Après trois aventures plutôt médiocres (car Patrick McGoohan, comme son alter ego le N°6, n'aime pas agir sur commande !), voici le meilleur épisode de la série.
Si le titre fait évidemment référence aux contes pour enfants, c'est parce que tout l'épisode est émaillé d'allusions et/ou de citations de contes ou comptines dont le langage faussement naïf - donc intriguant - reflète l'enjeu - lui-même décalé - que se disputent les deux protagonistes.
Car sous des apparences saugrenues et puériles, il s'agit bel et bien d'un duel à mort entre le Prisonnier et le "Nouveau" Numéro Deux (en réalité celui qui occupa déjà ce poste dans
The Chimes of Big Ben, l'époustouflant Leo McKern). Le combat sera arbitré par le Majordome Nain (Angelo Muscat) sous le regard impartial du Superviseur (Peter Swanwick).

1°) Retour aux sources :

L'opération "Degré Absolu", lancée par le "Nouveau" Numéro Deux de retour aux affaires, s'apparente à la fois au jeu du "Quitte ou Double" et à la régression hypnotique utilisée par les psychologues anglo-saxons.
Convaincu - après avoir reparcouru pour la énième fois le dossier du N°6 - de la valeur incomparable du Prisonnier, le N°2 veut en finir une bonne fois pour toutes :

N°2 (on the phone) : Degree Absolute ! I require approval (...) If you think he's that important, there's certainly no other alternative. You must risk either one of us (...) I am a good man... I was a good man... but if you get him, he will be better. And there's no other way... (au téléphone) : Je demande l'autorisation d'appliquer le niveau Degré Absolu ! (...) Si vous pensez qu'il est si important que ça, il n'y a aucune autre solution. Vous devez parier sur la vie de l'un de nous deux (...) Je suis un bon agent... J'étais un bon agent... Mais si vous parvenez à l'avoir, il en sera un meilleur encore. Or, il n'y a pas d'autre moyen...

Le pari du N°2, risqué mais intelligent, c'est que le N°6 ne cèdera que s'il a réellement une chance de battre le chef du Village afin de découvrir qui est le Numéro Un. Car la semaine de huis clos qu'il s'apprête à vivre sera révélatrice des qualités et des défauts des deux adversaires. Seul le plus endurant survivra.
Dans la nuit, le Prisonnier est conditionné par sa lampe-plafonnier : elle émet des ondes hypnotiques qui vont le faire régresser à l'âge de trois ans. Le N°2 passe le restant de la nuit à lui chanter des berceuses pour parfaire le conditionnement.

Humpty Dumpty sat on the wall
Humpty Dumpty had a great fall
All the king's horses and all the king's men
Couldn't put Humpty together again...
Humpty Dumpty était perché sur un mur
Humpty Dumpty est tombé très
Tous les hommes et tous les chevaux du roi
N'ont pas pu le sauver cette fois...

Au petit matin, le N°2 est épuisé par sa nuit blanche, tandis que le Prisonnier est frais "comme un bébé". C'est d'ailleurs ainsi que son gardien s'adresse à lui :

Want to go walkies ?... Wash and dress quickly, and I'll show you some nice things. Tu veux faire un tour en poussette ? Fais ta toilette et habille-toi, et puis je te montrerai plein de jolies choses.

Nous voyons ensuite, sidérés, le N°6 (retombé en enfance) manger avec délectation un cornet de glace assis au fond d'un fauteuil roulant que pousse le N°2. Ils se rendent au Grand Dôme et descendent dans ses entrailles souterraines pour s'y enfermer toute une semaine. Le N°2 va incarner tour à tour les différentes figures d'autorités que le Prisonnier a rencontré au cours de sa vie.

2°) La formation d'un esprit rebelle :

a) Le N°2 joue tout d'abord le père du N°6, âgé de trois ans. Après avoir amadoué l'enfant, il le questionne indirectement (afin de ne pas l'effaroucher). Mais, la tension monte visiblement quand, assis de part et d'autre de la balançoire, ils se défient sur les rimes d'une comptine dont un seul mot ("master", maître) suffit à déclencher le duel ("See saw, Hackery Do, Jacky shall have a new master"). La joute verbale s'achève sur un statu quo qui met à égalité "brother" et "friends". Le N°2 et le N°6 font la paix. Temporairement...

b) La deuxième tentative se situe alors que le Prisonnier semble avoir 13 ans. Convoqué dans le bureau du directeur, il refuse de dénoncer un camarade de classe et préfère être puni lui-même plutôt que de trahir un congénère.
Le "directeur" a beau tout tenter pour faire pression, l'élève reste inflexible. Il a même progressé en insolence et en aplomb.

