Accueil  > Années 1951  > N°651 Mai 1951  > Page 301 Tous droits réservés

Locaux d'habitation

Maintien dans les lieux

La loi du 1er septembre 1948, portant modification et codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et locataires de locaux d'habitation ou à usage professionnel, a substitué au système temporaire des prorogations successives qui avaient existé, au profit des locataires, un régime permanent de maintien dans les lieux.

Mais cet avantage du maintien dans les lieux, accordé de plein droit, a une portée moins générale que le système des prorogations qu'il remplace.

Pour déterminer le champ d'application de cette mesure, il semble plus clair et plus commode de diviser cette étude en trois parties, c'est-à-dire d'examiner tour à tour : 1, le principe général de cette mesure, c'est-à-dire quels preneurs peuvent en bénéficier et dans quelles localités elle s'applique ; 2, les causes d'exclusion de ce droit au maintien dans les lieux ; 3, les situations particulières qui peuvent se présenter.

I. — Application du maintien dans les lieux.

Bénéficiaires de ce droit.

— L'article 4 de la loi limite ce droit aux occupants de bonne foi. Ils bénéficient du maintien dans les lieux de plein droit et sans l'accomplissement d'aucune formalité, quelle que soit la date de leur entrée dans les lieux.

Sont réputés de bonne foi les locataires, sous-locataires, cessionnaires de baux, à l'expiration de leur contrat, ainsi que les occupants qui, habitant dans les lieux en suite d'un bail écrit ou verbal, d'une sous-location régulière, d'une cession régulière d'un bail antérieur, d'un échange opéré dans les conditions prévues à l'article 79 de la loi, exécutent leurs obligations.

Localités dans lesquelles il s'applique.

— Au point de vue territorial, le maintien dans les lieux s'applique :

    a. A Paris, dans le département de la Seine et dans un rayon de 50 kilomètres de l'emplacement des anciennes fortifications de Paris ;

    b. Dans les communes d'une population supérieure à 4.000 habitants ou distantes de moins de 5 kilomètres de villes de 10.000 habitants et plus ;

    c. Dans les communes où le dernier recensement accuse un accroissement de la population municipale d'au moins 5 p. 100 sur le précédent recensement ;

    d. Dans les communes figurant sur les listes des localités sinistrées publiées par le ministère de la Reconstruction ;

    e. Dans les communes où un décret, pris sur l'avis du conseil municipal, a déclaré le maintien dans les lieux applicable aux locataires.

II. — Causes d'exclusion du droit au maintien dans les lieux.

Les locataires habitant une commune appartenant à l'une des catégories susvisées et bénéficiant du maintien dans les lieux peuvent cependant se voir refuser cet avantage lorsqu'ils se trouvent dans l'un des cas limitativement prévus par l'article 10 de la loi du 1er septembre 1948.

D'après cet article, n'ont pas droit, en effet, au maintien dans les lieux les locataires et autres bénéficiaires ci-dessous :

    1° Qui ont fait ou qui feront l'objet d'une décision judiciaire, devenue définitive, ayant prononcé leur expulsion.

    2° Qui n'ont pas occupé effectivement par eux-mêmes les locaux loués ou qui ne les ont pas fait occuper par les personnes qui vivaient habituellement avec eux et qui sont membres de leur famille ou à leur charge. Cette occupation doit, en principe, avoir duré au moins huit mois au cours d'une année de location.

    3° Qui ont plusieurs habitations, sauf pour celle constituant leur principal établissement, à moins qu'elles ne justifient que leur fonction ou leur profession les y oblige.

    4° Qui occupent des locaux ayant fait l'objet d'une interdiction d'habiter (locaux insalubres ou menaçant ruine).

    5° Qui occupent des locaux de plaisance, pour lesdits locaux.

    6° Qui, dans les communes pourvues d'un service municipal du logement ou dans lesquelles est perçue la taxe sur les locaux insuffisamment occupés, ne remplissent pas les conditions d'occupation suffisante à l'expiration d'un délai de six mois à compter de la signification du congé.

    7° Qui ont à leur disposition ou peuvent recouvrer, en exerçant leur droit de reprise, un autre local répondant à leurs besoins et à ceux des personnes membres de leur famille ou à leur charge, qui vivaient habituellement avec eux depuis plus de six mois.

    8° Dont le titre d'occupation est l'accessoire d'un contrat de travail.

    9° Qui, dans les stations balnéaires, climatiques ou thermales occupent les locaux habituellement affectés, avant le 2 septembre 1939, à la location saisonnière ou occupés pendant la saison par leur propriétaire ; toutefois, cette disposition n'est pas applicable aux sinistrés et réfugiés privés de leur habitation, jusqu'au moment où ils pourront réintégrer leur logement réparé ou le local reconstruit en remplacement de leur habitation primitive.

    10° Qui occupent des locaux situés dans des immeubles acquis ou expropriés à la suite d'une déclaration d'utilité publique, à charge par l'administration d'assurer le relogement du locataire expulsé.

III. — Situations particulières.

a. Sinistrés et réfugiés.

— Dans les communes où le maintien dans les lieux n'est pas applicable, cet avantage est cependant accordé de plein droit aux sinistrés et réfugiés privés de leur habitation jusqu'au moment où ils pourront réintégrer leur logement réparé ou leur logement reconstruit en remplacement de leur habitation primitive.

b. Économiquement faibles.

— Les locataires ou occupants qui sont économiquement faibles bénéficient de plein droit du maintien dans les lieux alors même que la commune qu'ils habitent n'appartiendrait pas à l'une des catégories de localités susvisées où s'applique cet avantage.

c. Personnes morales.

— Le maintien dans les lieux est accordé aux personnes morales exerçant une activité désintéressée, notamment aux syndicats professionnels et aux associations déclarées ; mais ce droit n'est pas opposable au propriétaire qui veut exercer le droit de reprise pour l'habiter lui-même ou le faire habiter par son conjoint, ses descendants, ses ascendants ou ceux de son conjoint.

d. Locations meublées.

— Les locataires, sous-locataires ou occupants de bonne foi d'un local meublé bénéficient également du maintien dans les lieux comme les locataires de logements loués nus. Mais, dans certaines hypothèses, ce droit n'est pas opposable au propriétaire qui jouit de certains avantages pour l'exercice de son droit de reprise.

e. Loyers illicites.

— Il est également prévu que, dans les communes où le maintien dans les lieux n'est pas applicable, il est pourtant accordé au locataire, sous-locataire, cessionnaire de bail ou occupant à qui le propriétaire a imposé ou tenté d'imposer un loyer supérieur au prix limite.

f. Décès du locataire.

— Le maintien dans les lieux est un droit exclusivement attaché à la personne et non transmissible. Par exception à cette règle, ce bénéfice du maintien dans les lieux appartient, en cas d'abandon du domicile ou de décès de l'occupant, aux personnes, membres de la famille ou à sa charge, qui vivaient habituellement avec lui depuis plus de six mois. Toutefois, il ne s'applique pas aux locaux à usage exclusivement professionnel, à moins que l'une des personnes visées à l'alinéa précédent continue à y exercer la profession à laquelle ces locaux étaient affectés.

Nous n'avons fait qu’exposer les lignes générales de cette importante et complexe question, il y a lieu de rappeler aussi que ce droit au maintien dans les lieux peut être tenu en échec, dans certains cas et dans certaines conditions, par le droit de reprise du propriétaire.

L. CROUZATIER.

Le Chasseur Français N°651 Mai 1951 Page 301