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Causerie vétérinaire

L'épilepsie

L'épilepsie — le haut mal ou mal caduc — serait une maladie assez répandue chez les chiens si l'on attachait quelque importance à la croyance populaire. C'est que là, comme en beaucoup d'autres points touchant à la médecine, le profane a tendance à attribuer à une seule maladie des symptômes qui lui paraissent identiques, alors qu'en réalité l'œil averti sait distinguer les différences notables. Or les signes d'agitation, les troubles et crises nerveuses dont les chiens sont parfois atteints peuvent provenir de l'épilepsie proprement dite, et, en ce cas, elles revêtent une particulière gravité, ou encore de maladies d'origines très différentes : acariase ou gale auriculaire, vers intestinaux, etc. ...

L'épilepsie peut être observée chez tous nos animaux domestiques, mais nous ne l'envisagerons ici que chez le chien et le chat. C'est une maladie nerveuse chronique qui se traduit par des convulsions avec perte de la connaissance et de la sensibilité. L'origine de cette affection est assez complexe ; elle peut être la conséquence de lésions essentielles du système nerveux ; mais, plus fréquemment, elle résulte d'une infection microbienne ou toxique. Pratiquement, c'est comme complication de la maladie du jeune âge du chien qu'on la rencontre surtout ; elle en constitue d'ailleurs la forme la plus grave et la plus difficile à guérir.

L'épilepsie doit donc être considérée non pas comme une maladie propre, mais comme un syndrome, c'est-à-dire comme la réunion d'un groupe de symptômes qui donnent lieu à des attaques convulsives avec perte de connaissance.

Les lésions cérébrales (méningite, myélite), les parasites du cerveau, certains empoisonnements (strychnine), la maladie du jeune âge et d'autres maladies infectieuses peuvent provoquer des crises d'épilepsie. Beaucoup d'autres causes, indépendamment de lésions nerveuses, peuvent exciter passagèrement le système nerveux et produire, par action réflexe, des attaques épileptiformes : ce sont les ulcères de l'estomac, les perforations de cet organe par des os ou des esquilles osseuses pointues, les vers intestinaux et les affections parasitaires de l'oreille. A ce propos, nous ne saurions mieux faire que de renvoyer le lecteur à notre Causerie du n° 625 de mars 1949, entièrement consacrée aux crises épileptiformes observées chez le chien atteint de gale des oreilles.

Cependant, certains individus semblent être prédisposés à l'épilepsie : les chiens de races distinguées, setters anglais et setters irlandais notamment, en sont plus souvent atteints que les chiens de rue. La consanguinité peut être une cause prédisposante. En tout cas, l'hérédité joue un très grand rôle, et les animaux ayant contracté l'épilepsie peuvent engendrer des épileptiques, d'où l'indication de ne pas les livrer à la reproduction.

Symptômes.

— Chez le chien, la crise épileptique éclate parfois brusquement, ou bien elle est précédée de prodromes propres à chaque malade.

Certains chiens crient ou se plaignent avant l'attaque ; d'autres s'agitent, courent, flairent, heurtent tout ce qu'ils rencontrent sur leur passage ; d'autres ont des symptômes de malaise, changent fréquemment de place, tournent en cercle, sourds au commandement ; certains sont pris de frayeur subite ; il en est enfin qui sont affectés d'une grands tristesse et d'une inquiétude extrême.

Puis, tout à coup, le malade s'arrête, l'œil hagard, hébété : il n'entend plus, ne voit plus, en un mot perd connaissance ; ses membres se raidissent, le corps est secoué de convulsions plus ou moins violentes ; l'animal tombe, écume, bave, les pupilles sont dilatées, les dents s'entrechoquent ; souvent même il y a expulsion involontaire de l'urine et des matières fécales. L'accès dure rarement plus de quelques minutes ; après un moment d'accalmie, le malade se secoue, se relève, les muqueuses plus ou moins violacées, puis revient à son état normal, et toute trace de l'attaque disparaît.

— Chez le chat, les accès surviennent subitement et durent le plus souvent quatre à cinq minutes ; le malade est saisi par des tremblements, chancelle et tombe raide, secoué par des convulsions ; les dents s'entrechoquent, blessant parfois la langue ; une salive mousseuse et parfois sanguinolente s'écoule de la bouche ; enfin la crise se termine, le malade se relève et revient à l'état normal.

Nous croyons devoir signaler ici une maladie se traduisant par des symptômes rappelant ceux de l'épilepsie : l’éclampsie, maladie aiguë pouvant apparaître chez les chiennes et les chattes dans les jours qui précèdent ou qui suivent l'accouchement, et se montrant également chez les jeunes chats. Dans le premier cas, elle reconnaît pour cause une infection d'origine utérine et rénale ; dans le second, une auto-intoxication due à des troubles gastro-intestinaux ou à la maladie du jeune âge. Le traitement indiqué ci-après pourra lui être appliqué.

Traitement.

— Chez le chien, dans la grande majorité des cas de crises considérées comme relevant du haut mal, il s'agit surtout de crises épileptiformes et non d'épilepsie essentielle. L'indication première est donc de rechercher la cause des accès.

Les deux affections les plus répandues, capables d'entraîner les crises épileptiformes, sont l'acariase auriculaire ou gale de l'oreille et les vers intestinaux. Nous avons longuement entretenu nos lecteurs de la première (voir notre Causerie du numéro de mars 1949). Quant au traitement du téniasis du chien et du chat, il a fait l'objet de ma Causerie de mai 1950, n° 639.

L'épilepsie étant presque toujours symptomatique d'une autre affection, il faut donc s'attacher à traiter la maladie causale. Si l'indication étiologique ne peut être remplie, on aura recours aux calmants du système nerveux, principalement aux bromures de potassium, de sodium ou de strontium. Il faut d'abord mettre le chien dans un lieu obscur, à l'abri des causes d'excitation. Voici une potion qui donne ordinairement de bons résultats :

Bromure de potassium 0gr,50 5 grammes ;
== de sodium 0gr,25 2gr,50 ;
== de strontium 0gr,25 2gr,50 ;
Sirop d'écorce d'orange amère 100 centicubes 400 centicubes.

Les premières petites doses conviennent aux petits chiens et aux chats.

Pendant une semaine, faire prendre une cuillerée à café (animaux de petite taille), une cuillerée à soupe au moment des repas, deux ou trois par jour. La semaine suivante, faire prendre 3 à 5 cuillerées par jour ; la troisième semaine, repos.

Le gardénal peut aussi être administré sous forme de comprimés, de préférence entre les repas aux doses suivantes : 10 à 30 centigrammes chez le chien ; 5 à 10 centigrammes chez le chat. On a avantage à fractionner les doses ; les diminuer progressivement dès qu'une amélioration se produit.

M. MOREL,

Médecin vétérinaire.

Le Chasseur Français N°656 Octobre 1951 Page 596