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Causerie médicale

Le diabète sucré

Le sujet est vaste et devrait embrasser toute la pathologie ; je ne puis que l'effleurer pour répondre au désir d'un lecteur.

Cette affection est assez connue pour qu'il soit inutile d’en donner une définition.

Elle se manifeste par quelques « grands symptômes » qui ne passent pas inaperçus.

Les anciens connaissaient la polyurie (émission considérable d'urine), la polydipsie (soif inextinguible) et la polyphagie (boulimie allant jusqu'à la voracité), et savaient que, malgré la quantité d'aliments ingérés, le malade n’engraissait pas et en arrivait à la consomption comme si les aliments ne faisaient que passer à travers l'organisme.

Ce ne fut qu'au XVIIe siècle (Willis, en 1671) qu'on découvrit que les urines contenaient du sucre, et, actuellement, la glycosurie (teneur des urines en sucre) est un des grands signes du diabète et souvent le premier décelé.

La polyurie plus ou moins abondante est en rapport avec la teneur du sang en glucose, qui est sans doute la cause de la soif qui incite le malade à boire une grande quantité de liquides ; elle atteint 4 à 6 litres par vingt-quatre heures dans les cas moyens, et on l'a vue parfois arriver jusqu'à 20 litres par jour ; elle est parfois une cause d'insomnie.

La polyphagie ne se manifeste souvent que dans une période déjà tardive, quand le malade a déjà maigri notablement.

La teneur de l'urine en glucose est variable selon la gravité du cas ; dans les cas moyens, on trouve 200 à 300 grammes de glucose éliminés chaque jour (comptés sur les urines totales des vingt-quatre heures) ; dans des cas plus sérieux, on a trouvé 600, 1.200, jusqu'à 1.500 grammes par jour.

Le glucose est d'origine alimentaire et provient de l'intestin, par résorption du sucre, des fruits sucrés ingérés et des hydrates de carbone (féculents, amidon), aujourd'hui appelés glucides, transformés en glucose par les ferments salivaire et pancréatique.

Le glucose passe immédiatement dans le sang, qui le transporte au foie par la veine porte, puis aux organes, qui l'utilisent comme « combustible », c'est-à-dire comme source d'énergie ; la partie non immédiatement utilisée est mise en réserve, après déshydratation, sous forme de glycogène. L’organisme peut aussi en transformer une certaine quantité en graisse.

En cas de besoin, l'oxydation du glycogène reconstitue le glucose, et cette transformation est due surtout à l'action d'une hormone, sécrétion endocrine du pancréas.

En 1868, Langerhans avait décrit dans le pancréas des amas cellulaires sans connexion avec le canal excréteur ; on leur donna le nom d'îlots de Langerhans. Une vingtaine d'années plus tard, on considéra ces îlots comme des glandes endocrines, déversant leur sécrétion immédiatement dans le sang ; cette sécrétion, en l'espèce une hormone, reçut le nom d'insuline.

Successivement isolée, purifiée, puis commercialisée, sous forme pharmaceutique, cette insuline a très avantageusement modifié le traitement du diabète.

Le glucose se trouve normalement dans le sérum du sang, et sa teneur, la glycémie, est considérée comme physiologique tant que son taux est aux environs de un gramme par litre.

Le début de la maladie est lent et insidieux, pendant que l'état général reste encore satisfaisant. L'apparition d'un des symptômes énumérés incite aussitôt à pratiquer une analyse d'urine où l'on fait rechercher, en plus du glucose, les substances anormales qui peuvent l'accompagner, notamment l'urée et les acides acétoniques, dont la présence peut indiquer l'imminence d'un coma.

Outre les grands symptômes, on observe encore, à plus ou moins grand degré : la fatigue générale, l'impuissance génitale, l'affaiblissement, la perte des forces avec amaigrissement malgré la persistance de l'appétit ; des éruptions cutanées à type d'eczéma, des prurits sans cause apparente, des poussées de furoncles, d'anthrax ; des altérations de la bouche, de la langue et des dents, souvent une odeur de pomme reinette prise par l'haleine ; des troubles digestifs, de l'estomac, de l'intestin, du foie, des névralgies diverses, des troubles oculaires comme la cataracte diabétique.

