Accueil  > Années 1952  > N°667 Septembre 1952  > Page 554 Tous droits réservés

Au rucher

Choix de la ruche

Depuis que François Huber inventa le rayon mobile, les différents modèles de ruches créés depuis lors sont tellement nombreux qu'il serait impossible de les énumérer tous dans les colonnes d'une de nos causeries. Cette prolifération prouve seulement qu'il n'y a pas de ruche parfaite, et chaque nouvel inventeur croit toujours mieux faire que son prédécesseur. Nous mettons ici en garde les débutants dans leur engouement pour les nouveautés ; sans être réfractaire au progrès, celui qui commence fera bien de s'en tenir aux ruches classiques, qui ont fait leur preuve depuis longtemps, s'il veut des résultats plutôt que des promesses. Nous en avons tellement vus, dans notre carrière apicole, de ces nouveaux modèles sensationnels et qui, au dire de leur inventeur, devaient évidemment dépasser en rendement tous les autres systèmes ! Il faut même croire que ceux qui employaient ces nouveaux modèles se retiraient bientôt de l'apiculture après fortune faite, car, au bout de quelque temps, on n'entendait plus parler ni des uns ni des autres.

À dire vrai, chaque ruche a ses qualités et ses défauts, qu'il suffit de bien connaître pour en tirer le maximum, selon l'axiome : La meilleure ruche est celle que l'on connaît le plus. À notre point de vue, la meilleure ruche est celle qui s'adapte le mieux comme volume à la valeur mellifère de la région où elle est employée ; toute la question est là pour le praticien, et celui qui inventerait une ruche dont le volume varierait automatiquement avec la force de l'essaim aurait trouvé l'idéal. Hélas ! la perfection n'est pas de ce monde, aussi, après essais, adopterons-nous un modèle moyen agrandissable à volonté selon les années et la puissance de la colonie. Pour les contrées peu mellifères, il y aura même avantage à adopter une ruche petite avec hausse à cadres bas pour avoir du miel, alors que les autres ne feront rien, nous dirons pourquoi tout à l'heure.

Si, dans le choix de la ruche, il n'est pas tenu compte des deux facteurs force de l'essaim et valeur mellifère de la contrée, voici ce qui se produira.

Dans une ruche de trop grande capacité, l'hivernage ne se fera pas dans de bonnes conditions, à cause de l'espace inoccupé où la chaleur se perd inutilement. Les abeilles peuvent même mourir de faim avec des cadres pleins de miel trop éloignés du groupe hibernant. Le démarrage printanier se fait plus tardivement, toujours à cause du manque de chaleur, et, dans une année médiocre, il y aura peu ou point de miel à récolter. Par contre, l'essaimage est peu à craindre et, si la miellée dure longtemps, il y aura une belle récolte, ce qui arrive une fois ou deux tous les dix ans.

Dans une trop petite ruche, nous aurons l'avantage d'un bon hivernage, mais avec le risque de manquer de provisions et, dès la belle saison, essaimage multiple et récolte nulle ; la place étant occupée par la ponte, il n'en reste plus pour loger les provisions, ce qui oblige la reine à quitter les lieux avec la moitié de la population, pour décongestionner ce trop petit espace. La nouvelle reine, à son tour, manque bientôt de rayons disponibles pour déposer ses œufs et c'est à nouveau l'essaimage ; inutile, dans ce cas, de commander des emballages à miel, la récolte est faite d'avance.

Comment donc, dans ce cas, déterminer la meilleure ruche à adopter ou plutôt celle ayant la capacité convenable à une région donnée ? Ce sera celle où l'essaimage ne se produira qu'exceptionnellement, tout en étant juste à la grandeur voulue pour qu'à l'hivernage il n'y ait pas un trop grand espace vide d'abeilles. Comme vous le voyez, il n'est pas possible de dire à quelqu'un : prenez tel ou tel modèle de ruche, sans être auparavant renseigné sur la richesse en nectar de la localité considérée et sur la durée de l'hivernage. Cependant, dans le doute, on aura rarement à se repentir de prendre un modèle à capacité moyenne plutôt que grand, pourvu qu'il soit agrandissable à volonté à l'aide de hausses pendant les bonnes années. Ceci nous explique pourquoi certains apiculteurs disent grand bien de tel ou tel modèle de ruche, alors que d'autres préfèrent le contraire.

En définitive, valeur de la reine mise à part, le débutant aurait intérêt à demander aux apiculteurs voisins quel est le genre de ruche qui leur donne le plus satisfaction, s'ils veulent bien le lui dire, et encore là faudra-t-il tenir compte de leur plus ou moins longue pratique sur l'un ou l'autre modèle.

Pour terminer, nous conseillerons à ceux qui veulent s'adonner à l'apiculture d'adopter une seule ruche simple et pratique type « pastoral » sans auvent, à toit plat, plus de planchettes, mais un plafond d'une seule pièce, à simples parois.

Les trois modèles de ruches les plus répandus suffisent pour tous. On emploiera de préférence la Langstroth ou la Dadant à douze cadres pour les régions à miellées importantes, la Dadant à dix cadres pour les moyennes et la Voirnot pour les endroits à hivers longs et à faibles miellées. Ce qui n'empêche pas d'utiliser tout autre type de ruche pourvu qu'il soit adapté comme capacité à la région.

R. GUILHOU,

Expert apicole.

Le Chasseur Français N°667 Septembre 1952 Page 554