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Causerie vétérinaire

La trombidiose

Parmi les nombreuses demandes de renseignements que nous recevons, l'une d'elles doit tout particulièrement retenir l'attention des chasseurs, lecteurs du Chasseur Français. Nous en extrayons les divers passages suivants : « Chassant dans la journée du 21 octobre avec des amis, nous avions sept chiens tous bien portants qui travaillèrent la journée entière à qui mieux mieux. Le lendemain soir apparurent les premiers symptômes du mal. Le 23, tous nos chiens sans exception titubaient comme s'ils avaient été ivres et roulaient à terre pour peu qu'ils tentent de faire demi-tour. La progression était difficile, les membres paraissant ne plus obéir. L'appétit restait bon. Le 24, le mal avait encore empiré. Le 26, il décroissait, et aujourd'hui 28 il ne reste que deux sujets sur les sept intoxiqués qui présentent encore un manque d'agilité des membres antérieurs seulement. C'est d'ailleurs le train arrière qui était chez tous le plus atteint.

» En examinant soigneusement les malades, on trouve sur le pelage, mais attachée à la peau, une substance orange foncé, rougeâtre, faisant penser à un amas de pollen de certaines fleurs, substance légèrement visqueuse dans laquelle il grouille des insectes rougeâtres, minuscules, qui, presque sûrement, sont des acariens, et des acariens doués d'une virulence particulière, s'introduisant au cerveau par le nez des chiens quêtants et causant alors les accidents que j'ai décrits.

» Si l'hypothèse que j'émets d'un acarien s'introduisant dans le nez par suite du reniflement de la quête et, de là, au cerveau de l'animal se justifie, comment l'empêcher d'entrer et, le fait existant, comment l'y détruire ? »

Avant de décrire l'acarien cause du mal, le trombidion soyeux, j'appelle l'attention du lecteur sur les termes employés par notre correspondant pour indiquer l'aspect de la peau : « Substance orange foncé, rougeâtre, dans laquelle grouillent des insectes rougeâtres, minuscules, etc. », faisant penser immédiatement à l'existence des rougets, forme larvaire du trombidion.

Le trombidion soyeux (Tr. holosericeum) à l'état adulte (voir fig. 1 ) est phytophage, se nourrissant exclusivement de matières végétales, tandis que le rouget est une larve hexapode, de forme orbiculaire d'abord, puis oblongue quand elle est repue. Elle est rouge orangé et a le corps parsemé de poils courts et écartés. À l'état de replétion, elle atteint 0mm,5 de longueur sur 0mm,25 de largeur (voir fig. 2). Enfin, elle vit en parasite sur l'homme et les animaux. Elle est connue depuis longtemps sous les noms de rouget, bête rouge, pique-août, août, etc. Elle pullule l'été et l'automne dans les forêts broussailleuses, dans les prairies, le gazon, sur une foule de plantes basses et d'arbrisseaux. De là, elle passe sur les animaux à sang chaud, lièvres, chiens de chasse, chats, etc. Sur l'homme, le rouget attaque surtout les jambes, la partie interne des cuisses et le bas-ventre. La blessure du rouget occasionne des démangeaisons vives, brûlantes, insupportables, et certainement que les chiens de notre correspondant ont eu à souffrir de semblables attaques, les lésions siégeant surtout aux pattes, au ventre et à la tête.

Parmi les animaux domestiques, ce sont, en effet, les chiens, et particulièrement les chiens de chasse, qui sont le plus exposés à cette trombidiose. Au cours, ou au retour, de la chasse, les chiens manifestent souvent de vives démangeaisons autour du nez et des yeux, aux pattes et au ventre. Un examen attentif en fait reconnaître la cause dans les rougets parfois errants, mais le plus souvent fixés par leur rostre à la base des poils. Rarement isolés, ils sont agglomérés au nombre de dix ou douze sur le même point. La trombidiose a son siège de prédilection à la tête, à la face interne des membres, sous la poitrine et l'abdomen, entre les doigts. À la suite des nombreuses inoculations de venin par les piqûres, on voit apparaître une éruption miliaire disséminée, vésico-purulente, sorte d'urticaire, accompagnée de prurit, d'insomnie, parfois de fièvre. La démarche est ébrieuse, le sujet paraissant être en état d'ivresse, avec parfois de la paralysie de l'arrière-train.

De quelle nature est le liquide inoculé ; est-ce un venin ou une toxine ? Il est difficile de se prononcer, car aucune étude n'en a jamais été faite. Mais, d'après les symptômes observés sur les chiens, il semblerait qu'on se trouve en présence d'un venin comparable à celui du scorpion, une sorte de poison du système nerveux qui, entraîné dans tout l'organisme par la circulation, va, d'une part, irriter les centres nerveux et, d'autre part, paralyser l'action des nerfs moteurs sur les muscles, cette double action se traduisant d'abord par une période d'excitation, suivie d'une période de paralysie.

Dans les régions boisées, comme dans le département de l'Ardèche, les chasseurs auraient intérêt de se munir, au départ pour la chasse, d'un flacon du liniment que nous indiquerons plus loin, de façon à pouvoir intervenir auprès d'un malade dès l'apparition des premiers symptômes de la trombidiose. Au retour, il est nécessaire de procéder à un examen attentif des régions du chien que nous avons indiquées comme étant le lieu de prédilection des rougets, ainsi d'ailleurs qu'on doit le faire pour la recherche des tiques, tiquets ou ricins, ceux-ci pouvant inoculer, dans le sang du chien, des protozoaires d'une maladie parfois très grave : la piroplasmose.

Avant le départ pour la chasse, il convient d'employer, comme agent préventif de la trombidiose, une solution phéniquée légère, à 1 ou 2 p. 100, ou crésylée au même titre. D'ailleurs, cette maladie ne peut avoir quelque gravité que si elle est abandonnée à elle-même. Elle disparaît vite après quelques frictions faites avec un chiffon imbibé de benzine, de glycérine benzinée, d'une solution alcoolique de baume du Pérou. Enfin on recommande, comme plus actif et cicatrisant, en cas de plaies consécutives au grattage, le liniment suivant :

Naphtaline 2 grammes.
Benzine 60
Huile de vaseline 30

MOREL,

Médecin vétérinaire.

Le Chasseur Français N°660 Février 1952 Page 83