À une période plus tardive peuvent survenir des complications comme la tuberculose pulmonaire et le coma (perte de connaissance, de la motilité volontaire et de la sensibilité, avec persistance de la circulation et de la respiration).

À part quelques indications symptomatiques, la plupart des médicaments qu'on a proposés, sauf quelquefois les alcalins et certaines cures thermales, se sont montrés peu efficaces, et la base du traitement reste et reste toujours diététique.

Le régime du diabétique consiste dans la restriction (si possible jusqu'à disparition de la glycosurie) des glucides (sucre, plats et fruits sucrés), pain, pâtisseries, pâtes alimentaires, macaroni, vermicelle et analogues, légumes féculents ou farineux comme pois, lentilles, haricots, châtaignes. Les pommes de terre peuvent être tolérées en petite quantité ; au point de vue de leur teneur en amidon, 100 grammes de pommes de terre équivalent à 20 grammes de pain. On a aussi conseillé des bouillies d'avoine, de temps à autre.

La saccharine supplée le sucre comme édulcorant. Quant aux pains ou pâtes de gluten, peu appétissants généralement, ils renferment encore une proportion importante d'amidon.

L'alimentation se compose de viande, de graisses, de légumes « verts » (choux, haricots verts, épinards, artichauts, salades), d'amandes, de noix et noisettes.

Avec le régime seul, le diabétique se trouvait dans l'alternative d'être menacé de coma s'il ne l'observait pas et d'arriver à la consomption et à la tuberculose s'il poussait la restriction trop loin.

L'insuline est venue rompre ce redoutable dilemme. Il ne faut pas lui demander plus qu'elle ne peut donner ; cette hormone ne fait qu'améliorer la combustion des glucides, elle ne saurait transformer un diabétique en un sujet normal ; elle doit être associée au régime, qu'elle permet d'être moins rigoureux en augmentant la tolérance des glucides. En apportant à l'organisme, à une dose suffisante, une hormone qui lui manque, elle réduit (parfois jusqu'à disparition) la glycosurie et l'acétonurie, en permettant une reprise de poids et de forces.

L'emploi de l'insuline n’est pas sans inconvénients : tout d'abord, elle est inefficace par voie digestive et doit être administrée par injections sous-cutanées profondes, parfois intramusculaires ; la voie endoveineuse n'est employée qu'en cas d'urgence, de coma par exemple.

Comme son action amène une hypoglycémie rapide et fugace, on était obligé de faire chaque injection peu avant un repas ; on possède maintenant une « insulino-protamine-zinc » (insuline combinée à des aminés tirées des laitances de poisson et associée à 2 milligrammes de zinc par 1.000 unités), qui permet de ne plus pratiquer qu'une seule injection par jour, ce qu'on n'avait pas pu obtenir en se servant de solvants gras dits « retards ».

L'hypoglycémie produite pourrait amener des accidents (on a constaté jusqu'à un coma hypoglycémique) si l'on n'avait pas la précaution d'apporter du glucose à l'organisme aussitôt après l'emploi d'insuline, soit, en cas d'urgence, par injections endoveineuses de sérum glucosé, soit, dans les cas habituels, si le repas se trouve retardé, par l'absorption d'un morceau de sucre ou de chocolat que tout diabétique traité par l'insuline doit toujours conserver sur soi.

L'insuline a toujours une action d'arrêt sur l'évolution du diabète, ne fût-ce qu'en apportant à l'organisme cette hormone qui lui manque et, dans les cas légers où le pancréas n'est pas trop touché, en agissant sur la conservation et même sur la régénération des îlots de Langerhans encore aptes à fonctionner.

En somme, sans dispenser le diabétique de suivre son régime, elle le lui rend plus supportable.

Dr A. GOTTSCHALK.

Le Chasseur Français N°654 Août 1951 Page 495