On constate fréquemment, pendant la période d'ouverture de
la chasse, des empoisonnements chez le chien. L'intoxication provient, le plus
souvent, de l'ingestion d'une « gobe » ou appât destiné au renard, au
blaireau ou à quelque bête puante. Il n'est pas rare aussi de constater, à la
campagne, où les inimitiés et parfois les haines sont tenaces, l'empoisonnement
d'un chien de garde par vengeance, ou pour supprimer un gardien vigilant qui
s'oppose à la mise à exécution de certains projets.
Dans quelques rares cas, l'intoxication, sous la forme
chronique, est due aux vapeurs s'échappant de hauts fourneaux ou de la
métallurgie du plomb, et presque toujours ce sont les poussières arsenicales
qui sont en cause ; leur action nocive peut même empoisonner les volailles
du voisinage, ainsi qu'il a été constaté chez les hôtes de la basse-cour d'un
de nos correspondants.
Dans les empoisonnements du chien consécutifs à l'ingestion
d'appâts ou de boulettes destinées aux animaux nuisibles, on a généralement
affaire aux deux substances toxiques le plus fréquemment employées :
l'arsenic et la strychnine. Avant de faire la description des deux cas
d'intoxication résultant de l'ingestion de ces poisons, il est utile d'exposer
les mesures qui doivent être appliquées, le plus tôt possible, chaque fois
qu'un empoisonnement est à craindre, alors même qu'on ignore la nature de
l'agent toxique à incriminer.
Indications générales.
1° Débarrasser l'organisme du poison non absorbé :
provoquer le vomissement en faisant absorber au chien de l'ipéca, de l'émétique
ou du sulfate de cuivre, à la dose de 10 à 30 centigrammes dans un verre d'eau
tiède. Donner quelques lavements poussés aussi loin que possible.
Si l'on craint que l'empoisonnement soit dû à des substances
caustiques (acides, ammoniaque, soude, potasse, sublimé corrosif, etc.), on
protège la muqueuse gastro-intestinale et on empêche en même temps l'absorption
du poison en administrant du lait, de l'eau albumineuse (4 blancs d'œufs pour 1
litre d'eau bouillie) ou des blancs d'œufs, des mucilages de guimauve ou de lin
(60 grammes par litre), de l'eau gommeuse (30 grammes par litre), des graisses et
des huiles. Se souvenir, toutefois, que le lait et les huiles sont formellement
contre-indiqués dans les intoxications par le phosphore, les pâtes phosphorées,
les cantharides (lâchement d'un vésicatoire), parce qu'ils favorisent la
résorption de ces substances.
2° Neutraliser l'effet du poison absorbé par
l'administration des antidotes chimiques : faire usage de la formule
suivante dans les cas où la nature du poison est incertaine :
Solution de sulfate ferrique à environ 40 p. 100 de sel :
100 grammes ; ou perchlorure de fer officinal : 110 à 120 grammes.
Mélanger au moment de l'emploi avec :
|
Magnésie hydratée |
120 grammes |
|
Charbon animal lavé |
40 grammes |
|
Eau |
800 grammes. |
Dose pour le chien, de 50 à 100 grammes. Cette formule est
efficace dans l'empoisonnement par les acides, les arsenicaux, les sels
métalliques à acides minéraux (sulfates, nitrates, chlorures, etc.), les
alcaloïdes et leurs sels. Elle est inefficace contre les alcalis, le phosphore,
les hypochlorites (eau de Javel), les cyanures, l'émétique, etc.
3° Favoriser, lorsqu'il y a lieu, l'élimination du poison
absorbé par l'emploi des injections intraveineuses ou sous-cutanées de
sérum artificiel (solution de sel marin à 7 p. 1.000 dans l'eau distillée), de
25 à 200 grammes par jour, répétées deux à trois fois, les diurétiques
(bicarbonate de soude, 1 à 5 grammes), etc. Remédier à la dépression nerveuse
par l'infusion de café ou de thé légèrement alcoolisés ou par des injections
sous-cutanées d'éther, 1 à 5 grammes, ou d'huile camphrée au 1/10e,
1 à 3 grammes, à renouveler dans la journée.
Enfin, si l'on peut établir, par l'observation de certains
symptômes, la nature de l'agent toxique en cause, on administrera les antidotes
que nous allons indiquer dans quelques cas particuliers, les plus fréquemment
observés.
Arsenic (mort-aux-rats).
— Les symptômes de l'empoisonnement par l'arsenic sont :
forte salivation, nausées et vomissements, douleur abdominale, prostration des
forces, grande oppression et discordance des mouvements du cœur. Respiration
vite tout d'abord, puis, bientôt, frappée d'impuissance. Refroidissement de la
peau, teinte rouge-safran des conjonctives, soif ardente, urine rare et,
finalement, affaissement général suivi de mort. Les phénomènes que nous venons
de décrire se produisent généralement trois ou quatre heures après l'ingestion
du poison et, sauf les cas de dose excessive entraînant une mort rapide,
celle-ci survient au bout de douze à vingt-quatre heures.
Traitement. — Faire vomir le malade en recourant aux
vomitifs : émétique, ipéca, etc. Chercher à neutraliser le poison par
l'administration de l'albumine ou blanc d'œuf (voir ci-dessus), facile à se
procurer, donnée en abondance, ainsi que du lait, de l'hydrate de magnésie
d'après la formule suivante, dont on donne une cuillerée à soupe toutes les dix
minutes :
|
Magnésie calcinée |
15 grammes |
|
Blanc d'œuf |
1 |
|
Eau |
250 grammes. |
Ou : hydrate de sesquioxyde de fer, 5 grammes dans 200
grammes de décoction mucilagineuse.
Purger au sulfate de magnésie, 5 à 15 grammes dans un verre
d'eau tiède et proscrire les préparations huileuses, y compris l'huile de
ricin.
Strychnine.
— L'empoisonnement du chien par la strychnine est presque
toujours mortel. Il se traduit par des secousses tétaniques et convulsives du
front, de la tête, de la colonne vertébrale, des membres et des mâchoires ;
la bouche se remplit d'écume, les membres se tordent et se raidissent ; la
respiration, d'abord accélérée, se ralentit, puis devient impossible, et le
malade meurt très promptement par asphyxie. La terminaison est fatale 99 fois
sur 100.
Traitement. — On peut toujours tenter la seule chance
qui reste de sauver le chien en agissant tout de suite et en mettant en
œuvre simultanément tous les moyens suivants : administrer un vomitif et,
tout de suite également, donner toutes les cinq minutes une cuillerée à soupe
d'une solution de tannin à 10 p. 100 ; puis, toutes les dix minutes,
donner en même temps un lavement avec une solution ainsi composée :
|
Bromure de potassium |
0gr,10 |
|
Chloral hydraté |
0gr,60 |
|
Eau distillée |
20 grammes. |
Si l'on possède une seringue de Pravaz, on pourra tenter
ensuite l'injection sous-cutanée de l'une des solutions suivantes :
a. |
Iodure de potassium |
0gr,75 |
|
Eau distillée |
10 grammes |
b. |
Chlorhydrate de morphine |
10 à 30 centigammes |
|
Sulfate d'atropine |
1 à 3 milligrammes |
|
Eau distillée |
30 grammes. |
Un à cinq centimètres cubes par injection, à renouveler s'il
y a lieu.
MOREL,
Médecin vétérinaire.
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