataires de logements loués nus. Mais, dans certaines hypothèses, ce droit
n'est pas opposable au propriétaire qui jouit de certains avantages pour
l'exercice de son droit de reprise.
e. Loyers illicites.
— Il est également prévu que, dans les communes où le
maintien dans les lieux n'est pas applicable, il est pourtant accordé au
locataire, sous-locataire, cessionnaire de bail ou occupant à qui le
propriétaire a imposé ou tenté d'imposer un loyer supérieur au prix limite.
f. Décès du locataire.
— Le maintien dans les lieux est un droit exclusivement
attaché à la personne et non transmissible. Par exception à cette règle, ce
bénéfice du maintien dans les lieux appartient, en cas d'abandon du domicile ou
de décès de l'occupant, aux personnes, membres de la famille ou à sa charge,
qui vivaient habituellement avec lui depuis plus de six mois. Toutefois, il ne
s'applique pas aux locaux à usage exclusivement professionnel, à moins que
l'une des personnes visées à l'alinéa précédent continue à y exercer la profession
à laquelle ces locaux étaient affectés.
Nous n'avons fait qu’exposer les lignes
générales de cette importante et complexe question, il y a lieu de rappeler aussi
que ce droit au maintien dans les lieux peut être tenu en échec, dans certains
cas et dans certaines conditions, par le droit de reprise du propriétaire.
L. CROUZATIER.
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