You have been in my study every morning at this time and you still refuse to cooperate! (...) You know who it was ?
P. : Yes Sir.
N°2 : Who was it ?... That is cowardice!
P. : That's honour Sir.
N°2 : We don't talk about such things!
P. : You should teach them Sir.
N°2 : You're a fool!
P. : Yes Sir. Not a rat.
(...)
You will take six... of the best!
I'm not guilty Sir.
Ten!
Twelve Sir. Si that I can remember.
Tu es venu à mon bureau tous les matins à cette heure et tu refuses toujours de coopérer. Aujourd'hui c'est ta dernière chance. Ce n'était pas toi ?
Non m'sieur.
Mais tu sais qui c'était ?
Oui m'sieur.
Qui était-ce? C'est de la lâcheté!
C'est de l'honneur m'sieur.
On ne parle pas de ces choses ici!
Vous devriez les enseigner m'sieur.
Tu es un fou.
Oui m'sieur, mais pas un cafteur.
(...)
Tu auras six... coups de bâton.
Je ne suis pas coupable m'sieur.
Dix!
Douze m'sieur. Pour que je n'oublie pas.

Cette fois-ci, malgré les coups de fouet, c'est le prisonnier qui remporte la manche.

c) Le doyen de l'université choisit le moment très émouvant (et donc destabilisant) de la remise des diplômes pour arracher la confession du Prisonnier :

N°2 : Congratulations my boy. You will do well. We are proud of you. Proud that you have learnt to manage your rebellious spirit. Proud that your obedience is absolute. Why did you resign?
P. : From what Sir ?
N°2 : Now my boy. You know perfectly well what I'm talking about. Why did you resign?
P. : I can't tell you that Sir.
Félicitations mon garçon. Tu vas bien t'en sortir. Nous sommes fiers de toi. Que tu aies appris à maîtriser ton esprit rebelle. Que ton obéissance soit absolue. Pourquoi as-tu démissionné ?
De quoi m'sieur ?
Enfin mon garçon, tu sais parfaitement bien de quoi je parle. Pourquoi as-tu démissionné ?
Je ne peux pas le dire m'sieur.

L'insistance du N°2 - qui a laissé tomber le masque du doyen de l'université - ne fait qu'aggraver les choses ; le Prisonnier est pris d'un accès de folie, se met à hurler puis se rue sur le N°2 pour l'étrangler. Le Majordome Nain doit intervenir pour empêcher un meurtre !
Beau joueur, le N°2 conclue : "I'm beginning to like him." (je commence à l'apprécier).

Suite : Once Upon a Time (2ème partie)

Les images :

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The Chimes of Big BenLeo McKern

Angelo Muscat

Peter Swanwick

Les notes :

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convaincu : le dossier est écrit et vidéo. Nous passons en revue les "actes de bravoure" du Prisonnier depuis son arrivée au Village, des premières déclarations violentes ("I'm going to escape and come back, wipe this place off the face of the earth ... I will not be pushed, filed, stamped, indexed, briefed, debriefed or numbered") à la toute dernière facétie provocatrice (il claque des mains comme un danseur de flamenco pour faire refermer la porte de sa maison alors qu'il sait que le N°2 le surveille) en passant par ses appels enflammés à la rébellion (épisode Free for all).

entrailles souterraines : les profondeurs de l'inconscient sont métaphoriquement représentées par une salle - appelée "the embryo room", la "matrice" - où s'accumulent pêle-mêle (car l'inconscient n'est pas ordonné rationnellement) un parc pour bébé, un cheval à bascule, un harmonium, une balancelle de jardin et une balançoire de square pour enfants, un tableau noir, un mini-tracteur...

temporairement : notons tout de même l'incroyable volonté d'un enfant de trois ans, capable de résister à celle d'un adulte (son père, en l'occurrence) !

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Texte : © eric alglave 2001
Images : © ITV/Polygram Video