Le cynhyène, ou chien de brousse, en arabe : soum,
crée, dans son domaine africain, la même hantise d'effroi qu'au temps de nos
grand-mères, le loup. Le berger au troupeau dispersé dans le maquis des
arbustes à épines et gousses, le marcheur armé d'une sagaie qui, la nuit, a
pris « son pied la route », craignent moins de croiser lion ou
panthère que la meute des soums.
Par contre, le Blanc, pourvu de cartouches, grille
d'envie de la rencontrer, ce qui est assez rare, et par surprise. D'entre les
herbes jaunies se dressent un long cou de lévrier, une face noire et comme
charbonnée, coiffée d'oreilles pointues, trop grandes (d'où le surnom
d'oreillard). Le corps est d'un loup efflanqué, haut sur pattes, à toison
chiche, frappée de larges taches jaune, noir et blanc sale. La queue est
lourde, touffue et mousseuse.
Ce sont des loups, et leur nom est : Lycaon pictus,
mais d'un type intermédiaire entre chien, loup et hyène, car ils diffèrent des
premiers par leurs pieds à quatre doigts, de l'autre par leur croupe non
surbaissée. N'ayant pas les griffes rétractiles des félins, leurs traces sont
entourées des marques de leurs ongles.
Ils chassent à courre, mais en profond silence. La meute en
fourrageurs fouille la brousse et met sur pied gazelle, antilope ou phacochère,
et le train de leur galop époumone leur proie. Rejointe, coiffée, dépecée, elle
succombe et l'hallali n'est pas long.
On dit qu'ils dévorent leurs propres blessés, mais non sans
les avoir défendus. Au coup de fusil, le clan, loin de fuir, attaque. Le camion
qui aura tiré est suivi pendant quelques centaines de mètres ; en cas de
panne, il risquerait d'être pris d'assaut. Ces galops bondissants qui
s'entrecroisent autour d'un blessé, ces queues soyeuses que traversent les
rayons du soleil levant sont un rare spectacle.
Ils ont un bref jappement de renard, qui signalerait la
présence de l'homme ; un blessé qui fuit pousse à de longs intervalles une
plainte, ou peut-être un cri de ralliement : « Woûouh ... ».
M. Canone, grand chasseur du Tchad, m'a raconté ceci :
« Un jour, sur la berge de l'Aouk (haut Chari), je
blessai un cynhyène, et aussitôt me vis entouré de la meute. Combien ?
Cent, deux cents peut-être. J'avais ma carabine à éléphants (10,5) et neuf
cartouches. Je tirais posément, mais ils s'enhardissaient, et les derniers
vinrent tomber à quelques mètres. Les cartouches s'épuisaient ... je me
sentais perdu, quand mon escorte, alertée par cette fusillade, déboucha avec de
grands cris, et les soums disparurent. »
Un jour, à ma joie, M. l'Administrateur de Mongo me
donna une paire de chiots cynhyènes. Je les nourrissais de « mou pour les
chats » qu'ils gobaient à s'étrangler. Leur odeur est infecte. Devant
partir, je les donnai au centre vétérinaire de Fort-Lamy. Malgré les meilleurs
soins, l'un sauta le mur. L'autre venait dormir à proximité des enfants qui
jouaient, mais jamais ne se laissa caresser ... et puis il étranglait par
trop de volailles ... C'est, avec le caracal, le plus intraitable des
animaux de brousse ; peut-être, par croisement, réussirait-on à l'amadouer
pour en faire un chien de chasse utilisable.
Frédéric DE BÉLINAY.
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