On désigne sous ce vocable l'introduction dans une ruche
d'abeilles étrangères qui viennent voler les provisions de miel, ce qui
provoque généralement une bataille rangée entre pillardes et pillées. Le
pillage est un danger que tout possesseur de ruches doit être en mesure de
réprimer immédiatement, sans cela il court le risque d'un pillage généralisé
dans tout le rucher et, comme résultat, la perte de nombreuses colonies, sans
compter les risques d'accidents provoqués par les abeilles affolées qui piquent
tout ce qui vit aux alentours et le risque des maladies contagieuses transmises
d'une ruche à l'autre.
Quelles sont les causes du pillage ? Tout d'abord
absence de miellée ; aussi, pendant cette période, doit-on redoubler de
précautions. Certaines races, notamment l'italienne, ont, à tort ou à raison,
la réputation d'être plus facilement portées au pillage ; mais, par-dessus
tout, il est presque toujours provoqué par une négligence de l'apiculteur ;
citons entre autres : la visite d'un grand nombre de ruches le même jour
alors que le temps est orageux, laisser trop longtemps une ruche ouverte ou
l'avoir mal refermée, avoir abandonné un peu de miel ou un morceau de rayon en
contenant à la portée des abeilles, nourrir en plein jour alors que les
butineuses sont encore au travail ou avoir placé des nourrisseurs non étanches
laissant écouler le sirop, la pose de plateaux chasse-abeilles la veille de la
récolte, alors que les hausses ne sont pas hermétiquement closes, ou des ruches
en mauvais état possédant trop d'ouvertures par où les pillardes peuvent
s'introduire. Dès que l'une d'elles a pu pénétrer impunément dans une ruche et
est ressortie chargée de miel, on peut dire que le pillage est amorcé et
prendra vite de grandes proportions si l'on n'y met bon ordre rapidement.
On a remarqué que ce sont les vieilles abeilles qui
provoquent le pillage ; elles sont reconnaissables à leur vol particulier
devant les entrées, leur corps plus foncé dû à l'absence de duvet et leurs
pattes allongées ; elles s'attaquent de préférence aux colonies faibles.
Le pillage se reconnaît au début si, pendant une visite au
rucher, les abeilles sont plus facilement portées à piquer que d'habitude ;
il faut alors jeter un coup d'œil aux entrées de ruches pour voir si des ouvrières
ne se battent pas et s'il n'y a pas à terre des mortes et des blessées. Une
pillarde se reconnaît en ce que, étant chargée, elle grimpe souvent le long de
la paroi de la ruche pour prendre son vol, qui est plongeant au début, tandis
qu'une butineuse normale s'envole franchement dès la sortie en prenant
directement de la hauteur.
De ce que nous avons déjà dit, il découle que, pour le
prévenir, il ne faut pas avoir de colonies trop faibles, lesquelles sont
incapables de se défendre et ne sont, d'ailleurs, d'aucun rapport ; sauf
les entrées normales, tous les interstices et fentes seront bouchés
soigneusement, les planchettes ou plafonds doivent être jointifs ; raboter
ou remplacer ceux qui sont gondolés ; éviter les visites après la miellée
ou par temps lourd et ne rien laisser traîner qui puisse exciter les abeilles :
miel et débris de rayon ; autant que possible, ne pas changer les ruches
de place dans un même rucher en période de pénurie, sauf à les mettre en cave
deux jours avant et les gorger abondamment au sirop à 50 p. 100 avant de les
mettre au nouvel emplacement ; si vous êtes obligé de nourrir, faites-le
le soir, à la tombée du jour, et avec du sirop de sucre, lequel provoque moins
le pillage que le miel.
Quoi qu'il en soit, si vous vous apercevez d'un pillage,
commencez par réduire les entrées au passage de deux abeilles au maximum et,
s'il n'est pas généralisé, vous pourrez reconnaître d'où viennent les voleuses
en saupoudrant avec de la farine ou du talc le trou de vol de la ruche pillée et
en regardant ensuite où rentrent les abeilles blanchies ; lorsqu'il y a
seulement une ruche pillarde et une ruche pillée, on permute les deux ruches,
et le pillage s'arrête immédiatement ; les entrées des autres ruches sont
remises à la normale. Si on ne sait pas reconnaître d'où viennent les voleuses,
après avoir réduit l'entrée de la ruche pillée, y jeter une bonne poignée
d'herbe verte non pressée et la mouiller, les abeilles de l'intérieur pourront
sortir, mais les pillardes hésiteront à traverser cet obstacle ; pendant
ce temps, les assiégées reprendront la défensive, qui leur sera facilitée. Ne
pas boucher entièrement l'entrée : il faut que les abeilles puissent
passer si peu que ce soit, autrement la chaleur dégagée par la nombreuse
population risque de les étouffer. Maintenir l'herbe mouillée jusqu'au soir et
y ajouter quelques gouttes d'acide phénique ou de pétrole si les rôdeuses ne
s'en vont pas. Un autre moyen pour arrêter le pillage consiste à placer un chasse-abeilles
à l'entrée, de manière que les abeilles puissent entrer et non sortir, assurer
la ventilation s'il fait chaud, le lendemain enlever le chasse-abeilles, le
pillage étant arrêté. Bien entendu, on aura remédié à la cause du pillage pour
éviter qu'il ne reprenne : boucher fentes et trous inutiles de la ruche
attaquée, etc. ...
S'il s'agit d'un pillage généralisé, le cas est plus grave ;
un nuage d'abeilles irritées survole le rucher, impossible de s'approcher sans
masque, vous êtes assailli de toutes parts, c'est une guerre sans merci. Il
faut agir vite afin d'arrêter le désastre ; allumer de l'herbe humide de
place en place pour faire beaucoup de fumée (attention au feu) et, comme déjà
indiqué, rétrécir les entrées au passage d'une ou deux abeilles et y mettre de
l'herbe mouillée ; on peut aussi suspendre du linge ou papier blanc autour
des colonies attaquées ; nous avons lu aussi qu'un morceau de verre ou de
miroir placé devant l'entrée rétrécie décourageait les pillardes.
Comme il est plus facile de prévenir que guérir,
l'apiculteur avisé évitera toute maladresse ou cause de pillage, surtout
lorsque la miellée est terminée, l'inactivité étant mauvaise conseillère, comme
chez les humains.
Roger GUILHOU,
Expert apicole.
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