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Au rucher

Le miel

On sait que le miel ne se trouve pas dans les fleurs à l'état naturel, mais qu'il provient de la concentration et de l'inversion par les abeilles du nectar contenu dans les nectaires des fleurs ou du miellat recueilli sur les feuilles de certains arbres. Au moyen d'une diastase, l'invertine, contenue dans son jabot, l'abeille transforme le nectar, composé surtout de saccharose, en glucose et lévulose, ou sucre interverti directement assimilable.

Les nectaires sont des glandes, situées sur les plantes et les fleurs, qui sécrètent le nectar en transformant la sève en un liquide sucré. C'est ce liquide sucré que les abeilles sucent à l'aide de leur langue et emmagasinent dans leur jabot. La teneur du nectar en sucre varie selon la plante qui le donne, le terrain, la température et le degré d'humidité de l'air ; c'est ce qui explique, par exemple, que le sainfoin, extrêmement mellifère en France, n'a pas donné de bons résultats en Amérique. De même telle fleur donnera abondamment certains jours et cessera brusquement, si les conditions atmosphériques nécessaires ne sont pas réunies. On voit par là combien il est délicat d'affirmer que telle plante est mellifère ou non ; ce qui est vrai ici peut ne plus l'être ailleurs.

Quoi qu'il en soit, le nectar contient plus d'eau que de saccharose dans la proportion des trois quarts environ. La butineuse, de retour à la ruche, ne dépose pas sa récolte dans une cellule, mais la transmet à une jeune abeille qui la pompe avec sa langue ; la butineuse gagne ainsi un temps précieux qui lui permet de repartir plus tôt vers les sources nectarifères. Les jeunes abeilles disposent le nectar sur de grandes surfaces dans les cellules disponibles, et, là, il subit une concentration par évaporation de l'excès d'eau, grâce au travail des ventileuses, jusqu'à ce que la proportion d'eau soit ramenée à 20 p. l00 environ au lieu de 75 p. 100. Par les belles soirées de mai, on entend le bruissement d'ailes des ventileuses à plusieurs mètres de la ruche ; c'est une bien douce musique pour l'oreille d'un apiculteur, car ceci est l'indice d'une récolte certaine.

Arrivé au point voulu, le miel est mûr ; il est alors emmagasiné dans les cellules, qui sont ensuite cachetées par un mince opercule de cire, lequel l'isolera du contact de l'air et permet ainsi une très longue conservation. Cependant il ne faut pas oublier que le miel est une matière vivante et, comme telle, en constante évolution chimique, ce qu'on peut vérifier par l'analyse d'un même miel à différentes époques.

Dans la généralité des cas, le miel contient environ 35 p. 100 de glucose, 35 p. 100 de lévulose, 6p. 100 de saccharose, 22 p. 100 d'eau, quelques matières albuminoïdes et minérales (phosphate de fer et phosphate de chaux), gommes, invertine et acide formique ; on note également la présence de vitamines.

Nous verrons, dans une autre causerie, les usages médicaux du miel, mais d'ores et déjà nous pouvons dire que c'est un aliment unique dans la nature ; prédigéré, il convient aux estomacs délicats des enfants et des vieillards ; grâce à la diastase invertine et à l'acide formique, c'est le meilleur reconstituant qui puisse exister, en même temps qu'un tonique et antiseptique des voies digestives ; l'usage régulier du miel est un brevet de longue vie.

Il y a différents miels comme il y a différents vins, selon les contrées et les variétés de plantes sur lesquelles le nectar a été récolté ; il est donc normal que son goût, sa couleur et ses propriétés soient extrêmement variables. En principe, les plus clairs sont les plus estimés, quoique chacun préféra en général celui produit dans sa région et auquel il est habitué ; il n'y a donc pas de règle immuable ; c'est ainsi, par exemple, qu'à Narbonne on préfère le miel parfumé de pays à celui de sainfoin genre Gâtinais, trouvé trop fade. Jusqu'à présent, c'est la classification par région qui compte : Corbières, Gâtinais, Landes, Bretagne ; dans le commerce de gros, par contre, on tend à vendre le miel selon sa teinte grâce à un appareil, appelé melloscope, composé de sept plaquettes de verre coloré et numéroté ; le miel est offert en indiquant le numéro correspondant exactement à sa couleur ou les deux numéros intermédiaires ; l'acheteur connaît ainsi la teinte du miel qu'il veut acquérir. A notre point de vue, il serait mieux classifié si on indiquait la plante dominante qui a fourni le nectar ; chacun pourrait choisir selon son goût ou les vertus particulières de la fleur désignée ; nous aurions ainsi :

  • 1° Miels clairs à parfum peu prononcé : sainfoin, trèfle, acacia ;
  • 2° Miels clairs parfumés : lavande, romarin, serpolet, lavandin, thym ;
  • 3° Miels foncés : bruyère, sarrasin ;
  • 4° Miels pharmaceutiques : tilleul, ronce, sapin, etc. ...

De mauvais miels d'importation risquant de jeter le discrédit sur ce produit sans égal qu'est notre bon miel de France, la tendance actuelle est la vente avec indication du lieu de récolte.

Nous savons tous que le miel est hygrométrique ; il faudra donc le loger dans des récipients hermétiquement clos pour le mettre à l'abri de l'air et de l'humidité, après l'avoir laissé épurer. Il sera utile également de le malaxer avant la mise en pots pour obtenir une fine granulation, rien n'étant plus désagréable que ces gros cristaux qui peuvent laisser croire à une falsification chez les consommateurs non avertis.

Pour l'emballage, utiliser des récipients en fer étamé, verre, grès ou carton paraffiné ; éviter la tôle galvanisée ; zinc ou cuivre, à cause des sels vénéneux qui se produiraient au contact du miel.

Quoi qu'on en ait dit, les falsifications du miel sont très rares ; la seule susceptible de se faire est l'addition de sucre ou glucose, facilement décelée en laboratoire par l'examen polarimétrique.

Afin de faciliter la vente, le miel sera présenté dans des emballages de formes plaisantes, avec indication du rucher et du nom de l'apiculteur, ce qui est une garantie pour tous ; en effet, ce dernier ne livrera sous son nom que des produits de choix, et le consommateur saura, après l'avoir goûté une fois, que le miel de telle marque lui donnera toute satisfaction et qu'il peut l'acheter en confiance.

GUILHOU,

Expert apicole.

Le Chasseur Français N°656 Octobre 1951 Page 620