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Pourquoi tous ces insecticides aux noms barbares ?

— À mon père malade, un médecin ami demandait un jour : « À quoi vous soigne-t-on ? — À l'Électrargol. — Cela guérissait, autrefois. » Ce que j'avais pris pour une boutade n'en était pas une. L'histoire de Mithridate, qui, de peur d'être empoisonné, avait habitué son corps aux poisons par l'absorption de doses de plus en plus fortes, est encore présente à beaucoup de mémoires. De même, il se trouve toujours quelques microbes pour échapper à leurs poisons (que sont les remèdes) et pour donner naissance à des nouvelles générations de microbes « mithridatisés », ce qui oblige la médecine à chercher sans cesse de nouveaux remèdes.

L'utilisation intensive du D. D. T. avait laissé espérer la disparition de nos demeures de la mouche commune. Mais des recherches scientifiquement conduites ont démontré que musca domestica s'immunise bien contre le D. D. T. ».

La guerre, par ses énormes demandes en cuivre et en plomb, arrêta pratiquement la fabrication de l'arséniate de plomb et du vert de Paris. L'approvisionnement en pyrèthre fut rendu très aléatoire. De divers côtés, on cherche si, parmi des produits faciles à fabriquer synthétiquement, il ne s'en trouverait pas quelques-uns doués d'un pouvoir insecticide suffisant. Pendant que les Américains expérimentaient avec le D. D. T., Français et Anglais découvraient les propriétés du H. C. H. De leur côté, les Allemands sortaient des insecticides à formule compliquée.

Les deux insecticides les plus connus sont certainement le D. D. T. et le H. C. H. (avec son dérivé le S. P. C.). Le second fut présenté, par des journalistes enthousiastes, comme un super D. D. T. Or il s'agit de deux corps dont les effets sont souvent différents. C'est ainsi que le carpocapse des pommes et des poires, très sensible au D. D. T. sous forme concentrée, résiste très bien au H. C. H. ou au S. P. C.

Devant la réussite commerciale des produits précités, des chercheurs en ont expérimenté d'autres, parfois avec succès. C'est ce qui nous a valu cette floraison de nouveaux insecticides à base d'esters phosphoriques, de phénothiazine, etc. ... Les conséquences en sont heureuses, car il est des insectes plus sensibles à certains de ces produits qu'à d'autres. De plus, grâce à la diversité des nouveaux produits mis à la disposition des agriculteurs, la « mithridatisation » des insectes sera retardée, permettant peut-être, d'ici là, la découverte d'un insecticide omnivalent.

Jean MORISSET,

Montesquieu (L.-et-G.).

Le Chasseur Français N°660 Février 1952 Page 98