On ne peut prévoir en ces premiers jours du mois d'août
combien de temps va durer le temps que nous subissons. En octobre, ceux qui
auront pris leurs vacances pendant cette période ne tariront pas de
satisfaction sur les journées agréables qu'ils auront passées, mais le jour du
retour sur les marchés les légumes seront rares, le ton changera peut-être, et
il n'est pas déplacé de faire un tour dans le domaine de la grande culture pour
entendre quelques réflexions appropriées.
Les travaux de moisson auront bénéficié de circonstances
exceptionnelles ; la verse avait été bien rare, la rouille noire ne s'est manifestée
qu'accidentellement, seul le piétin ou maladie du pied noir s'est révélé dans
des champs semés tôt à l'automne 1951, avec une quantité excessive de semences
et, toutes conditions étant égales, sous l'influence de variétés d'inégale
résistance à la maladie. Les sélectionneurs ont la chance de trouver ainsi des
années exceptionnelles pour les divers fléaux, moyen naturel magnifique pour
faire un tri parfois difficile pour eux.
Suivant l'usage, on a pensé aux travaux de déchaumage. Il
fallait profiter de l'avance et penser aux campagnes suivantes, mais la dureté
de la terre a rendu souvent le sol impénétrable. Des nuances ont pu être
observées, d'abord suivant l'état du sol et sa nature. Les terres plus ou moins
compactes, souvent mal préparées à l'automne précédent ou même au printemps
1952, étaient rebelles à toute attaque ; la situation s'améliorait dans
les sols en bon état d'entretien superficiel : façons de printemps sur les
céréales d'automne, préparation plus convenable avant les semailles de
printemps.
Conclusion : les soins superficiels d'entretien ou de
préparation avant le semis ne sont pas seulement avantageux pour la récolte en
cours, mais également pour la succession plus facile des cultures.
Le genre d'outils n'est pas indifférent, la série est assez
variée qui s'étend des déchaumeuses à socs aux déchaumeuses à disques, aux
scarificateurs, aux extirpateurs, aux cultivateurs rigides ou à dents souples.
On peut ainsi noter les avantages que présente relativement l'étendue à
travailler, si l'on veut choisir un genre utile. La grande exploitation au
matériel varié peut avoir des prétentions et s'outiller en conséquence ;
cependant, on alourdit ainsi un cheptel mort qui ne se renouvelle pas assez
vite, ne serait-ce que pour profiter des améliorations ; on explique ainsi
soit la pauvreté du petit ou du moyen cultivateur isolé, soit l'intérêt des
entreprises particulières de travaux agricoles ou des coopératives (C. U. N. A.)
instituées dans un but de plein emploi.
Les disques pénètrent mieux dans la terre sèche, surtout
plus ou moins argileuses, le soc a du mal à entrer et il soulève des mottes
anguleuses d'une réduction difficile ensuite ; la largeur des dents, la
courbure des pièces qui portent les parties travaillantes conduisent vers des
résultats très inégaux. Un point ne devrait pas être négligé : le souci
d'extraire les rhizomes de chiendent, qu'atteignent mieux, les pièces
d'extirpateurs, de mieux émietter la couche superficielle, pénétration
avantageuse des premières ou, mieux, des moindres pluies, germination plus
importante des graines de mauvaises herbes. Cet aperçu montre l'intérêt que
présente un bon état superficiel du terrain qui porte les moissons si l'on veut
enchaîner plus efficacement avec l'année suivante.
Toutes ces considérations sur l'arrangement superficiel du
sol prennent une valeur particulière lorsqu'on se propose de semer de bonne
heure une plante oléagineuse, du colza, de la navette, ainsi que pour les
premières céréales d'automne suivant un blé, l'escourgeon d'hiver, l'avoine
d'hiver. Enfin, il peut être bon de songer aux cultures fourragères qui doivent
passer l'hiver en terre, le trèfle incarnat d'abord, les vesces et pois
d'hiver. Après une sécheresse prolongée, les réserves en vue de l'hiver seront
faibles et les maigres récoltes de betteraves fourragères réduiront les rations
à un taux insuffisant. Le marché des produits laitiers, celui de la viande
subiront des périodes difficiles.
Cette pénurie des réserves fourragères atteignant les
plantes qui se développent en été et aux approches de l'automne donne de
l'intérêt aux pratiques agricoles qui tendent à régulariser les réserves. Le
silo à fourrage trouve là un intérêt évident, surtout vers les régions qui
redoutent la sécheresse d'une manière plus régulière. Le silo est un magasin
qui se remplit facilement dès le printemps ; on n'attend pas que le
printemps soit bien dessiné avec des journées déjà chaudes et surtout du soleil,
facteurs d'une bonne fenaison. Quand les plantes fourragères ont acquis un bon
développement, même sans attendre la floraison, on coupe, on ramasse, on
ensile. Ensuite, une seconde coupe se développe, des regains que les bêtes
utiliseront sur place. Il est étonnant, cette année, de voir, comment se
comportent les luzernes aux longues racines par rapport aux prairies naturelles
à base de graminées ; celles-ci vivent grâce à l'humidité superficielle,
irrigations, pluies, nature du sol ; sans eau, c'est le paillasson. La
luzerne est outillée pour utiliser les réserves profondes. Toutefois, il ne
faut pas se faire d'illusions, M. Morel a montré que la luzerne sur le
plateau de Grignon épuise les réserves profondes en eau, que la reconstitution
de ces réserves est extrêmement lente. Là encore apparaît l'intérêt des façons
superficielles appliquées à la luzerne ; les faibles précipitations d'eau
ne sont pas perdues et c'est pourquoi, en ce moment, nous voyons des troisièmes
coupes partir avec entrain, fourrage d'arrière-saison à utiliser en vert, en
foin ou après ensilage, engrais vert à enfouir si la luzerne termine son cycle
d'occupation. Encore à propos de la valeur d'un bon état superficiel des terres
en luzerne, tout au moins dans la région parisienne : je voyais récemment
une terre ayant porté de la luzerne en deuxième coupe, après une première très
précocement ensilée, magnifiquement préparée par la charrue à disques en
surface — précédant le passage de la charrue qui effectuera le « dérocage ».
Répétons-le, la sécheresse est un fléau aux conséquences
multiples et graves ; on peut atténuer la rigueur de ces conséquences sur
le plan des cultures ultérieures en s'appliquant à conserver un bon état
superficiel du terrain.
L. BRÉTIGNIÈRE,
Ingénieur agricole.
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