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Chicorées frisées et scaroles

Légumes cultivés pour leurs feuilles consommées à l'état cru ou à l'état cuit, les chicorées frisées et scaroles sont intéressantes à cultiver, car elles fournissent la salade à une époque où toute autre nous fait défaut : les premières peuvent être obtenues à partir de l'été ; les secondes, plus rustiques, plus résistantes aux intempéries, moins sujettes à la pourriture, se conservent bien et facilement, assurant ainsi une grande partie de la consommation hivernale.

Exigences culturales.

1° Sol : Ces chicorées viennent bien en tous terrains, à condition qu'ils soient de consistance moyenne, assez profonds, bien ameublis et un peu frais, de préférence riches en matières organiques.

2° Climat : Sensibles, plus que toutes autres plantes aux arrêts de végétation dus soit au froid, soit à la sécheresse, ces salades, dès leur levée, qui doit être rapide, doivent se développer régulièrement ; sinon elles tendraient à fleurir, à monter en graines.

Aussi divise-t-on leur culture en deux stades :

    a. En semant sur couche chaude en mars, et en repiquant de même en vue de la mise en place en pleine terre ;

    b. En semant en juin-juillet, en plein air, avec ou sans repiquage.

3° Engrais : Ces légumes foliacés sont particulièrement sensibles aux engrais azotés. Avant la plantation, on pourra enfouir par are : 2 kilogrammes de chlorure de potassium, 3 kilogrammes de superphosphate et 2 kilogrammes de nitrate de soude. Au cours de la végétation, il sera bon de répandre entre les lignes, en deux fois et à un mois d'intervalle, 2 kilogrammes de nitrate de soude. Un léger binage et les arrosages indispensables assureront la dissolution de l'engrais.

Culture.

1° Choix des variétés.

— Remarquons d'abord que les variétés de chicorées scaroles sont beaucoup moins nombreuses que les chicorées frisées ; sans doute que les premières furent en premier lieu cultivées et que les secondes, dès leur apparition, eurent une grande préférence des consommateurs.

Comme chicorées scaroles aux belles feuilles quasi entières, nous recommanderons, par ordre de précocité : la « blonde », la « géante maraîchère » ou « géante Batavia », pour les tout premiers semis d'été ; puis la ronde verte à cœur plein ou la blonde à cœur également plein, assez rustiques, et enfin la scarole d'hiver en cornet très résistante.

Comme chicorées frisées, nous indiquerons comme précoces la frisée fine d'été, la fine maraîchère et la fine de Rouen; comme s'acclimatant le mieux aux fortes chaleurs estivales, la frisée de Meaux, et, pour l'arrière-saison, la frisée de Ruffec.

2°Semis.

— Les semis se font sur couches ou en plein air.

Sur couches, on sème à partir de mars à la volée ou en lignes distantes de 5 centimètres ; sur le terreau, ne pas recouvrir, ou à peine; tasser légèrement. Placer au besoin deux paillassons sur les châssis afin que la température, qui doit être de 20°, ne baisse pas. Mais il est indispensable que la germination ait lieu dans le plus court délai, trente-six à quarante-huit heures au maximum, faute de quoi on obtiendrait des salades qui auraient tendance à monter. La levée opérée, et dès possibilité d'éclaircir, ne pas hésiter à laisser au moins 3 centimètres entre chaque plant. Au bout d'une quinzaine de jours, dès que les jeunes chicorées ont trois à quatre feuilles, les repiquer, toujours sur couche chaude, à 10 centimètres d'écartement en tous sens. La reprise effectuée, aérer quotidiennement et de plus en plus, de manière à fortifier les plants jusqu'au moment où la mise en place pourra avoir lieu, environ fin avril.

En pleine terre, on ne sèmera qu'à partir de juin ou de juillet, selon la production plus ou moins tardive qu'on désire obtenir. On sèmera comme il a été dit ci-dessus, avec la seule précaution de répandre au-dessus des grains un peu de terreau afin de les recouvrir superficiellement. La levée se fait entre quatre et six jours en maintenant le sol en bon état d'humidité. On éclaircira comme il a été mentionné et, contrairement à la règle générale, il n'y aura pas d'inconvénient à se servir pour le repiquage de plants ayant acquis un assez bon développement.

