Nous avons commenté dans notre dernière chronique (1) les
conseils aux campeurs donnés, l'an dernier, par une circulaire de M. A. Morice,
alors Secrétaire d'État à l'Enseignement technique, à la Jeunesse et aux
Sports. Le paragraphe 4 est relatif au feu et à la protection contre
l'incendie.
Après avoir attiré l'attention sur les dégâts causés ces
dernières années par des imprudences qui « ont été rarement commises par
des campeurs », la circulaire rappelle l'article 148 du code forestier
interdisant de « porter ou d'allumer des feux à l'intérieur des forêts ou
à moins de 200 mètres de leur lisière » ; et elle ajoute :
« Cette disposition est applicable également aux bois
appartenant à des particuliers et est encore renforcée dans certaines zones où
les précautions doivent être des plus sévères. C'est ainsi qu'il est absolument
interdit de camper dans les forêts du Var, dans celles de Versailles, de
Meudon, Fosses Reposes et la Malmaison.
» Ce n'est que par tolérance que des autorisations
exceptionnelles d'allumer un feu en forêt peuvent être accordées. Il faut
toujours, auparavant, se mettre d'accord avec le garde des Eaux et Forêts pour
allumer un feu, et le faire seulement à l'endroit choisi par ce dernier, après
avoir débarrassé le sol, sur une large étendue, des brindilles, feuilles et
herbes.
Cette question du feu a fait, et fera encore, couler
beaucoup d'encre. Les campeurs ont été chargés de tous les péchés d'Israël, et
cependant la circulaire reconnaît que bien rarement les campeurs ont été les
coupables. Et cela nous a fait beaucoup de plaisir de voir qu'officiellement on
savait le reconnaître.
L'accusation contre les campeurs d'avoir mis le feu à un
bois n'est pas récente. Et cependant, dans l'immense majorité des cas, ceux-ci
ne sont pas coupables.
D'abord parce qu'ils font attention beaucoup plus que
d'autres à l'incendie, dont ils seraient les premières victimes. Un équipement
de camping coûte cher, très cher même, et le campeur sait qu'il serait le
premier lésé par un incendie ...
D'un autre côté, il est tellement normal de faire attention
au feu allumé pour la cuisine que ce n'est pas de ce côté qu'est le danger le
plus réel ...
La plupart des feux de forêts sont le fait d'une imprudence
de touriste en promenade, cigarettes jetées encore allumées, ou même tesson de
bouteille laissé dans un fourré par les pique-niqueurs du dimanche. Ce dernier
forme loupe et met le feu à de la mousse sèche avec une facilité effarante.
Certes, des précautions sont à prendre, principalement avec
le feu de bois, qui est à proscrire dans nos régions. Je sais bien que ce
dernier est rempli de poésie et que rien ne la remplacera pour griller un steak
ou une entrecôte, mais les réchauds sont bien pratiques et moins dangereux. Il
faut néanmoins déblayer la place où ils seront posés et, si possible, les
isoler d'un sol forestier par des pierres, ou un support quelconque.
Revenons à la circulaire qui indique, en quelques mots, ce
que le campeur doit faire si ; par malheur, un commencement d'incendie se
déclare.
« Pour éteindre le feu, séparer légèrement les braises,
les écraser, les noyer, puis les recouvrir de terre humide. Ne jamais disperser
ni enterrer les braises sans s'assurer qu'elles sont éteintes et refroidies. Le
feu peut se propager dans le sol par les feuilles mortes ou les racines. En cas
de commencement d'incendie, se munir de branchages garnis de leurs feuilles et
de leurs rameaux et d'environ 1m,50 de longueur. Battre avec ces
branchages les parties du sol gagnées par le feu, en entourant le foyer et en
le réduisant vers le centre. Supprimer les branches menacées par le feu.
» Prévenir en tout cas immédiatement le garde, ou toute
personne se trouvant dans le voisinage. La rapidité d'intervention des secours
est décisive. »
Rien à ajouter à ces conseils fort pertinents. Mais répétons
une fois de plus qu'il vaut mieux prendre cent précautions avant que
d'avoir à éteindre un incendie !
Le paragraphe 5 de la circulaire recommande à juste raison de
respecter la forêt et les récoltes. Le bois utilisé pour le feu — si
celui-ci est toléré — doit être du bois mort ramassé à terre. Une
autorisation de le ramasser est d'ailleurs nécessaire. Respecter les arbres. Ne
pas couper de branches et ne pas enfoncer des clous dans les troncs.
Quant au respect des récoltes, il ne peut y avoir aucun
commentaire à faire à ce sujet. Cela va de soi. Recommandons toutefois de
respecter les prairies à foin. Certains campeurs citadins respecteront
un champ de blé, mais piétineront de l'herbe, sans se rendre compte du dommage
causé. Or, bien souvent, le propriétaire est le premier à proposer de faucher
un espace pour permettre à son hôte provisoire de s'installer ... Cela
m'est arrivé à de nombreuses reprises.
Enfin, les conseils officiels font mention de la bonne
tenue et des règles d'hygiène à respecter. Je renverrai le lecteur à
l'article que j'ai écrit, ici même, dans le n°638 d'avril 1950, et que j'avais
consacré au « savoir vivre du campeur ». En ce qui concerne
l'hygiène, les précautions à prendre sont évidemment différentes dans le cas
d'un camp organisé groupant de nombreux campeurs, ou dans le cas d'un camp
volant et ne groupant qu'une équipe familiale ou que quelques amis. De toute
façon, il y a à faire attention à ne pas polluer des puits ou des sources ...
Pour des isolés, il y aura toujours intérêt à confectionner une petite
feuillée, recouverte après le départ.
« C'est à ces détails d'hygiène et de propreté que l'on
reconnaît les vrais campeurs », dit, in fine, la circulaire
ministérielle. Nous ne pouvons qu'applaudir à ce propos !
J.-J. BOUSQUET,
Président du Camping-Club de France.
(1) Voir Le Chasseur Français de janvier 1952.
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