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Courrier cynégétique

Le moineau et les canaris.

— À Toulouse, un abonné, M. Fauchier, n'a pas été peu surpris d'entendre un moineau faire des trilles harmonieuses : l'oiseau, recueilli tout jeune, avait été confié à un couple de canaris qui l'avait élevé en même temps que sa progéniture, et l'oiseau s'était mis progressivement au diapason.

Ponte tardive.

— Ayant découvert, le 10 août dernier, un nid de faucons crécerelles que m'avaient révélé les allées et venues des adultes, J'ai été fort surpris d'y trouver trois jeunes âgés vraisemblablement d'une dizaine de jours, alors qu'ordinairement on ne trouve plus de jeunes au nid après la fin de juin.

S'agirait-il d'une seconde couvée ? En admettant que la ponte ait eu lieu dès l'envol des premiers jeunes, cette hypothèse pourrait être retenue.

Serait-ce une ponte de remplacement ? Le nombre restreint des jeunes (il y en a d'habitude de 4 à 7) pourrait le laisser supposer, bien qu'une couvée de remplacement soit, en général, moins en retard sur les couvées normales.

À noter, en passant, que les reliefs des repas des jeunes consistaient exclusivement en carcasses de mulots et campagnols, certains même étaient intacts, ce qui confirme, encore une fois, l'utilité de ce joli rapace.

J.-C. S …, abonné du Puy-de-Dôme.

Le corbeau destructeur de gibier.

— Tout au début du mois de mai, un charretier d'une grosse ferme du nord du département de l'Oise conduisait son attelage dans les champs lorsqu'il aperçut, à moins de cent mètres de lui, un corbeau qui décrivait des cercles, à la façon d'un épervier, au-dessus d'un champ de blé pas encore très haut à cette époque de l'année, croissance retardée par un froid persistant et inaccoutumé. Le charretier, qui est en même temps chasseur, à qui rien n'échappe, en plaine, au cours du travail, surveilla l'oiseau qui, soudain, piqua vers le sol et se releva quelques instants après. Comme le corbeau volait vers le charretier, celui-ci remarqua qu'il tenait dans son bec, et non dans ses serres, comme une petite boule. Au moment où il passait au-dessus de lui, le charretier jeta sa casquette en l'air en imitant le cri du corbeau : « Croa ! Croa ! » Ce dernier, pris de peur, ouvrit le bec non pas pour lâcher un fromage, comme dans la fable, mais ... un tout jeune levraut qu'il venait de tuer et emportait, très probablement pour en gaver ses jeunes, au nid, dans un bois peu éloigné. Le levraut, pesé, accusa 240 grammes, presque une demi-livre. Je savais, par expérience, combien le corbeau est dangereux pour les oiseaux. Il détruit tous les nids, gobe les œufs, avale les oiselets, les poulets, dont il troue la tête d'un coup de son bec, véritable pioche. La pie fait de même. Je l'ai vu souvent opérer, fouillant des nids de grives, de merles, etc., et, chaque fois que j'ai pu — mais il est difficile à comprendre, — je l'ai fusillé sans hésitation. Cependant, à ma connaissance, je ne le croyais pas capable d'occire et enlever un levraut du poids indiqué ci-dessus. Les sociétés de chasse ont bien raison de verser une prime à ceux qui débarrassent leur territoire de ces ennemis sournois du gibier.

S. COLAS-DEVELLENNE, Noyers-Saint-Martin (Oise).

La dernière nuit de Maître Renard.

— En 1920, j'habitais chez mes parents, dans l'un des trois hameaux collés au flanc d'une petite montagne boisée dominant le Beaujolais, d'où l'on peut, les jours sans brume, admirer le long fil blanc de la Saône. L'hiver était très rigoureux et, pendant plusieurs semaines, la neige avait recouvert le sol d'une trentaine de centimètres d'épaisseur.

Presque chaque nuit. Maître Renard faisait, dans l'un de ces hameaux, de véritables hécatombes de volailles (si je me souviens bien, il en était à sa quarante-septième). Il faut bien dire que les poulaillers étaient tout à fait rudimentaires, étant faits de vieilles planches et recouverts, le plus souvent, avec de la fougère sèche. Pour le rusé, ce n'était donc qu'un jeu pour s'introduire à l'intérieur.

