Dans une précédente causerie, nous avons vu que, d'après les
expériences de Nicolle, la « maladie » pourrait être considérée comme
une affection, une sorte de grippe, d'origine humaine. Certains auteurs
estiment que la « maladie des chiens », la grippe de l'homme et
l'influenza du porc, ou peste porcine, seraient dues à des virus filtrables
ayant entre eux une grande analogie, s'ils ne sont pas un seul et même virus. « Il
est curieux de noter, écrit le professeur L. Panisset, les rapports,
révélés par l'étude expérimentale, existant entre le virus de la maladie de
Carré, le virus de la grippe de l'homme et le virus de l'influenza du porc. »
Nous ne pouvons entrer ici dans le détail des expériences sur lesquelles repose
la preuve des relations entre les virus de ces trois affections, mais on
comprend facilement l'extrême importance que revêtent ces expériences au point
de vue étiologique.
Voici l'expérience à laquelle s'est livré le vétérinaire
capitaine Carpentier sur le pouvoir curatif du « sang du maître » dans
le traitement de la « maladie ». Dix centimètres cubes de sang furent
prélevés aseptiquement dans une veine du pli du coude, puis, séance tenante,
inoculés sous la peau de la paroi antérieure de l'abdomen du chien. Voici
comment l'auteur relate l'expérience.
« Désirant tenter une expérience, nous avons pensé
qu'en contact journalier avec des chiens malades nous pouvions, en notre sang,
receler les anticorps suffisants et servir à un essai thérapeutique ...
Nous entreprîmes la cure du chien d'un de nos amis.
» Il s'agissait d'un chien berger allemand atteint de
la forme nerveuse accompagnée de l'éruption cutanée caractéristique avec
catarrhe accusé des muqueuses conjonctive et pituitaire. Les injections de 10
centimètres cubes de sang faites tous les deux jours, sous la peau de
l'abdomen, ne donnèrent aucune réaction locale appréciable. L'état du malade ne
s'améliora en aucune façon pendant les douze jours de l'expérience (du 10 au 22 juin
1934), mais resta rigoureusement stationnaire. Nous eûmes alors recours à la
méthode habituelle (révulsion, strychnine), qui s'avéra tout aussi
insuffisante, et nous dûmes, après quelque temps, abandonner le malade comme
incurable.
» Il n'est pas inutile de noter que, pour un essai
thérapeutique, notre sujet, atteint de la forme la plus tenace de l'affection,
n'était peut-être pas très bien choisi et que, d'autre part, la technique
réelle de la méthode exigeait le sang du maître et non celui du médecin,
facteur dont il est difficile de déterminer l'importance.
» Quoi qu'il en soit, une seule observation ne saurait
permettre de juger, mais elle nous paraît néanmoins à retenir et à grouper avec
d'autres du même genre afin d'arriver à établir l'efficacité d'un traitement
aussi ingénieux que simple et élégant. »
Plus récemment (janvier 1936), le professeur Goret, de
l'École vétérinaire d'Alfort, s'est livré au traitement de nombreux chiens
atteints de la « maladie » au moyen du sérum spécifique homologue,
c'est-à-dire provenant du sang de chiens hyperimmunisés par une injection de 10
centimètres cubes d'une émulsion à 20 p. 100 de rates de furets sacrifiés
à la dernière période de la « maladie ». Nous n'entrerons pas dans le
détail des nombreuses observations relatives aux sujets traités et nous
contenterons d'en transcrire les résultats donnés par l'auteur. La méthode
consiste en l'injection sous la peau de 20 centimètres cubes de sérum.
« En résumé, écrit l'auteur, nous avons traité 27
chiens atteints de la maladie de Carré : 19 ont été guéris ; 2,
traités longtemps après l'apparition des premiers symptômes, ont été
sérieusement améliorés ; 6 ont succombé.
» Comme on peut le voir, le cours de la maladie n'a pas
été aussi heureusement influencé chez tous les animaux. Certains ont guéri
rapidement, d'autres très lentement. Employé au début de la maladie, le sérum
provoque une amélioration quasi immédiate, mais il est nécessaire de procéder à
l'inoculation d'une ou deux doses supplémentaires de sérum dans les jours qui
suivent.
» ... Quoi qu'il en soit, conclut l'auteur, employé
précocement, et, en tout cas, avant l'apparition des complications
broncho-pulmonaires, le sérum contre la maladie des chiens nous paraît être une
des meilleures armes dont on dispose actuellement pour lutter contre cette
redoutable affection. »
« Le sérum de chiens guéris, écrit le professeur Panisset,
n'est pas devenu un objet d'application en raison de la difficulté à se
procurer en nombre suffisant les sujets susceptibles de fournir un sérum doué
de propriétés curatives. Bien que les résultats enregistrés, peu nombreux,
aient été favorables, l'hémothérapie n'est pas entrée dans la pratique. »
Signalons enfin un traitement original de la maladie des
chiens, indiqué par Mme Phisalix à la suite d'expériences sur
l'action du venin de vipère.
De 1899 à 1905, date à laquelle Carré affirma que la « maladie »
était due à un virus « filtrable », il était admis, avec Lignières,
que cette maladie avait pour cause un bacille prenant par la suite la forme cocco-bacillaire,
appelé par Lignières Pasteurella canis. Mais, déjà à cette époque,
diverses expériences permettaient de supposer que ce bacille était accompagné
d'un virus filtrant (de Carré) dont l'action pathogène dominait celle du
bacille. Dès 1902, le Dr Phisalix, en collaboration avec sa femme,
avait réussi à vacciner les jeunes chiens contre la maladie, appelée alors pasteurellose,
le virus de Carré n'ayant pas encore été découvert.
Mme Phisalix, dont les travaux sur les animaux
venimeux ont acquis un renom mondial, a poursuivi ses recherches et vient
d'aboutir à une élégante solution. Elle a trouvé que certains microbes très
virulents, tels que le bacille du charbon, la Pasteurella canis, etc., étaient
susceptibles de proliférer, de se développer dans du bouillon fortement
envenimé. Dans ce bouillon envenimé, qu'on ensemence avec Pasteurella canis,
ce microbe garde sa virulence et le venin conserve ses antigènes ou principes
solubles contre l'action des venins, ce qui est fort important pour la
vaccination.
Elle a pu, de cette façon, mettre au point un vaccin multivalent
qui confère aux chiens simultanément trois immunités différentes : 1°
contre la pasteurellose canine ; 2° contre les morsures de vipères et 3°
contre les piqûres d'abeilles, éventualités qui constituent les principaux
risques que courent les chiens de chasse, surtout au début de leur vie.
Ajoutons que cette vaccination se réalise par deux
inoculations, faites à huit jours d'intervalle, de deux vaccins, où la teneur
en venin de vipère est la même, mais où la virulence de la pasteurellose est
plus grande dans la seconde que dans la première.
MOREL,
Médecin vétérinaire.
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