Cet appareil est utilisé pour prévenir l'essaimage dans les
colonies puissantes en séparant les butineuses des nourrices et en donnant un
vaste champ de ponte à la reine, deux conditions essentielles pour éviter des
essaims et conserver une forte armée de butineuses. Il donne de plus une jeune
reine.
Son emploi nécessite quatre petites opérations que nous allons
décrire. Voyons d'abord sa fabrication, qui est assez simple et peut être
entreprise par tout apiculteur digne de ce nom. On le trouve aussi dans le
commerce.
Découper dans du bois contre-plaqué ou autre matériau un
rectangle aux dimensions exactes du dessus du corps de ruche. Sur le pourtour,
de chaque côté, fixer des lattes de bois de trois centimètres de large et de un
centimètre d'épaisseur. Percer ensuite un trou au centre comme aux plafonds
ordinaires et le fermer avec un morceau de grillage à garde-manger, lequel sera
fixé avec des punaises. Sur trois des côtés, dans le milieu des lattes,
découper des ouvertures de trois centimètres, scier légèrement de biais et en
donnant une forme hexagonale aux taquets, ceci pour faciliter leur mise en place
et aussi leur maintien lors de la manipulation du plateau. Fixer un anneau à
vis ou un cavalier à chaque taquet pour l'attacher au plateau avec une ficelle
et éviter de les perdre. Notre instrument est terminé, voyons à présent son
utilisation.
Au début de la miellée, généralement en mai, choisir une forte
colonie travaillant déjà dans la hausse et n'ayant pas encore préparé de
cellules royales ; apporter un corps de ruche avec cadres de cire et une
grille à reine.
1° Placer le corps vide sur un plancher ou toit plat et
enlever les cadres qui seront posés à terre ; enfumer la ruche à traiter,
l'ouvrir et enlever un par un les cadres de couvain avec les abeilles en
faisant bien attention de ne pas prendre la reine, seule difficulté de cette
méthode. Placer ces cadres dans le même ordre dans le corps vide au fur et à
mesure de leur visite ; laisser un cadre de couvain ouvert dans la ruche
ainsi que ceux contenant du miel. Étant bien certain que nous avons laissé la
reine, compléter avec les cadres garnis de cire, poser ensuite la grille à
reine, puis la hausse et, enfin, le corps garni de cadres, de couvain, auquel
on ajoutera des rayons de cire si besoin est. En définitive, nous avons une
ruche qui se présente ainsi en commençant par le bas : plancher, corps contenant
un cadre de couvain ouvert avec des abeilles des cadres garnis de cire et la
reine, grille à reine, hausse, corps avec couvain et abeilles, plafond et toit.
2° Le quatrième jour après la première opération, installer le
plateau diviseur entre la hausse et le corps du haut, le coté sans ouverture
étant placé sur le devant de la ruche ; retirer le taquet de bois supérieur
d'un des côtés. Que va-t-il se passer ? Les butineuses du dessus sortiront
par l'ouverture pratiquée sur le côté et rejoindront la reine en bas en passant
par l'entrée normale à laquelle elles sont habituées, tandis qu'au contraire
les jeunes abeilles qui ne sont pas encore sorties ne connaîtront que
l'ouverture du corps supérieur ; nous avons donc, par ce procédé, séparé
les nourrices des butineuses et arrêté net tout désir d'essaimage. Cependant,
les jeunes abeilles du haut, se sentant orphelines, construisent des cellules
royales auxquelles elles sont particulièrement aptes, et la chaleur qui monte à
travers le trou grillagé donne une température favorable à leur édification.
3° Trois jours après l'opération n° 2, fermer le trou
supérieur avec son taquet et enlever celui de dessous qui lui fait vis-à-vis ;
enlever également le taquet supérieur du côté opposé de la ruche. C'est par ce
coté que les butineuses vont sortir en grand nombre, mais, comme elles ont
l'habitude, elles reviendront à la précédente ouverture ; la voyant fermée,
elles passeront par le trou de dessous et rejoindront le corps inférieur qui se
trouve donc renforcé en butineuses, il est bon de jeter un coup d'œil pour
vérifier si la hausse se garnit et d'en ajouter alors une deuxième si cela est
nécessaire.
4° Sept jours après, de nouvelles butineuses se sont formées
en haut ; il ne reste plus qu'à les faire passer dans le corps du bas ;
rien de plus simple : replacer le taquet pour obturer l'ouverture
supérieure, enlever celui situé en dessous ; enlever aussi le taquet de
l'arrière en haut pour laisser sortir les abeilles du corps du haut. Comme à la
précédente opération, les butineuses rejoignent le corps inférieur.
Normalement il se produirait un essaimage dans la ruche
supérieure, mais le déséquilibre nourrices-butineuses l'empêche. Donc la jeune
reine qui naîtra se fera féconder en sortant par l'ouverture du haut qui se
trouve alors située à l'arrière et évitera ainsi à notre jeune majesté de se
fourvoyer au retour du vol nuptial.
Si toutefois le mauvais temps empêchait les butineuses de
sortir du corps supérieur à l'opération n° 4, il serait bon de secouer quelques
cadres du haut devant l'entrée du corps inférieur en évitant de toucher à ceux
contenant des alvéoles royaux, autrement l'essaimage avec reine vierge pourrait
se produire.
Nourrir les abeilles du haut si besoin est, car elles n'ont
pas de butineuses.
On peut s'éviter de rechercher la reine à la première opération ;
pour cela il suffit de brosser tous les cadres en faisant tomber les abeilles
dans le corps du bas, et la reine s'y trouvera forcément ; une fois la
ruche fermée, les nourrices remonteront en haut sur les cadres de couvain en
traversant la grille ; on les aidera par un enfumage à l'entrée.
Par ce procédé, nous obtenons une bonne récolte et une
petite colonie avec jeune reine ; cette dernière sera aidée et placée sur
support indépendant pour l'hivernage. Si on ne désire pas augmenter le nombre
de colonies, enlever simplement le plateau diviseur et la grille lors de la récolte,
les reines se battront et il y a de fortes chances que la jeune élimine l'autre ;
nous obtenons alors une forte colonie dynamique, gage futur d'une bonne
récolte.
Roger GUILHOU,
Expert apicole.
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