Accueil  > Années 1951  > N°657 Novembre 1951  > Page 667 Tous droits réservés

Le cyclisme, en hiver, a ses secrets.

Et toc ! Nous voici en novembre.

Pluie, froid, neige, brouillard ; toutes choses qui tendraient à nous faire accroire que l'activité cycliste doit cesser.

Quelle erreur ! Le vélo a cela de particulier qu'il peut être utilisé par tous les temps. Oh ! bien sûr, les longues randonnées sont terminées et remplacées par de courtes promenades ; les courses sur route (qui n'ont plus lieu que dans les régions azuréennes) le sont généralement par des cyclo-cross ou des manifestations de la piste.

Mais le vélo dit utilitaire n'est pas rentré pour autant. Levons-nous, tôt, pour une fois, et parcourons les banlieues ou les campagnes ; nous serons surpris d'y rencontrer autant de pédaleurs, gagnant l'atelier, le magasin, le bureau ou la ferme sous le couvert d'un chaud vêtement et la protection des nécessaires feux blanc et rouge. Car la vie cycliste du travailleur commence, bien souvent, avant le jour pour finir après lui.

Que l'usage du vélo soit rendu plus difficile l'hiver, c'est un fait. Pas autant, cependant, que tout un chacun le suppose.

Est-il tellement bien de patauger lamentablement à pied ou de se geler le corps dans l'attente d'un engin de transport en commun, colporteur des pires germes d'épidémies ? Certes, non.

Mais il importe d'équiper convenablement sa machine, et soi-même.

Le randonneur a, depuis longtemps, tout prévu — et plus — pour se protéger et disposer de toutes les facilités mécaniques que l'industrie française du cycle — la première de toutes — met à sa disposition.

Le coureur, par contre, si peu enclin à s'embarrasser, devra ajouter à son vélo une paire de garde-boue et un éclairage adéquats. Il baissera sa selle d'un centimètre et diminuera ses développements, l'idéal étant qu'il ne s'astreigne qu'à utiliser les petits.

*
* *

Nous nous intéresserons particulièrement, aujourd'hui, au monsieur (ou la dame) pour qui la pratique cycliste est un acte journalier, conséquence directe ou indirecte de son travail.

Disons-le tout net : un vélo spécial s'impose, en dehors de celui destiné à la compétition, impropre à la circulation urbaine, et de celui de cyclotouriste, la plupart du temps nanti d'une position qui ne permet guère de laisser intacts la ligne et le pli au vêtement de ville, coiffure et chaussures comprises.

Ce vélo donc devrait être monté avec pneus demi-ballons, roues de 650, garde-boue très enveloppants avec bavette à l'avant (et même à l'arrière), selle plus confortable que le modèle à 2 fils (ou, pour le moins, un peu plus large au croissant que la « spéciale course »), pédales caoutchoutées très larges exemptes de cale-pieds, porte-bagages, éclairage sérieux au moins autant pour le feu rouge que pour le feu blanc avant, qu'on évitera d'être aveuglant. Le guidon en sera ou plat modèle porteur, ou plat modèle trials (avec arrondis), ou très légèrement relevé. Je dis très légèrement relevé, car le guidon haut, à la manière des Danois ou des Hollandais, oblige à un mauvais effort des reins en supprimant toute possibilité de tirer dessus. Il comporterait aux extrémités ces accessoires si utiles l'hiver, en forme d'entonnoirs, que certains confectionnent avec du papier, mais qu'on trouve dans le commerce et qui protègent les mains des morsures du froid, autant, sinon plus, que les meilleurs gants fourrés dont, néanmoins, on ne saurait se passer. Naturellement, les poignées de freins se trouveraient à l'intérieur de ces cornets protecteurs.

Sur le plan utilitaire, le dérailleur — cette merveille des merveilles — rend service à qui doit couvrir des kilomètres de route avec des vents différents, sur des parcours plus ou moins accidentés où il sera loisible de pousser moins fort pour monter une côte (grâce à la démultiplication possible) et de se laisser glisser en roue libre dans une descente.

*
* *

Naturellement, les classiques soins d'entretien à apporter au vélo (huilage des roulements, graissage de la chaîne et des parties susceptibles de rouiller) sont à intensifier l'hiver. Voyons, d'abord, si nos chambres à air se portent bien et obstruons (par l'intérieur) les trous que les silex ont pu faire aux enveloppes.

La chaîne, si elle a été montée au sortir d'un bain de suif, pourra n'être qu'entretenue, sans jamais l'essuyer.

Chacun doit savoir que l'huilage d'un vélo se fait en quatre temps :

Vélo couché à plat sur le côté gauche (premier temps), sur le côté droit (deuxième temps) ; à l'issue de quoi moyeux, pédalier, pédales ont touché leur ration de lubrifiant. Vélo posé sur la selle et le guidon, roues en l'air (troisième temps), pour huiler les cuvettes de direction, les freins, les câbles, les pédales (si elles ont un graisseur), la chaîne, la roue libre, le dérailleur.

Vélo debout (quatrième temps) pour essuyer les « bavures » d'huile, et notamment le long des rayons. On devra s'assurer, longtemps encore après le travail, que l'huile n'a pas coulé jusqu'à la jante, risquant dès lors d'atteindre mèche ou chambre à air (pour le pneu), ruban adhésif et fil (pour le boyau).

*
* *

En hiver, le vêtement protecteur à conseiller est la pèlerine enveloppante (contre la pluie), le pardessus mi-corps (contre le froid), pour qui doit s'astreindre à conserver la tenue dite de ville, car il est certain que l'anorak et le maillot de laine font partie de l'équipement type du cycliste.

Reste la question des pieds ! Le cyclo-cross est venu à leur secours en rétablissant la circulation sanguine dans ces basses extrémités au moyen de la course à pied d'accompagnement. Mais le facteur, le clerc de notaire, le serrurier, le laboureur ou le banquier, s'ils peuvent condescendre à marcher (parfois), ne vont tout de même pas courir avenue du Bois, avenue de Clichy, sur la Canebière, les Quinconces, la place des Terreaux, Grand'Rue ou Impasse du Billard !

Je répète que nous nous intéressons actuellement à l'usager quotidien.

Alors donc, la protection possible consiste à porter des chaussures dans lesquelles on est à l'aise, mettre des bas de laine, porter des guêtres (eh ! oui, sans qu'il y manque un bouton) et installer sur les pédales une sorte de protège-pieds à la manière des protège-mains conseillés plus haut (cet accessoire pénétrera vraisemblablement dans le commerce un jour).

*
* *

Ce qui précède étant écrit pour le vélo mû, uniquement, par la force musculaire, il n'en est pas moins vrai que l'usager d'un moteur pourra s'inspirer de bien des conseils exposés plus haut, notamment pour les pieds, les mains et le vêtement.

Ce dernier sera plus chaud encore, le pilote d'un vélo à moteur n'étant pas appelé à pédaler beaucoup. Sans doute aura-t-il intérêt à se couvrir les jambes au moyen de cuissards, comme le font les chasseurs.

Je n'ai rien dit sur la coiffure. Couvrons-nous la tête en hiver et prévoyons de porter des lunettes pour protéger les yeux, ne serait-ce que contre la bise.

Novembre ne doit pas être un mois creux ...

*
* *

Prenez le temps d'envisager la réparation ou le renouvellement de votre matériel ; les maisons de cycles ont plus de temps à consacrer à leurs clients qu'à Pâques, lorsque le printemps invite à la randonnée, ou en juillet, lorsque la frénésie des vacances agite tout un monde.

René CHESAL.

Le Chasseur Français N°657 Novembre 1951 Page 667