Nous avons reçu récemment la demande de renseignements
suivante : « Le lendemain matin d'une chasse au bord d'un étang, j'ai
été bien surpris de trouver mon chien étendu dans sa niche et ne manifestant
aucun plaisir de me voir. Ayant voulu le sortir de force, il s'est mis à
pousser des cris comme si on l'avait battu, avec tendance à mordre si j'avais
insisté. Que pensez-vous de ceci et que me conseillez-vous ? »
À la lecture de ce qui précède, il ne fait aucun doute que
ce chien était atteint de rhumatisme sous la forme musculaire. Aussi
pensons-nous intéresser les chasseurs en faisant du rhumatisme le sujet de la
présente causerie.
Le rhumatisme est un état pathologique qui présente toutes
les allures d'une maladie infectieuse à marche aiguë, la cause déterminante
restant encore inconnue. Mais, si la cause intime de la maladie reste ignorée,
ses conditions d'apparition sont bien connues. Le rhumatisme frappe les sujets
adultes surtout, et plus particulièrement ceux qui sont exposés à l'action du
froid humide ; les chiens qui chassent au marais, ceux qui habitent des
niches basses, froides, mal closes. Comme chez l'homme, l'influence du
tempérament n'est pas négligeable, les sujets arthritiques, eczémateux, les
chiens d'appartement trop bien nourris, qui manquent d'exercice, sont les plus
fréquemment atteints.
On sait aussi que l'arthritisme est le résultat d'un trouble
de la nutrition, un ralentissement des échanges chimiques intra-cellulaires,
d'où une surproduction d'acide urique qui ne s'élimine que très imparfaitement
par les reins et produit une intoxication permanente de l'organisme.
D'autre part, la question d'hérédité, aussi bien chez les
animaux que chez l'homme, joue un grand rôle dans les manifestations de
l'arthritisme. Les individus vieux, ou dont les fonctions de nutrition sont
ralenties, ne donnent naissance qu'à une progéniture prédisposée à ces troubles
fonctionnels. Ce sont ces arthritiques de naissance qui paient le plus large
tribut à cette famille d'états morbides qui comprennent l'obésité, le diabète,
le rhumatisme, etc. ...
Chez le chien, le rhumatisme se présente sous deux formes
nettement différentes :
1° Rhumatisme articulaire.
— Exceptionnel chez le chien, le rhumatisme articulaire
apparaît brusquement, du soir au matin, ou en l'espace de vingt-quatre heures.
Le malade, bien portant la veille, est trouvé, le matin, triste, abattu,
fiévreux, marchant à trois pattes. À l'exploration du membre malade, on trouve
une articulation, celle du genou ou du grasset ordinairement, volumineuse, chaude
et surtout très douloureuse. Le malade, dont l'appétit est supprimé, reste
couché en permanence, complètement immobile pour éviter la douleur.
L'évolution est variable, mais le plus souvent les lésions
sont ambulatoires : une arthrite guérit alors qu'une autre apparaît sur le
même membre ou sur un autre membre. En une quinzaine de jours, tout peut
rétrocéder ou bien le mal passe à l'état chronique ; il persiste alors une
gêne articulaire et une boiterie difficilement curables.
2° Rhumatisme musculaire.
— Cette forme est plus fréquente et on la constate sur
les chiens de tout âge qui sont soumis au froid et à l'humidité ; elle est
commune en hiver chez les chiens chassant au marais, ainsi qu'en témoigne la
lettre de notre correspondant.
Les masses charnues du cou, du dos, des reins ou de la
cuisse peuvent être affectées isolément ou simultanément ; l'animal se
déplace avec peine, il crie aussitôt qu'on le touche ou qu'on l'oblige à des
mouvements forcés ; abandonné à lui-même, il prend des attitudes bizarres :
rein voussé, train postérieur demi-fléchi, raideur du cou. Ce qui frappe
surtout, c'est qu'il suffit de passer légèrement la main sur les régions
atteintes, ou même simplement de souffler sur les poils pour provoquer des cris
ou même des mouvements de défense avec les dents. Pour se soustraire à la
douleur, le malade refuse de se lever, de marcher, il s'immobilise complètement
et, si ce n'était l'hypersensibilité excessive, on pourrait croire à la
paralysie ou à une fracture de la colonne vertébrale.
Le rhumatisme musculaire est moins grave que la forme
articulaire, mais il est récidivant. Il suffit parfois qu'un chien prédisposé
reçoive une ondée froide pour que survienne une nouvelle crise de rhumatisme
musculaire de durée ordinairement courte, une dizaine de jours seulement. C'est
pour ce genre de malades qu'il est conseillé à leurs maîtres de se munir d'une
sorte de paletot imperméable, dont ils revêtent leur compagnon au moment de la
giboulée.
Traitement.
— Il peut être préventif ou curatif. Le premier
concerne surtout les chiens qui, ayant chassé au marais, effectuent un voyage
en automobile plus ou moins découverte. On devra, surtout pendant la saison
froide, les recouvrir d'une couverture, voire même les enrouler dedans, ou les
revêtir du paletot précédemment indiqué. Une boisson chaude : café, lait
et même tisane de chiendent agissant comme diurétique, ne peut qu'agir
favorablement.
Traitement curatif.
— Les rhumatisants doivent être tenus au chaud et au
sec ; se méfier des chenils froids, mal orientés, qui sèchent mal après
les lavages. Au besoin, protéger le tronc par un enveloppement ouaté. Alimenter
les malades de lait, de soupes, de pâtées chaudes. Additionner le lait d'eau de
Pougues, de Vals-Précieuse ou d'une solution de bicarbonate de soude qui augmenteront
la sécrétion urinaire et, par là, l'élimination de l'acide urique. Au niveau
des régions affectées, faire de légers massages dans le sens du poil avec de la
flanelle, ou des frictions d'eau-de-vie camphrée suivies d'enveloppements
chauds. Pendant quelques jours, donner, matin et soir, dans un peu de lait, 25
à 50 centigrammes d'antipyrine et, s'il s'agit d'une forme articulaire,
prévenir le vétérinaire, car souvent l'affection est ambulatoire et récidivante :
l'inflammation quitte les articulations primitivement atteintes et en frappe
d'autres ; elle peut même se porter sur la plèvre, les méninges,
etc. ...
Si le mal passe à l'état chronique, les phénomènes aigus
s'effacent, l'appétit revient, mais la boiterie persiste. On continuera les
frictions sur les jointures malades avec l'eau-de-vie camphrée. Enfin, dans les
cas rebelles et comme dernier moyen, le vétérinaire pourra employer la
cautérisation ponctuée sur les articulations douloureuses et tuméfiées.
MOREL,
Médecin vétérinaire.
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