L'alarme étant donnée chez tous les habitants, chaque nuit où les poules se mettaient à crier, les gens étaient debout et, aidés des chiens, donnaient la chasse à l'intrus.

Or, une nuit, notre voisin le plus proche fut réveillé vers minuit par les cris des poules égorgées. Il se leva aussitôt, éclaira une lanterne tempête (on ne parlait pas de l'électricité dans nos hameaux à cette époque), ouvrit la fenêtre et tira en l'air un coup de fusil, puis, aidé de sa femme, le fils étant venu chercher du renfort chez nous, ils inspectèrent la cour, où ils ramassèrent quelques victimes.

Puis, pénétrant à l'intérieur du poulailler pour juger les dégâts, quelle ne fut pas leur surprise, en élevant la lanterne à hauteur du perchoir, de voir, tapi au milieu des poules, Maître Goupil qui n'avait pas bougé, mais dont la queue passant à travers les claires-voies venait de trahir sa présence.

Un coup de feu mit fin aux exploits du trop malin voleur. C'était un vieux renard quelque peu déplumé qui pesait 18 livres.

Nous arrivâmes donc, mes parents, mon frère et moi, pour voir un spectacle assez drôle : M. et Mme T ..., en chemise, l'un avec son fusil, l'autre avec sa lanterne, et tenant tous deux celui qui venait de mourir, sans avoir profité de ses dernières victimes.

Louis DESPLACE, abonné.

Reproducteur d'élite.

— La forêt de Compiègne, jadis si giboyeuse, est maintenant vide de petit gibier à cause des nombreux renards qui y pullulent ; ceux-ci font des coupes sombres parmi les chevrillards, dont on retrouve les restes au bord des terriers ; la nourriture se raréfiant par suite du nombre, ils se répandent à l'extérieur de la forêt, où les basses-cours reçoivent leur visite ; c'est ce qui motiva, dernièrement, une battue dont le résultat est bien amusant. M. D ..., demeurant à Vieux-Moulins, vit en effet rouler sous son plomb Maître Goupil, de magnifique allure ; quelle ne fut pas sa stupéfaction de constater que le matois portait au cou un collier dont l'étiquette mentionnait : Ministère de l'Agriculture, reproducteur sélectionné à protéger par tous les moyens. » Nous savions qu'à Compiègne existait un haras réputé pour les chevaux ; nous constatons que d'autres races d'animaux s'y perfectionnent. Quant au renard, il ne restera au malchanceux tueur que de le faire empailler, les chasseurs et voisins de la forêt sont les premiers à s'en réjouir ; ils en ont, en tout cas, bien ri.

L'abonné de Compiègne.

Méfait de martin-pêcheur.

— Il m'est arrivé plusieurs fois de voir des nichées de poules d'eau. Une des plus belles que j'aie vues comptait onze petits. Je me réjouissais déjà des beaux coups de fusils pour la prochaine ouverture s'il en restait quelques-unes, car j'avais remarqué que les nichées étaient décimées à mesure que les petits grossissaient. Or la poule d'eau est un gibier que j'affectionne, car, rusée, elle est difficile à chasser, et, ma foi, bien accommodée, si on a la précaution d'enlever la peau, c'est un morceau assez bon.

Les faits se passaient à Louhans ; quelques jours après cette découverte, revenant vers la « morte » où j'avais aperçu la nichée, je n'en vis plus que quatre, courant et sautant d'un nénuphar à l'autre. Bien caché derrière un saule, je les observai et, j'avais beau compter et recompter, il manquait bien sept petits. Soudain, sur un saule en face de moi, je vis un éclair bleu se poser : c'était un martin-pêcheur. Je l'admirais, brillant au soleil ; il penchait sa tête pour observer le reste de la nichée et la mère poule insouciante. Tout à coup il piqua sur l'un des petits et, d'un coup de bec, l'étendit raide sur l'eau, puis s'enfuit à toute vitesse. Je courus à la maison chercher mon épuisette et je ramenai le pauvre corps encore tiède ; le duvet était doux comme du velours. Pourquoi ce crime du martin-pêcheur assassin ? Est-ce un fait isolé, ou est-il bien l'auteur de la disparition des petites poules d'eau ! Je le savais pécheur, mais non destructeur de gibier.

Lucien VILLET, abonné.

Le Chasseur Français N°659 Janvier 1952 Page 15