3° Le repiquage.

— Déterrer avec soin les plants, non à la main, mais à l'aide du déplantoir ou de la houlette, et procéder à l’habillage : étêter les feuilles de leur quart environ et couper la racine nettement à son extrémité, de façon à éviter l'évaporation par les feuilles et à provoquer du chevelu pour faciliter la reprise.

On repique en lignes, à 0m,30 sur 0m,40, ou en quinconces, à 30centimètres ou à 40 centimètres lorsque la saison avance et que les variétés employées sont plus volumineuses. Ne pas enterrer le cœur, mais le tenir au niveau du sol; ne pas « borner » fortement et arroser au goulot pour que la terre se colmate autour du pied.

4° Soins d’entretien.

— Ils consistent uniquement à maintenir le sol propre et en bon état d'humidité : binages répétés et arrosages fréquents et abondants.

5° Étiolage.

— Les chicorées, pour être consommées, doivent être étiolées, c'est-à-dire « blanchies », ce qui s'obtient en privant les feuilles de lumière. A cet effet, on peut coiffer chaque plant d'un pot à fleur retourné ou en relevant les touffes ou feuilles à l'aide d'un brin de paille de seigle ou de raphia, en les liant à leur partie supérieure. Mais cette opération appelle les précautions suivantes : elle ne se fera que par temps sec sur des carrés non humides, afin d'éviter la pourriture et sans trop serrer. En dix à douze jours, pétioles et feuilles prennent une belle teinte jaunâtre, puis blanche, deviennent tendres et perdent leur goût amer. Il faut compter environ trois mois après le semis sur couches, et trois mois et demi après celui de pleine terre, pour que les chicorées puissent être étiolées.

D'autre part, on ne pratiquera l'étiolage qu'au fur et à mesure de besoins de consommation, en échelonnant, car une plante ainsi « blanchie » dépérit et meurt.

6° Récolte et conservation.

a. Sur place : Lorsque les premiers froids arrivent, on recouvre les planches de salade d'une dizaine de centimètres de feuilles mortes, sous lesquelles les pieds non liés continuent à se développer tout en blanchissant lentement. Lorsqu'il fera beau, il est recommandé de découvrir durant quelques heures.

b. En jauge (système Oger) : Ouvrir dans le sens est-ouest une tranchée trapézoïdale et rejeter la terre sur le flanc nord. Disposer les chicorées avec les mottes sur le flanc de la tranchée. Recouvrir de branches, de fascines, puis de paille, de feuilles, et les deux extrémités resteront aérées pour éviter la pourriture.

c. En cave : Les pieds sont arrachés et enjaugés sur le sol de la cave ou dans du sable. On surveillera la pourriture ; si le local est bien aéré et non humide, les scaroles blanchissent aussi complètement que sous un châssis, qui est immobilisé fort longtemps pour une faible quantité de salades (trente environ).

Maladies et Insectes à redouter.

1° La rouille rend les feuilles d'un jaune brun sale ; on remédie en arrachant et détruisant les pieds atteints ;
2° De nombreux insectes entravent la culture : en culture sous verre, le puceron des racines attaque le plant au collet et le suce : on arrosera à l'eau légèrement nicotinée ou en recouvrant le sol de débris de tabac.

Le ver gris, la limace grise, la courtilière, la larve du taupin sont à redouter : chercher les vers blancs, empoisonner les limaces avec du son additionné de 2 p. l00 de métaldéhyde (méta du commerce). Pour les courtilières, répandre sur le sol 1 kilogramme de riz renflé dans un quart de litre d'eau et roulé dans 50 grammes de fluosilicate de baryum, et le tout pour 1 à 2 ares.

BOILEAU.

Le Chasseur Français N°654 Août 1951 Page 480