1°) L'Empire d'Autriche en 1815 :
Le centre de gravité en est le bassin du Danube et la région de Basse-Autriche dont la capitale est Vienne. Né en 1804 sur les ruines du Saint Empire Romain Germanique, l'Empire d'Autriche est à la fois une puissance allemande, italienne (Milan, Venise), hongroise, mais c'est surtout une mosaïque de peuples et de cultures d'Europe centrale dépourvues de territoire national, d'unité linguistiques ou religieuse (voir carte éthno-linguistique).
La tradition de ces régions ainsi que l'esprit tolérant des Habsbourg font que cohabitent au sein de l'Empire l'allemand, l'italien, le hongrois, plus différentes langues slaves (serbe, croate, macédonien, slovène, tchèque, polonais, ukrainien, russe, etc.) et latines (roumain principalement).
De même cohabitent les religions chrétiennes (catholiques autrichiens, orthodoxes serbes et roumains, calvinistes hongrois, protestants saxons), juive (en Pologne) et musulmane ( en Bosnie).
Bref, en dehors des nations historiques (allemande, italienne, hongroise, polonaise, tchèque), il existe des groupes ethno-linguistiques que la culture germanique n'a pas cherché à assimiler.
L'élément de cohésion de l'Empire vient de l'attachement à la dynastie habsbourgeoise, dont le chef est considéré comme le père de famille. Personne ne conteste sa légitimité car il a été soit désigné héritier naturel soit élu à la tête des états qu'il possède. En outre, François 1er (voir portrait) est plutôt populaire par sa bonhomie et la simplicité de ses manières. Enfin, seuls les fonctionnaires viennois et les aristocrates s'intéressent à la politique.
Car la société autrichienne de 1815 demeure une sociétés d'ordres (castes ou états). L'Empire est dominé par l'aristocratie, les Conseils ou Conférences d'état (où siègent des quasi-ministres) et les Diètes (parlements) provinciales. Selon le nouveau code civil publié en 1811, elles n'ont que peu de pouvoir législatif et de compétences financières, qui de plus sont accordées par la "grâce" du souverain. Celui-ci est d'ailleurs le premier bureaucrate de l'Empire.
La bourgeoisie émergente s'intéresse aux plaisirs de la vie citadine. C'est l'époque Biedermeier.
2°) l'Ère Metternich :
Le Prince Klemens Wenzel Nepomuk Lothar von Metternich (1773-1859) fut une figure dominante de la politique européenne entre 1814 et 1848 (voir photo). Né dans une famille aristocrate de Koblenz (Coblence), il fit des études universitaires à Mainz (Mayence) et Strasbourg. Puis en 1794 sa famille fuit les armées révolutionnaires jusqu'à Vienne où Metternich épousa une dame de la cour. Il servit alors les Habsbourg comme ambassadeur avant de devenir Ministre des Affaires Étrangères puis Chancelier de François 1er.
Metternich méprisait à égalité le libéralisme, le nationalisme, et la révolution. Son idéal était une monarchie partageant le pouvoir avec les classes privilégiées de la société. Bref, il était un conservateur convaincu et appliqué.
A la mort de son souverain, il devint le véritable maître de l'Empire, tant le successeur légitime, Ferdinand, était incapable mentalement d'assumer seul de telles tâches. Le conseil de régence comprenait, outre Metternich, Kollowath (aux finances) et les deux frères de Ferdinand, les archiducs François-Charles et Louis.
Metternich concentra ses efforts sur le maintien de la paix et des acquis des traités de 1815. Il fut le gardien jaloux de l'esprit monarchique et le pourfendeur des idéaux libéraux, républicains et nationalistes inspirés par la Révolution. En septembre 1815, il participait à la Sainte Alliance avec la Russie et la Prusse.
Mais s'il était soucieux de maintenir la paix en Allemagne et en Italie, il se désintéressait des Balkans. La raison en était qu'il préférait voir l'Empire Ottoman conserver son intégrité qu'avoir le chaos nationaliste aux portes de l'Empire qui risquerait de profiter à la Russie. Il refusa ainsi de soutenir les insurgés grecs en 1821 tout en recherchant le soutien de l'Angleterre contre les velléités interventionnistes russes. La crise s'acheva en 1829 par le traité d'Andrinople où la Grèce obtenait son indépendance.
De même, Metternich ne soutint que "du bout des lèvres" le roi des Pays-Bas Guillaume 1er contre l'insurrection belge de 1830. La prudence anglaise et la retenue française (le roi restauré Louis-Philippe ne voulant pas annexer la Belgique) permirent que l'intervention russo-prussienne fût évitée.
En revanche, Metternich intervint par deux fois en Italie pour mater les soulèvements de Naples (1821) puis de la Romagne (état pontifical) en 1831/32.
De même, il s'inquiéta du soulèvement polonais de 1831 et fit adopter par la diète de Francfort, siège de la Confédération Germanique, plusieurs mesures dépossédant les diètes locales d'initiatives fiscales et politiques leur permettant de s'émanciper de Vienne. En 1834, il obtint même le renforcement de la censure dans chaque état de la Confédération.
En politique intérieure, le bilan de Metternich est beaucoup plus incertain. Il a en effet "loupé le coche" du Zollverein (union douanière) qui a de fait exclu l'Autriche de la grande alliance commerciale qui s'est tissée autour de la Prusse, hypothéquant ainsi les chances de l'Empire pour l'avenir.
Il a également, par méfiance envers le nouveau souverain prussien Frédéric-Guillaume IV qu'il tenait pour libéral (!), refusé de consolider les forces armées de la Confédération germanique, isolant encore plus Vienne des lieux d'intervention potentiels en Europe.
Dans les années 1840, l'Autriche est donc moins influente qu'en 1815. Le tsar Nicolas II veut plus que jamais démanteler l'Empire Ottoman, ce que Metternich refuse avec la dernière énergie. Les relations avec l'Angleterre se sont tendues du fait du retour des libéraux au pouvoir et la crise suisse du Sonderbund (en 1847, des radicaux veulent transformer la confédération helvétique en un véritable état fortement fédéré) mettra fin au bref et timide rapprochement avec la France conservatrice de Guizot.
3°) Conclusion :
On pourrait donc résumer l'Autriche de Metternich par trois formules :
- censure et état policier ;
- essor culturel ;
- prospérité économique (la révolution industrielle se met en place comme partout ailleurs en Europe) ;
Mais fin 1847, le système Metternich est bien mal en point. Dans l'ensemble, les institutions tiennent le coup, mais en Allemagne, en Italie, en Hongrie des chefs libéraux réclament de plus en plus ouvertement, malgré la censure, une transformation des institutions politiques et la satisfaction de revendications nationalistes. De plus en plus, l'hégémonie de Vienne est contestée par la périphérie (notamment par Kossuth à Budapest), mais paradoxalement c'est dans la capitale que se déclenchera la révolution qui chassera Metternich du pouvoir...
Suite : La Révolution de 1848 et la Réaction (1848/49)
© eric alglave 2001