Et toc ! Nous voici en novembre.
Pluie, froid, neige, brouillard ; toutes choses qui
tendraient à nous faire accroire que l'activité cycliste doit cesser.
Quelle erreur ! Le vélo a cela de particulier qu'il peut
être utilisé par tous les temps. Oh ! bien sûr, les longues randonnées
sont terminées et remplacées par de courtes promenades ; les courses sur
route (qui n'ont plus lieu que dans les régions azuréennes) le sont
généralement par des cyclo-cross ou des manifestations de la piste.
Mais le vélo dit utilitaire n'est pas rentré pour autant.
Levons-nous, tôt, pour une fois, et parcourons les banlieues ou les
campagnes ; nous serons surpris d'y rencontrer autant de pédaleurs,
gagnant l'atelier, le magasin, le bureau ou la ferme sous le couvert d'un chaud
vêtement et la protection des nécessaires feux blanc et rouge. Car la vie
cycliste du travailleur commence, bien souvent, avant le jour pour finir après
lui.
Que l'usage du vélo soit rendu plus difficile l'hiver, c'est
un fait. Pas autant, cependant, que tout un chacun le suppose.
Est-il tellement bien de patauger lamentablement à pied ou
de se geler le corps dans l'attente d'un engin de transport en commun,
colporteur des pires germes d'épidémies ? Certes, non.
Mais il importe d'équiper convenablement sa machine, et
soi-même.
Le randonneur a, depuis longtemps, tout prévu — et plus —
pour se protéger et disposer de toutes les facilités mécaniques que l'industrie
française du cycle — la première de toutes — met à sa disposition.
Le coureur, par contre, si peu enclin à s'embarrasser, devra
ajouter à son vélo une paire de garde-boue et un éclairage adéquats. Il
baissera sa selle d'un centimètre et diminuera ses développements, l'idéal
étant qu'il ne s'astreigne qu'à utiliser les petits.
* * *
Nous nous intéresserons particulièrement, aujourd'hui, au
monsieur (ou la dame) pour qui la pratique cycliste est un acte journalier,
conséquence directe ou indirecte de son travail.
Disons-le tout net : un vélo spécial s'impose, en
dehors de celui destiné à la compétition, impropre à la circulation urbaine, et
de celui de cyclotouriste, la plupart du temps nanti d'une position qui ne
permet guère de laisser intacts la ligne et le pli au vêtement de ville,
coiffure et chaussures comprises.
Ce vélo donc devrait être monté avec pneus demi-ballons,
roues de 650, garde-boue très enveloppants avec bavette à l'avant (et même à
l'arrière), selle plus confortable que le modèle à 2 fils (ou, pour le moins,
un peu plus large au croissant que la « spéciale course »), pédales
caoutchoutées très larges exemptes de cale-pieds, porte-bagages, éclairage
sérieux au moins autant pour le feu rouge que pour le feu blanc avant, qu'on
évitera d'être aveuglant. Le guidon en sera ou plat modèle porteur, ou plat
modèle trials (avec arrondis), ou très légèrement relevé. Je dis très
légèrement relevé, car le guidon haut, à la manière des Danois ou des
Hollandais, oblige à un mauvais effort des reins en supprimant toute
possibilité de tirer dessus. Il comporterait aux extrémités ces accessoires si
utiles l'hiver, en forme d'entonnoirs, que certains confectionnent avec du
papier, mais qu'on trouve dans le commerce et qui protègent les mains des
morsures du froid, autant, sinon plus, que les meilleurs gants fourrés dont,
néanmoins, on ne saurait se passer. Naturellement, les poignées de freins se
trouveraient à l'intérieur de ces cornets protecteurs.
Sur le plan utilitaire, le dérailleur — cette merveille des
merveilles — rend service à qui doit couvrir des kilomètres de route avec des
vents différents, sur des parcours plus ou moins accidentés où il sera loisible
de pousser moins fort pour monter une côte (grâce à la démultiplication
possible) et de se laisser glisser en roue libre dans une descente.
* * *
Naturellement, les classiques soins d'entretien à apporter
au vélo (huilage des roulements, graissage de la chaîne et des parties
susceptibles de rouiller) sont à intensifier l'hiver. Voyons, d'abord, si nos
chambres à air se portent bien et obstruons (par l'intérieur) les trous que les
silex ont pu faire aux enveloppes.
La chaîne, si elle a été montée au sortir d'un bain de suif,
pourra n'être qu'entretenue, sans jamais l'essuyer.
Chacun doit savoir que l'huilage d'un vélo se fait en quatre
temps :
Vélo couché à plat sur le côté gauche (premier temps), sur
le côté droit (deuxième temps) ; à l'issue de quoi moyeux, pédalier,
pédales ont touché leur ration de lubrifiant. Vélo posé sur la selle et le
guidon, roues en l'air (troisième temps), pour huiler les cuvettes de
direction, les freins, les câbles, les pédales (si elles ont un graisseur), la
chaîne, la roue libre, le dérailleur.
Vélo debout (quatrième temps) pour essuyer les
« bavures » d'huile, et notamment le long des rayons. On devra
s'assurer, longtemps encore après le travail, que l'huile n'a pas coulé jusqu'à
la jante, risquant dès lors d'atteindre mèche ou chambre à air (pour le pneu),
ruban adhésif et fil (pour le boyau).
* * *
En hiver, le vêtement protecteur à conseiller est la
pèlerine enveloppante (contre la pluie), le pardessus mi-corps (contre le
froid), pour qui doit s'astreindre à conserver la tenue dite de ville, car il
est certain que l'anorak et le maillot de laine font partie de l'équipement
type du cycliste.
Reste la question des pieds ! Le cyclo-cross est venu à
leur secours en rétablissant la circulation sanguine dans ces basses extrémités
au moyen de la course à pied d'accompagnement. Mais le facteur, le clerc de
notaire, le serrurier, le laboureur ou le banquier, s'ils peuvent condescendre
à marcher (parfois), ne vont tout de même pas courir avenue du Bois, avenue de
Clichy, sur la Canebière, les Quinconces, la place des Terreaux, Grand'Rue ou
Impasse du Billard !
Je répète que nous nous intéressons actuellement à l'usager
quotidien.
Alors donc, la protection possible consiste à porter des
chaussures dans lesquelles on est à l'aise, mettre des bas de laine, porter des
guêtres (eh ! oui, sans qu'il y manque un bouton) et installer sur les
pédales une sorte de protège-pieds à la manière des protège-mains conseillés
plus haut (cet accessoire pénétrera vraisemblablement dans le commerce un
jour).
* * *
Ce qui précède étant écrit pour le vélo mû, uniquement, par
la force musculaire, il n'en est pas moins vrai que l'usager d'un moteur pourra
s'inspirer de bien des conseils exposés plus haut, notamment pour les pieds,
les mains et le vêtement.
Ce dernier sera plus chaud encore, le pilote d'un vélo à
moteur n'étant pas appelé à pédaler beaucoup. Sans doute aura-t-il intérêt à se
couvrir les jambes au moyen de cuissards, comme le font les chasseurs.
Je n'ai rien dit sur la coiffure. Couvrons-nous la tête en
hiver et prévoyons de porter des lunettes pour protéger les yeux, ne serait-ce
que contre la bise.
Novembre ne doit pas être un mois creux ...
* * *
Prenez le temps d'envisager la réparation ou le
renouvellement de votre matériel ; les maisons de cycles ont plus de temps
à consacrer à leurs clients qu'à Pâques, lorsque le printemps invite à la
randonnée, ou en juillet, lorsque la frénésie des vacances agite tout un monde.
René CHESAL.
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