Depuis que François Huber inventa le rayon mobile, les
différents modèles de ruches créés depuis lors sont tellement nombreux qu'il
serait impossible de les énumérer tous dans les colonnes d'une de nos
causeries. Cette prolifération prouve seulement qu'il n'y a pas de ruche
parfaite, et chaque nouvel inventeur croit toujours mieux faire que son
prédécesseur. Nous mettons ici en garde les débutants dans leur engouement pour
les nouveautés ; sans être réfractaire au progrès, celui qui commence fera
bien de s'en tenir aux ruches classiques, qui ont fait leur preuve depuis
longtemps, s'il veut des résultats plutôt que des promesses. Nous en avons
tellement vus, dans notre carrière apicole, de ces nouveaux modèles
sensationnels et qui, au dire de leur inventeur, devaient évidemment dépasser
en rendement tous les autres systèmes ! Il faut même croire que ceux qui
employaient ces nouveaux modèles se retiraient bientôt de l'apiculture après
fortune faite, car, au bout de quelque temps, on n'entendait plus parler ni des
uns ni des autres.
À dire vrai, chaque ruche a ses qualités et ses défauts,
qu'il suffit de bien connaître pour en tirer le maximum, selon l'axiome :
La meilleure ruche est celle que l'on connaît le plus. À notre point de vue, la
meilleure ruche est celle qui s'adapte le mieux comme volume à la valeur
mellifère de la région où elle est employée ; toute la question est là
pour le praticien, et celui qui inventerait une ruche dont le volume varierait
automatiquement avec la force de l'essaim aurait trouvé l'idéal. Hélas ! la
perfection n'est pas de ce monde, aussi, après essais, adopterons-nous un
modèle moyen agrandissable à volonté selon les années et la puissance de la
colonie. Pour les contrées peu mellifères, il y aura même avantage à adopter
une ruche petite avec hausse à cadres bas pour avoir du miel, alors que les
autres ne feront rien, nous dirons pourquoi tout à l'heure.
Si, dans le choix de la ruche, il n'est pas tenu compte des
deux facteurs force de l'essaim et valeur mellifère de la contrée, voici ce qui
se produira.
Dans une ruche de trop grande capacité, l'hivernage ne se
fera pas dans de bonnes conditions, à cause de l'espace inoccupé où la chaleur
se perd inutilement. Les abeilles peuvent même mourir de faim avec des cadres
pleins de miel trop éloignés du groupe hibernant. Le démarrage printanier se
fait plus tardivement, toujours à cause du manque de chaleur, et, dans une
année médiocre, il y aura peu ou point de miel à récolter. Par contre,
l'essaimage est peu à craindre et, si la miellée dure longtemps, il y aura une
belle récolte, ce qui arrive une fois ou deux tous les dix ans.
Dans une trop petite ruche, nous aurons l'avantage d'un bon
hivernage, mais avec le risque de manquer de provisions et, dès la belle
saison, essaimage multiple et récolte nulle ; la place étant occupée par
la ponte, il n'en reste plus pour loger les provisions, ce qui oblige la reine
à quitter les lieux avec la moitié de la population, pour décongestionner ce
trop petit espace. La nouvelle reine, à son tour, manque bientôt de rayons
disponibles pour déposer ses œufs et c'est à nouveau l'essaimage ;
inutile, dans ce cas, de commander des emballages à miel, la récolte est faite
d'avance.
Comment donc, dans ce cas, déterminer la meilleure ruche à
adopter ou plutôt celle ayant la capacité convenable à une région donnée ?
Ce sera celle où l'essaimage ne se produira qu'exceptionnellement, tout en
étant juste à la grandeur voulue pour qu'à l'hivernage il n'y ait pas un trop
grand espace vide d'abeilles. Comme vous le voyez, il n'est pas possible de
dire à quelqu'un : prenez tel ou tel modèle de ruche, sans être auparavant
renseigné sur la richesse en nectar de la localité considérée et sur la durée
de l'hivernage. Cependant, dans le doute, on aura rarement à se repentir de prendre
un modèle à capacité moyenne plutôt que grand, pourvu qu'il soit agrandissable
à volonté à l'aide de hausses pendant les bonnes années. Ceci nous explique
pourquoi certains apiculteurs disent grand bien de tel ou tel modèle de ruche,
alors que d'autres préfèrent le contraire.
En définitive, valeur de la reine mise à part, le débutant
aurait intérêt à demander aux apiculteurs voisins quel est le genre de ruche
qui leur donne le plus satisfaction, s'ils veulent bien le lui dire, et encore
là faudra-t-il tenir compte de leur plus ou moins longue pratique sur l'un ou
l'autre modèle.
Pour terminer, nous conseillerons à ceux qui veulent
s'adonner à l'apiculture d'adopter une seule ruche simple et pratique type « pastoral »
sans auvent, à toit plat, plus de planchettes, mais un plafond d'une seule
pièce, à simples parois.
Les trois modèles de ruches les plus répandus suffisent pour
tous. On emploiera de préférence la Langstroth ou la Dadant à douze cadres pour les régions à miellées importantes, la Dadant à dix cadres pour les moyennes et la Voirnot pour les endroits à hivers longs et à faibles miellées. Ce qui
n'empêche pas d'utiliser tout autre type de ruche pourvu qu'il soit adapté
comme capacité à la région.
R. GUILHOU,
Expert apicole.
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